Vincy, le 23 juin 2023

Notre départ de Nouvelle-Zélande nous rapproche du point final de notre aventure sur les océans. Nous voguons une dernière fois tous les six vers la Nouvelle-Calédonie. Même l’albatros a compris que nous quittions son domaine et vient nous saluer, durant plusieurs jours, de son vol si gracieux. Bel Océan, si apaisant, si vaste, si fragile, que tu vas nous manquer !

 

Il y a un peu moins de cinq ans, nous quittions la Suisse pour vivre notre rêve de voyage en famille. Nous devenions une famille sur les océans. Nous avons navigué les yeux grands ouverts à la recherche du paradis qui pourrait nous accueillir. Dominique et moi aspirions alors à une vie simple dans une nature sauvage. Doux rêveurs, nous avions laissé de côté un impératif non négligeable. Les études de nos chers enfants. Car si nous avons, maintes fois, abordé au paradis, les écoles en étaient fort éloignées. Nous aurions pu poursuivre avec une scolarisation en ligne ou envoyer les garçons en internat. Des solutions existent, mais ni l’une ni l’autre ne nous a semblé la bonne. Le quotidien à six dans un espace réduit, nous a aussi fait découvrir les limites de cette vie familiale assez cloisonnée. Ne dit-on pas qu’il faut tout un village pour élever un enfant ? Nous avons compris que nos enfants avaient besoin d’autres adultes référents et non seulement de rencontres passagères. Que nos enfants avaient besoin de tracer leur chemin avec indépendance. C’est en pensant à eux, parce que nous sentions que le voyage avait apporté à chacun ce dont il pouvait en tirer et parce qu’une certaine lassitude s’installait à bord, que nous avons pris la décision de mettre un terme à ce sensationnel périple.

Pour nous, une nouvelle étape dans notre parcours sur Terre démarre dont toutes les lignes ne sont pas encore esquissées. Un retour en Suisse, un nouveau travail, la reprise de l’école, un séjour linguistique, la vente de notre bateau, … Les projets et les défis à relever ces prochains mois ne manqueront pas.

 

A vous tous ! Chers proches, chers amis, chers inconnus peut-être, qui nous avez suivis durant toutes ces années. A vous tous, je tiens à adresser un immense MERCI. Ce sont vos messages, vos photos, vos lettres, vos peintures, vos dessins qui m’ont encouragée à poursuivre l’écriture de ce site. Toutes vos nouvelles ont été de précieuses pépites pour nous tous, qui étions si loin de vous. J’espère que ces heures de lecture passées en notre compagnie vous auront fait rire, rêver, pas trop angoisser, inspirer.

Aujourd’hui, je souhaite du fond du cœur vous encourager à OSER.

Oser vivre votre vie, oser vivre vos rêves. Oser maintenant !

 

 

Du 25 mars au 20 avril 2023

Auckland, big city reconnaissable parmi tant d’autres avec sa SkyTower qui domine les buildings et son imposant pont qui coupe la baie en deux, l’un des deux seuls axes routiers qui relient le Nord de l’île. Auckland, résolument tournée vers la mer avec ses marinas immenses et indénombrables, ses magasins dédiés à la voile où tous nos rêves de pièces nautiques deviennent réalité.

Notre cher Wave Dancer rejoint Auckland tel un vieux loup de mer à la jambe de bois. Toujours vaillant, mais un peu usé. En cinq ans, toute l’électronique de bord est à réviser ou remplacer. Depuis les orages des San Blas au Panama, nous n’avons plus d’anémomètre nous indiquant la direction du vent. Notre radar semble avoir aussi lâché au même moment. Notre radeau de survie doit être révisé depuis deux ans. Et dernièrement, c’est notre VHF pourtant changée en début de voyage, qui fait des caprices. Dominique visite tous les magasins de voile et spécialistes nautiques, des grandes chaines aux petits ateliers cachés chez l’habitant. Il saute d’un bus à l’autre dans toute la ville d’Auckland et ses larges environs. Entre deux courses, il monte en tête de mât pour démonter, tester, installer. En une quinzaine de jours au centre-ville, il réalise des miracles. Nous n’aurons plus besoin d’attraper des torticolis en lorgnant notre girouette en tête de mât lors du réglage de voile, notre anémomètre est à nouveau opérationnel. Nous avons décidé de jouer la carte de la sécurité en remplaçant notre VHF par une VHF-AIS. Cela permet aux autres bateaux de nous localiser plus facilement et d’avoir des informations sur notre cap et notre vitesse. Notre radar a un nouvel écran. Et j’en passe car tout cela est un peu technique. Tous ces nouveaux appareils communiquent entre eux et nous renvoient toutes leurs informations sur notre tablette de navigation. Découvrir toutes les possibilités de cette merveilleuse technologie nous occupera quelques soirées.

Entre deux sessions citadines et en attendant les pièces commandées, nous visitons quelques îles du golfe d’Auckland. A deux pas de cette grande ville, on rencontre des petits paradis sauvages pour randonner et des plages magnifiques pour les départs en kitesurf. Voilà encore une destination de Nouvelle-Zélande qui a beaucoup de charme.

 

Notre séjour en Nouvelle-Zélande touche à sa fin. Nous quittons ce pays avec un petit pincement au cœur. En cinq ans de voyage, c’est la première destination où tout l’équipage aurait eu envie de rester. Un climat tempéré, une qualité d’éducation exceptionnelle très à l’écoute des enfants, des paysages magnifiques et sauvages, un pays tourné vers le sport en extérieur avec de nombreux aménagements et, enfin, l’opportunité pour tous d’améliorer son anglais. Oui, vraiment ! Nous aurions souhaité nous y attarder, travailler et scolariser les enfants. Nous avons réalisé de nombreuses offres d’emploi dans l’enseignement pour moi, dans les ascenseurs pour Dominique. Malheureusement, ce pays demande des qualifications extrêmement élevées pour obtenir un visa de travail, qualifications que nous ne parvenons pas à remplir. Alors nous partons. Nous n’attendons plus qu’une belle fenêtre météo pour mettre cap sur la Nouvelle-Calédonie.

 

  

 

Du 4 au 15 mars 2023

 

Depuis Wellington, notre remontée au Nord nous occupe pendant trois petits jours, poussés régulièrement par le vent du Sud. A l’approche de la région de Tauranga, nous longeons l’île volcanique de White Island formée par le volcan le plus actif de Nouvelle-Zélande, sa dernière éruption date de 2019. Il est assez impressionnant de passer à quelques milles de là et de voir les denses fumerolles qui s’échappent du sommet de l’ile. Nous ne pouvons nous empêcher d’espérer que le volcan n’aura pas la mauvaise idée de se réveiller au moment de notre passage.

 

Tauranga est une ville assez importante de l’ile du Nord. Ce qui nous a attiré là est simple, l’une des plus belles plages de NZ et un super spot de kitesurf. On y trouve aussi de jolies ballades. Le tout à deux pas du mouillage. En voilà pour tous les goûts !

De plus, après nos interminables séries de mauvais temps, la météo a enfin décidé de nous épargner. Sous un beau soleil, nous retrouvons la joie des baignades et sports aquatiques. Ça tombe bien car nous commencions tous à nous empâter un peu à force de se gaver de fromage et d’être confinés au bateau par les intempéries.

Qui plus est, c’est l’un des rares bords de mer de la Nouvelle-Zélande qui ne soit pas infesté de sandflies, ces diaboliques petites mouches de sable qui provoquent d’horribles démangeaisons. Rappelez-vous, nous les appelions yenyen aux Caraïbes et nonos en Polynésie. En voilà un secret de polichinelle soigneusement gardé par la Nouvelle-Zélande. Il est bien rare d’échapper à ces sales bestioles et plus on descend au Sud, pire c’est. Heureusement le climat plutôt frisquet incite au port du pantalon et du pull.

 

Tauranga, c’est aussi l’une des régions les plus volcaniques de la Nouvelle-Zélande. Nous mouillons aux côtés du Mount Maunganui, un volcan éteint depuis longtemps, mais qui conserve une forme de cône caractéristique. Nous partons aussi explorer l’ile de Tuhua, connue pour ses formations géologiques d’obsidienne. Si, comme les enfants, vous adorez le jeu Minecraft, l’obsidienne n’a plus de secret pour vous et vous comprendrez leur enthousiasme. Pour les autres, l’obsidienne est une roche volcanique qui ressemble à du verre, noire intense. Vous imaginez bien que chacun repart de l’ile avec deux ou trois morceaux parmi les plus beaux. Ça change des coquillages !

 

Tauranga restera comme une très belle étape de notre parcours en Nouvelle-Zélande. Cependant, après quatre mois par ici, il est peut-être temps de mettre cap sur Auckland.

 

 

 

 

 

 

Du 23 février au 3 mars 2023

 

Tout au Sud de l’ile du Nord, en bordure du détroit de Cook, pousse la Capitale de la Nouvelle-Zélande, Wellington. Pour quelle raison les Kiwis ont-ils décidé de placer leur capitale dans la région la plus venteuse de tout le pays demeure une énigme à nos yeux. Peut-être dans une idée de maintenir un équilibre entre le Nord populaire et le Sud sauvage ? Du vent, il y en a à Wellington. Nous avons toujours une dizaine de nœuds de plus que les régions alentours. Le vent s’engouffre entre les deux îles et frappe Wellington de plein fouet. Idéal pour les amateurs de kitesurf. Dominique et Noé en profitent bien. Pour ma part, l’eau et le fond de l’air sont beaucoup trop froids pour me donner l’envie de barboter les fesses dans l’eau. Les plus jeunes tentent une journée de bodysurf et nous ramènent en souvenir notre première crève néozélandaise.

Comme le reste de la Nouvelle-Zélande, Wellington est mignonne et bien aménagée. Son centre-ville oscille entre bâtiments historiques du XIXème et zones branchées où les sushibar pullulent. On y trouve quelques rares immeubles qui cèdent vite leur place aux quartiers résidentiels composés de villas individuelles. La Nouvelle-Zélande est un vaste pays peu peuplé. On sent que la place n’est pas un problème et la densification démographique pas une priorité pour les autorités.

Outre notre passage par l’ambassade espagnole pour les passeports des enfants, nous nous prêtons au jeu du tourisme. Nous visitons la gare pour montrer les trains à Louis, empruntons le Cable Car au milieu d’un flot de retraités en vacances, nous découvrons le jardin botanique et arpentons les jolies promenades en bord de mer.

Mais nous ne sommes résolument pas des adeptes des grandes villes et je peine à m’épancher sur notre détour dans la Capitale. Il faut dire que la Nouvelle-Zélande est un pays très jeune. L’Histoire n’a laissé que quelques rares traces de son passé. Bien souvent, des restes de fortifications de la deuxième guerre mondiale ou quelques mémoriaux en l‘honneur des braves hommes et femmes qui ont contribué à la colonisation de cette contrée éloignée. Par ailleurs, la culture maorie basée sur une transmission orale est très peu visible.

 

Après un petit mois au Sud, nous repartons retrouver un climat plus chaud et terminer notre exploration de l’ile du Nord avec la région d’Auckland notamment.

A bientôt !

 

 

Du 7 au 22 février 2023

 

Peut-être êtes-vous comme nous ? Depuis notre jolie Suisse, nous rêvions de la Nouvelle-Zélande. Vastes terres sauvages où se côtoient domaines skiables et spots de surf. Mais malgré vos envies de découvrir ce pays, il se peut fort bien que la région des Marlborough Sounds ne vous dise rien du tout. Pour compenser cette lacune, une petite présentation genre guide touristique s’impose :

Les Marlborough Sounds sont une région de fjords grande comme le Canton de Berne et située en face de Wellington, sur l’Ile Sud de la Nouvelle-Zélande. Un dédale de baies et de bras de mer tout en contours et détours, bordé de pentes escarpées, recouvertes de chênes, de pins, de tea tree et autres essences locales. Nichées au fond des baies, des habitations souvent solitaires, parfois quelques agglomérations plus importantes. Les gens vivent de la pêche et de la culture des moules principalement. Une région que nous vous conseillons de découvrir en bateau. (« Ah, voilà qui tombe bien ! Cap sur les Marlborough !»)

 

Dans les Marlborough, il fait bon se perdre dans ce labyrinthe. Nous avançons la plupart du temps au moteur à faible régime, poussé par les courants de marée. L’équipage est rassemblé sur le pont lorsque l’école est terminée, jumelles en main à la recherche de phoques ou d’orques. Après deux semaines dans cette région, nous aurons pu observer le phoque en train de se nourrir d’un poulpe, le phoque se toilettant, le phoque dormant au soleil sur un rocher, le phoque nageant dans l’eau, le phoque encore sur un rocher. On pourra en conclure que la vie du phoque semble assez pépère.

Notre exploration et étude du phoque sont interrompues par l’arrivée du cyclone Gabrielle. Nous commençons à être habitués par ces incessantes dépressions qui frappent la Nouvelle-Zélande. Cette fois-ci, cela s’annonce un peu plus costaud que d’habitude. Les prévisions météo annoncent des vents établis jusqu’à 100km/h et rafales pouvant atteindre 150km/h. Le tout évidemment accompagné de fortes pluies. Nous passons plusieurs heures à scruter la carte des Marlborough à la recherche d’un  mouillage idéal. Bonne tenue, pas trop profond, bien protégé des vents, sans accélération du vent lié au relief. Nous trouvons la perle rare avec Governor Bay. S’ancrer correctement dans cette baie nous prend bien 1h30. Nous devons planter notre ancre, puis reculer et attacher la poupe à terre avec deux longues amarres. Nous peinons à viser correctement pour placer le bateau sans être trop près de nos voisins de mouillage. Cela se déroule sous l’œil attentif des navigateurs néozélandais qui font ces manœuvres tout seul en 20 minutes. La honte ! Enfin, après bien des essais, nous parvenons à nos fins et pouvons dire avec soulagement : « Gabrielle, nous sommes prêts ! » Un mois après le passage du cyclone, les appels aux dons pour les familles sinistrées sont encore visibles dans tous les supermarchés.

 

Après deux petites semaines, nous avons l’impression d’avoir profité de tout ce que la région avait à nous offrir. Nous ne regrettons pas notre venue, mais décrétons à l’unanimité que Les Marlborough Sounds ne sont pas à la hauteur de leur réputation. Nous retraversons une nouvelle fois le détroit de Cook à grande vitesse. 12 nœuds de moyenne et pointe à 16,9noeuds. Des performances  qui sont fièrement consignées dans le livre de bord par notre Capitaine.

  

 

 

 

 Du 25 janvier au 6 février 2023

 

Une nouvelle dépression et le vide du frigo nous entrainent dans les Coromandel, une large langue de terre qui borde l’Est du golfe d’Auckland. Après le classique ravitaillement gargantuesque, nous rejoignons un bon abri. Autour de nous, les prés à vaches et moutons sont d’un beau vert flamboyant. Nous égrenons ces quelques jours de mauvais temps entre l’école le matin et les après-midis à courir dans les prés. Nous avons repéré des dindes sauvages et les garçons s’essaient au tir à l’arc dans l’espoir de nous ramener un souper. L’activité a le mérite de les faire se dépenser, mais ne remplira pas nos estomacs.

 

Sitôt le mauvais temps passé, nous levons l’ancre en direction de Wellington. Voilà longtemps que nous nous tâtions pour mettre cap au Sud et explorer quelque peu l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Mais nous faisions la fine bouche, jamais pleinement satisfaits des fenêtres météo. La nécessité de renouveler les passeports des enfants à Wellington nous a donné le coup d’élan qui nous manquait.

Wellington n’est pas tout prêt, nous en avons pour cinq jours de navigation. Il nous faut d’abord contourner le Cap East au bon plein, ce qui nous prend pratiquement deux jours. Navigation routinière si ce n’est un requin à peau bleue qui mord à nos hameçons. Il a la bonne idée de lâcher prise alors que nous nous demandions comment nous en débarrasser tout en conservant notre ligne de pêche.  A proximité du Cap, la mer est très agitée et nous n’avons qu’une hâte pouvoir abattre en direction du Sud. Après deux nouveaux jours relativement paisibles, notre arrivée dans les 40ème est saluée par un fort coup de vent et le vol majestueux de quelques albatros solitaires. Enfin, nous terminons avec le redouté détroit de Cook qui sépare l’ile du Nord de l’ile du Sud. Ce détroit n’a pas très bonne réputation. Les vents s’y engouffrent et accélèrent, la mer est vite levée, les courants sont forts. La dernière nuit de navigation dans le détroit est pénible. Le vent tournoie, accélère, tombe totalement. La fatigue me fait stresser pour un rien. Heureusement, mon Capitaine adoré prend le relais lors de mon quart et assume l’entier de la dernière nuit.

 

Nous nous arrêtons seulement deux petits jours à Wellington. Un peu de repos et une grosse lessive avant de reprendre la mer. La visite de la ville est reportée à notre prochain passage dans deux semaines pour notre rendez-vous à l’ambassade espagnole. Entretemps, nous partons pour les Marlborough Sounds sur l’ile du Sud, une région de fjords qui nous fait de l’œil depuis un bon moment.

 

 

 

 


Réponse de l’énigme :

J’espère que vous n’avez pas perdu le sommeil à tenter de résoudre notre énigme. La réponse vous fait face chaque fois que vous vous brossez les dents.

Il s’agit du MIROIR !

 

Du 12 au 24 janvier 2023

 

Cette île a tout pour plaire ! Une nature sauvage et préservée. Une abondance d’eau douce. Des sentiers de randonnée en tous sens. Des habitants peu nombreux mais soudés en une communauté bienveillante. Des sources d’eau chaude. Des campings et refuges accueillants. On y ajoute du soleil et une bande de potes et nous avons tous les ingrédients pour faire de cette étape de notre voyage un souvenir mémorable.

 

Nous ne sommes pas les seuls à avoir été séduits par l’endroit. Une équipe de Néozélandais a choisi, il y a plusieurs dizaines années, d’aménager toute une baie inhabitée pour les plaisanciers, Smokehouse Bay. Comme son nom l’indique, on y trouve des fumoirs à poisson. La pêche marche du tonnerre dans ces eaux plus froides et chaque famille de Néozélandais s’adonne à ce passe-temps assidûment. Pour nous aussi, la pêche est pleine de succès. Lors de notre traversée depuis Whangarei, nous pêchons deux magnifiques kingfish, 18 kg de poissons en tout. Ils ne seront pas fumés, mais distribuées entre tous les bateaux-copains et mis en conserve.  Si nous n’utilisons pas le fumoir, nous profitons par contre des autres installations : un four à pizza qui nous retrouve tous les midis les mains dans la farine, des bassins pour la lessive avec essoreuse à manivelles et des baignoires alimentées en eau chaude par un poële à bois. 

 

Mais le grand moment de notre séjour à Great Barrier reste notre virée camping de trois jours. Nous partons, équipés de gros sacs à dos, avec Karim et Yianis. Les trois autres membres de la tribu étaient peu motivés par le projet. Ils nous rejoindront néanmoins le lendemain pour la nuit en refuge. La première journée, tout frais, mes deux petits gars se montrent bien bavards et enthousiastes. Mais au bout des dix kilomètres de marche, nous sommes quand même tous bien heureux d’atteindre le camping. Un joli terrain d’herbe en bord de mer avec un couvert pour préparer son repas, des toilettes et quelques tables et bancs. Nous sommes les seuls occupants des lieux. Les enfants resplendissent de joie à monter la tente et préparer notre riz cantonnais sur le réchaud. Il n’y a qu’au moment de la vaisselle que leur bel enthousiasme se tarit et que je m’attelle à la tâche.

Le lendemain, alors que mes jeunes sont en pleine forme, je sens déjà mes mollets douloureux. On ne passe pas impunément de marins à randonneurs aguerris. L’étape de ce deuxième jour est un peu plus longue avec une belle grimpette au programme. Heureusement pour le moral des troupes, notre chemin nous mène à des sources chaudes à mi-parcours. Pause bienvenue pour Yianis qui avait perdu de sa motivation après s’être retrouvé les deux chaussures remplies d’eau lors de la traversée d’une rivière. En milieu d’après-midi, nous atteignons le refuge à 405 mètres d’altitude. Nous retrouvons tout le reste des « del Blanco » et deux autres familles qui sont montés par un autre versant.  La soirée est fort sympathique avec quelques parties de Loup Garou et un petit coup de rouge de Nouvelle-Zélande.

Enfin, le troisième jour,  c’est la redescente sur un chemin en grande partie aménagé avec passerelles et escaliers en bois, ponts suspendus pour enjamber les rivières. Nous faisons néanmoins un petit crochet par le sommet de l’île. Tout en bas, nos voiliers nous attendent sagement dans la baie. Nos trois Capitaines ont tous hâte de retrouver leur embarcation !

 

Notre fin de séjour à Great Barrier sera encore marquée par deux anniversaires dont celui de notre Louis adoré qui fête ses sept ans !

 

Un grand bisous à vous tous !

 

 

Du 6 au 12 janvier 2023

 

Après une semaine de mauvais temps, nous profitons d’une courte accalmie pour quitter la Bay of Islands et descendre plus au Sud. Le vent annoncé à 15 nœuds peine à faiblir et c’est dans 25 nœuds et trois mètres de houle que nous naviguons. Louis souffre du mal de mer et Yianis est très angoissé. Je tente de me remémorer mes chansons scoutes et autres comptines pour tuer le temps et changer les idées des deux plus jeunes. Les mimiques du « Cowboy Arthur » remportent le plus de succès, avis aux connaisseurs.

Cette dure journée de navigation nous amène aux abords de la ville de Whangarei nichée au fond d’une rivière. Nous devons à nouveau nous mettre dans un bon abri car la météo est toujours aussi pourrie. Une nouvelle dépression s’approche avec rafales de vent à 45 nœuds et fortes pluies. Tous les Néozélandais rencontrés décrivent cet été comme épouvantable. Oh joie !

 

Cependant cette étape citadine n’est pas pour nous déplaire. Les enfants s’éclatent dans les places de jeu immenses de la ville. Cela fait du bien de rencontrer un pays qui se préoccupent de ses jeunes en leur mettant à disposition beaucoup d’espace. Les skateparcs sont les plus grands que nous n’ayons jamais vus et certaines randonnées sont agrémentées de petits jeux pour distraire les jeunes jambes. Nous nous équipons aussi en matériel de camping, car nous prévoyons une virée de plusieurs jours avec Karim et Yianis.

 

Enfin, un timide soleil et un doux vent du sud-ouest nous permettent de mettre cap sur de nouveaux horizons plus sauvages, Great Barrier Island.

A bientôt pour de nouvelles aventures plus estivales!

 

 

 

 

 

 

Du 3 décembre 2022 au 6 janvier 2023

 

Par un beau samedi matin ensoleillé, nous arrivons dans la Bay of Islands, une large baie au Nord de la Nouvelle-Zélande. La baie est remplie de voiliers profitant de la brise du Sud-Ouest. Les équipages sont en manches courtes et short. Dominique barre en pull en laine, pantalon et veste de quart. On ressent d’entrée un certain dépaysement. Brrr !

Par bien des aspects, la Nouvelle-Zélande nous rappelle notre Suisse natale. On peut le constater, dès l’arrivée, avec de strictes formalités d’entrée dans le pays. Nous avons interdiction de planter notre ancre dans les eaux néozélandaises avant d’avoir reçu la visite des officiels et dûment rempli une flopée de formulaires. On s’attendait à voir le bateau retourné de fond en comble à la recherche de la moindre fourmi égarée. C’est finalement, attablés à la table du carré, à parler Coupe du monde de football pendant que les gosses mangent nos dernières mangues que se déroule cette étape administrative. Les officiels repartent quand même avec notre spray au poivre, toute notre réserve de lentilles et de haricots secs et nos dernières gousses d’ail.

Autour de nous, le paysage change énormément de nos Tropiques si familiers. Là encore, on retrouve une petite touche helvétique dans les propriétés aux haies et jardins soigneusement entretenus. En ce mois de décembre, nous sommes à la fin du printemps. La température varie entre 18° et 23°. La mer est à 20°. Les pissenlits et les trèfles fleurissent dans les prés. Les oiseaux chantent à tue-tête dès cinq heures du matin. Les journées s’étirent jusqu’à 21h30. Nous peinons à nous coucher avant 22h, tant habitués par la nuit des Tropiques qui tombe invariablement à 19h. Dans les magasins, nous nous ruons sur les abricots, la rhubarbe, les fraises et … les poireaux. Là encore, quel dépaysement. Karim est le plus content de nous tous. Les fruits tropicaux ne sont pas parvenus à le séduire et la pomme demeure son fruit préféré.

 

Nous passons un gros mois dans la Bay of Islands, une large baie toute en criques, parsemée de quelques îles sauvages. Destination de vacances préférée de nombreux Néozélandais habitant plus au Sud. Ils sont beaucoup à avoir un voilier en marina ou une maison secondaire dans le coin. C’est donc une région assez courue tant sur l’eau qu’à terre. On y trouve des magasins de voile super bien fournis. Dominique y passe des heures à rêver devant les rayons, trouvant, à chaque passage, un truc de plus à remplacer dans notre voilier. 

Dans chaque mouillage un tant soit peu sauvage, des sentiers de randonnée sont aménagés. Un paradis pour randonneurs et pour Véronique. Nous avons même eu droit à une station de lavage de chaussures à l’entrée d’une forêt de kaui, un arbre endémique et très sensible aux maladies. Ce sont donc beaucoup les marches qui occupent notre temps libre. Mais on trouve aussi de grandes plages, des rivières qui dévalent jusque dans la mer où les garçons aiment à faire des barrages, des rochers couverts d’huitres pour garnir l’apéro, quelques spots de kitesurf et des eaux poissonneuses pour la chasse au harpon ou le snorkeling en combinaison de plongée de 5mm.

 

A l’approche des fêtes, nous nous attardons un peu plus longtemps que souhaité dans cette baie que nous connaissons bien désormais. L’arrivée de vents tempétueux durant plus d’une semaine, nous oblige à nous réfugier dans une petite baie bien protégée. Notre vie riche en découverte se ralentit alors au rythme de l’école matinale, de rares sorties entre deux rafales de vent et de jeux de société. C’est aussi une réalité de la Nouvelle-Zélande, les séries de beau temps sont entrecoupées de dépressions violentes et pluvieuses.

 

Une très belle nouvelle année à tous !

 

 

 

 

Du 21 novembre au 3 décembre 2022

 

Voilà dix jours que nous sommes « officiellement » sortis des Fiji, notre permis de séjour étant échu depuis le 11 novembre. Dix jours que nous nous planquons au mouillage en scrutant une fenêtre météo favorable pour se lancer en direction de la Nouvelle-Zélande. Lassés d’attendre, nous prenons la mer avec une météo peu idéale. Vents très faibles sur une grande partie des 1100 milles à parcourir, puis une arrivée musclée sous vents dépressionnaires. Nous partons préparés pour une longue traversée, comptant mettre quinze jours au lieu des huit habituels. Le frigo est plein. Les voiles sont toutes prêtes, du spi au tourmentin. Les liseuses sont pleines de bons bouquins. Les tablettes remplies de chouettes films. Et notre téléphone satellitaire est enclenché afin d’adapter notre route selon les vents. Départ !

Cette navigation se vit comme annoncée. Les premiers jours, nous avançons très lentement. Notre moyenne tourne autour de 80 milles par jour. D’habitude, nous étalons le double. Mais la mer est calme, il fait chaud, nous dormons bien, nous cuisinons de bons petits plats et, surtout, nous nous baignons derrière le bateau tous les après-midis. Cette lente avance a finalement de très bons côtés et nous permet de profiter encore un peu de la chaleur tropicale.

Puis, si les vents ne s’établissent pas encore, le froid pointe un nez timide. Finies les baignades, on sort pantalons et pulls chauds.

Ce ne sont que les trois derniers jours que les choses se corsent sérieusement. Nous terminons la navigation avec un vent de pré de 20 nœuds, une mer hachée et un froid glacial. Vestes de quart, pantoufles, bonnets et duvets sont sortis des placards au plus vite. Les Tropiques sont désormais bien derrière nous. Sortir du lit chaud pour prendre son quart dans l’air glacé devient une toute autre corvée que celle dont nous avions l’habitude. La mer, si longtemps accueillante et rafraichissante, devient une ennemie que l’on évite à tout prix.

Enfin, après 12 jours de mer et 1300 milles derrière nous, La Nouvelle-Zélande est en vue. Nous arrivons dans la Bay of Islands au Nord de l’Ile du Nord, haut lieu de la voile et de la pêche. En ce samedi matin printanier, les voiliers pullulent dans la baie. Dominique tire ses bords de pré en louvoyant entre les embarcations. Pour une fois, le plan d’eau n’appartient plus aux seuls voyageurs-plaisanciers. La Nouvelle-Zélande est vraiment un pays d’amoureux de la voile !

 

 

 

Du 28 septembre au 31 octobre 2022

 

Depuis quatre ans de voyage et surtout notre longue pause en Polynésie où tout est introuvable, du bon manœuvre aux moindres pièces techniques, la liste des réparations et rénovations à faire sur le bateau ne fait que s’allonger. Notre escale aux Fiji n’est donc pas seulement détente et galipettes dans l’eau, c’est aussi du boulot.

Nous voulons changer les sièges du carré et refaire le teck du cockpit. Nous avons de la soudure inox à faire pour réparer le davier et fixer nos panneaux solaires. Nous avons un moteur hors-bord à réviser. Des accros sur le gelcoat à boucher et repeindre. Nous avons un carénage programmé et voulons en profiter pour changer de type d’antifouling, ce qui signifie poncer toute la coque jusqu’au primaire.

Nous explorons les villes de Suva et de Lautoka à la recherche de profils inox, de bois tropicaux, de tissus de confection, de baguettes de soudure inox, de peinture,… Mon anglais se perfectionne à chaque étape. Il nous faudra quand même une journée de recherche à Suva pour comprendre qu’on ne parle pas de « wood », mais de « timber » pour désigner le bois. Et que chercher un carpenter en guise de menuisier nous mène dans des ateliers mécaniques. Menuiserie se dit « joinery ». Comme quoi, même un dictionnaire a ses limites.

Le 28 septembre, notre voilier est sorti de l’eau pour un carénage d’une dizaine de jours si tout va bien. Mais notre coque nous révèle une surprise de taille. L’entier de la coque est envahi de bulles d’osmose. Nous en avions repérées à plusieurs endroits, mais ne pensions pas à une telle étendue. L’osmose est une maladie courante chez les voiliers en fibres d’un certain âge. Le gelcoat devient poreux et laisse pénétrer de l’eau de mer dans la fibre. Une réaction chimique se crée entre l’eau de mer et la fibre et produit de l’acide. Cela forme des bulles qui grandissent d’années en années jusqu’à fragiliser l’entier de la coque. Chez nous, si l’étendue couverte par les bulles est importante, les bulles en elles-mêmes sont de petites tailles. Nous pourrions ne rien faire et attendre jusqu’au prochain carénage. Mais les Fiji sont un endroit idéal pour ce traitement assez lourd. Il faut racler la coque pour ouvrir toutes les bulles d’osmose, puis rincer et laisser sécher. Ensuite, la fibre est recouverte de résine, puis primaire et antifouling. Nous demandons à une entreprise de faire le gros du boulot.

Pendant quatre jours, les ouvriers meulent la coque, soulevant une fine poussière qui s’infiltre partout. La vie à bord est impossible. Tout le bateau est fermé et il règne une chaleur étouffante. A l’extérieur, ce n’est pas mieux car le vent envoie la poussière de tous côtés. Nous vivons entre le café de la marina et le coin barbecue ouvert à tous. Nous faisons l’école et la cuisine dehors, ne regagnant notre bateau que lorsque le travail des ouvriers est terminé. Nous sommes alors heureux de les voir bosser au rythme des Fiji arrivant à 9h et quittant le travail à 16h. Cela nous laisse un peu de calme à bord. Après ces quelques jours infernaux, le bateau redevient zone habitable. Nous pouvons enfin démarrer notre boulot. Nous avons reçu le bois pour le cockpit et refaire tout le teck s’avère un sacré travail. C’est le domaine de Dominique. Noé et moi travaillons sur la coque avec les multiples couches de peinture à poser. Pendant ce temps, les trois plus jeunes s’affairent à leur école, aident à la préparation des repas et s’occupent tant bien que mal. Nous les avons néanmoins beaucoup dans les pattes et cela est bien difficile d’enchainer douze heures de boulot et des disputes à régler. Nous ne sommes pas très disponibles pour eux. Heureusement, nous avons aménagé un petit coin atelier où ils prennent plaisir à bricoler.

En tout, nous passons un mois à sec. Un mois à escalader une échelle de 3 mètres de haut pour regagner son domicile. Un mois sans toilettes à bord. Un mois de poussière et de moustiques. Mais aussi un mois sans annexe qui tombe en panne. Un mois à faire les fous en vélo dans la marina. Un mois de douche chaude à volonté. Finalement, cette pause au sec a aussi ses bons côtés.

Nous reprenons la mer avec un carré aux sièges bordeaux, un cockpit magnifique, un davier réparé, des panneaux solaires bien fixés et une coque flambant neuve. Bravo les gars, ça va fuser sur l’eau !

 

 

 

 

du 28 juillet au 25 août 2022

 

Le Lau Group est un chapelet d’îles qui borde l’est des Fidji. Encore fermé à tout étranger il y a quarante ans, la vie dans ces petites îles est restée très communautaire et traditionnelle. En tant que touristes, nous nous devons de respecter certaines coutumes.

La première est celle du Sevusevu. Vêtus de nos plus beaux habits, paréo long et épaules couvertes pour moi, pantalon et chemise pour Dominique, sans chapeau, lunettes de soleil ou sac sur le dos, nous sommes introduits devant le chef du village. Assis en tailleur sur une natte de pandanus, nous lui remettons, en guise d’offrande, une botte de racines de kava. Le kava est une plante qui fournit une boisson apaisante et légèrement enivrante. Cette boisson est consommée dans tous les Fidji lors de grandes occasions ou simplement pour passer le temps. Une fois notre kava accepté, nous sommes les bienvenus dans l’ensemble de l’île. Nous pouvons nous ancrer où nous avons envie, nous promener, pêcher, …

Autre coutume moins exotique cette fois-ci, l’église du dimanche. A chaque Sevusevu, nous sommes vivement priés de les joindre le dimanche matin pour le culte. Par curiosité et respect de leur culture, je m’y rends un dimanche sur l’ile d’Ongea. Pas moyen de convaincre l’un de mes garçons de m’accompagner. Ils préfèrent s’amuser avec leurs copains. Une traversée de 40 minutes sur un charmant sentier en pleine jungle m’amène au village. Le culte dure une heure, tout est en fidjien à part le mot de bienvenue à l’égard des trois visiteurs dont je fais partie. Les chants résonnent dans cette petite église, puissants et prenants. Le pasteur s’emballe et débite ses propos d’une voix forte. Malgré tout, le temps s’écoule lentement et je suis bien soulagée de voir la fin du culte arriver. Que ces bancs d’église sont inconfortables ! Je suis ensuite conviée à partager le repas du dimanche avec une bonne moitié du village. Les femmes s’affairent depuis l’aube sur le repas. Je mange avec les hommes. Nous sommes tous assis au sol sur une natte avec notre assiette posée devant nous. Nous mangeons avec les doigts un plat de poissons, choux et manioc. J’arrive piteusement à peine au bout de la moitié de ma portion.

 

Les habitants de ces îles mènent une vie fort simple. Pas de voiture, pas de connexion internet. Seuls quelques téléphones et téléviseurs sont éparpillés dans le village et rassemblent petits et grands devant un match de rugby. Les talents de Dominique en électricité sont appréciés. A Ongea, il refait une installation électrique. Interrupteurs et ampoule ont été mal branchés. Il contrôle aussi une installation solaire, mais la batterie semble cuite et il ne peut faire de miracle. Nous sommes souvent sollicités pour du matériel scolaire, du tabac, des films. C’est agréable de pouvoir se rendre utiles et non toujours demandeurs. Ces iles voient encore passer peu de voiliers et sur certaines nous avons été accueillis avec beaucoup de générosité et de curiosité vis-à-vis de notre pays d’origine et notre mode de vie.

 

Enfin, notre passage dans le Lau Group, c’est aussi de jolis moments entre bateaux-copains. Nous sommes jusqu’à cinq familles francophones ensemble. Chaque matin, la journée s’organise entre les amateurs de snorkeling, ceux qui préfèrent la chasse sous-marine, ceux qui veulent jouer sur la plage et autres. Les annexes, paddles et kayaks circulent d’un bateau à l’autre. Les garçons se dispersent selon leur amitié et centres d’intérêt. Cela fait du bien à tous de ne pas être toujours les uns sur les autres. En particulier à Noé, entourés de quatre copains de son âge qui partagent ses goûts et qui peut profiter de moments loin de ses petits frères.

Une escale joyeuse, riche en échange et enrichissante !

 

A bientôt !

 

  

Du 26 juin au 11 juillet 2022

 

Dimanche 26 juin, après des dernières courses et un ultime plein d’eau, nous quittons la baie de Pao Pao salués par les coups de conches de nos copains, les Profité. Au fur et à mesure que les pitons de Moorea s’éloignent, les précieux souvenirs de notre long séjour en Polynésie nous submergent. Yianis et Louis sont tristes et grincheux à l’idée de quitter leurs bons copains et reprendre la mer. Ce premier jour est difficile.

Pourtant, rapidement, la mer nous prend et nous séduit à nouveau. Durant ces quinze jours de mer, le portant nous pousse, oscillant entre 12 et 30 nœuds. Le Pacifique et ses alizés capricieux se rappellent néanmoins à nous tous les jours en nous envoyant un petit grain ou deux.

A bord, la vie s’organise. Tout se ralentit. On savoure. On a le temps. Nous sommes bien en mer, heureux, détendus, disponibles. Les journées sont rythmées par les quarts et surtout les repas, moments très attendus dans notre quotidien. Nous n’aurons pas perdu un gramme durant ces deux semaines tant nous nous régalons de desserts fait maison.

Au milieu de notre petite routine et douceur de vivre, nous avons quand même quelques évènements qui méritent d’être partagés.

 

Arrêt éclair à Souvarof

Sur la route qui nous mène aux Fidji, nous avons plusieurs îles clairsemées. Les premières sont les îles Cook et parmi elles, l’île de Souvarof. Atoll inhabité, mais surveillé en saison par deux gardiens. En temps normal, les voiliers peuvent s’y arrêter sans faire leur entrée officielle aux îles Cook, mais le Covid est venu tout chambouler et l’île est désormais fermée. L’île de Souvarof est aussi connue comme un lieu de pèlerinage pour les voiliers. Durant 6 ans, Tom Neale y a vécu à la manière d’un Robinson moderne dans les années 50. Avec Noé, nous avons lu son bouquin en début de voyage et depuis, l’île est restée dans nos têtes.

Voilà six jours que nous sommes en mer lorsque Souvarof se dessine sur l’horizon. Nous décidons d’y aller au culot et de tenter un arrêt. Peut-être le gardien se laissera-t-il soudoyer ou apitoyer par nos chérubins ? A peine l’ancre descendue que tous les garçons sautent à l’eau avec bouées, masques et tuba. J’en profite pour aérer draps de lit et coussins. Nous avons juste le temps de diner et savourer un petit café sans houle que le gardien nous contacte par VHF pour nous mettre dehors.

Souvarof ? Nous aurons vu … durant deux heures !

 

Pêche à la traine

Dix jours que nous promenons trois lignes dans l’eau. Dominique nous a pourtant préparé trois belles lignes flambant neuves et résistantes. Mais voilà, pas une touche, pas l’ombre d’une nageoire. Rien ! Ce n’est qu’à l’approche des îles Samoa que le cri tant attendu retentit enfin : « Un poisson ! » Un beau coryphène a mordu notre ligne centrale. Nous remontons aussi vite que possible les deux autres lignes pour éviter les emmêlades. Puis Dominique s’occupe de ramener la bête. A l’approche du bateau, nous tentons assez maladroitement de gaffer le poisson qui s’excite en tous sens. Nos essais à Noé et moi sont trop timides. Dans sa lutte acharnée pour survivre, le coryphène se libère et nous regardons notre diner se faire la malle. Autant dire que le reste de la journée se passe dans une ambiance tendue. Chacun accusant l’autre. Le lendemain, les touches se multiplient, mais rien de sérieux. Ce n’est que le surlendemain que nous remontons fièrement notre premier poisson, un petit coryphène de 5,5kg. Nous avons aussi échangé les rôles. C’est-à-dire, je remonte la ligne et Dominique gaffe. Ce qui se révèle beaucoup plus efficace.

 

La ligne du changement de date

Autre étape importante, le passage de la ligne du changement de date. Cette ligne est placée sur la bordure Est du territoire des Fidji et ce n’est que le dernier jour de navigation que nous la franchissons. Nous gagnons un jour entier. Le dimanche 10 juillet, 10h00 devient lundi 11 juillet, 10h00. Cette étape nous occupe l’esprit depuis plusieurs jours déjà. Chacun espère que cela permettra de lui éviter une corvée cuisine ou vaisselle. Les enfants jubilent dans le carré car la corvée repas leur revient le dimanche. Dominique fait la grimace et, dans un excès de mauvaise foi, décrète que le passage ne sera validé que lorsque l’on mettra pieds à terre. Pour clore la discussion, je décide d’assumer les corvées repas et vaisselle en ce jour particulier.

 

 

Le lundi 11 juillet en fin de journée, nous arrivons à l’île de Vanua Levu pour faire nos formalités d’entrée. Fidji, nous voici !

A bientôt !

 

 

 

 

juin 2022

 

 

 

Vous êtes nombreux à nous demander quelle suite donner à notre périple. Le Covid semble derrière nous, les pays ouvrent à nouveau timidement leurs frontières.

Alors, on va où maintenant ?

 

Ne serait-il pas temps de rentrer en Suisse ?

Comment gérer la scolarité de Noé qui termine son école obligatoire ?

Ne faudrait-il pas s’arrêter, s’installer, remettre les enfants à l’école et travailler ?

 

 

Toutes ces questions, nous nous les posons depuis de longs mois. Ou plutôt, je me les pose et en discute ensuite avec Dominique. Il a beaucoup moins besoin de se projeter et de ruminer toutes les options dans tous les sens pour y voir clair.

Une chose est sûre, cette longue pause forcée en Polynésie a modifié notre projet de départ. Le tour du monde ne s’achèvera pas cette fois-ci. Mais concilier les avis de tous pour en faire sortir la meilleure solution s’est révélé un sacré tour de force. Voyez plutôt !

 

Du haut de ses six ans, Louis n’a pas d’autres références que la vie sur un voilier. Si les anecdotes de la Suisse lui donnent envie de découvrir le pays de sa naissance, il s’épanouit dans notre existence de marin libre et en culotte courte.

Pour Yianis, les navigations sont de plus en plus angoissantes. Les longues pauses en lagon lui rendent, chaque fois, le retour en mer plus difficile. Il aimerait voir le voyage s’achever et que l’on s’installe quelque part.

Karim est plus indécis. Appréciant la liberté de la vie en bateau, mais regrettant l’accès facile à la forêt, les joies des saisons. Clairement, la Suisse lui manque.

Noé est catégorique. Il souhaite poursuivre le voyage. Vivre sur un bateau lui plait, avoir peu d’école l’enchante, pouvoir kiter dès qu’il y a du vent ou chasser au harpon, voilà la vraie vie !

Dominique prend la vie au jour le jour, appréciant les bons côtés qui se présentent dans ce voyage. Pour lui, un retour à la vie rangée en Europe est hors de question. Le Covid, puis la guerre en Ukraine lui ont montré l’aberration de notre société. Il souhaite poursuivre, mais se rend compte que notre espace de vie devient chaque année plus petit.

Enfin, je ressens une grande lassitude depuis plusieurs mois. La vie 24h/24h avec enfants et mari use ma patience et ma joie de vivre. Les inconforts de la vie en bateau me pèsent. J’aimerais voir la fin du voyage, ne plus assumer l’école des terreurs, retrouver du temps pour notre couple et pour moi.

 

Pas simple devant tant d’avis divergents de trouver un terrain d’entente. Après vives discussions, coups de gueule, hauts et bas, nous en sommes venus au projet suivant. Encore une année de voyage pour une ultime destination de rêve. La Nouvelle-Zélande, si éloignée de tout, mais si proche de nous maintenant. On ne pouvait passer à côté !

A l’heure où j’écris ces lignes, nous nous préparons à partir pour les Fidji. Une quinzaine de jours en mer environ. Comme avant tout départ, c’est la course. Batteries et panneaux solaires à changer, formalités de sortie de Polynésie et d’entrée aux Fidji, mise à jour des vaccins et de la pharmacie de bord, allégement du bateau par la vente et le débarras de nombreux objets inutiles, lessive, ravitaillement. Vivement le départ en mer ! On pourra enfin se reposer !

 

A bientôt aux Fidji, les amis !

 

Du 11 au 25 mai 2022

 

Je pourrais conter Rangiroa comme une suite de mouillages idylliques, de rencontres insolites et d’aventures rocambolesques. Tous souvenirs gravés dans notre mémoire sélective, mais ce serait éluder une bonne partie de notre quotidien. Car, dans ce voyage, nous aussi, nous avons nos journées de routine.

 

Nous sommes samedi 21 mai, ancrés proche des motus aux récifs ; mouillage superbe, sauvage et solitaire. Le réveil sonne à 5h30. Depuis quelques semaines, nous sommes souvent tirés du lit par l’alarme indiquant que nos batteries de servitude ont une tension trop basse. Il va falloir les changer lors de notre prochain passage par Tahiti. Dominique se lève, éteint le frigo et revient se coucher. Pour moi, la nuit est finie. Je quitte le lit sans bruit et attrape ma natte de yoga au passage. Yianis et Karim se réveillent peu après, ils flânent en lisant dans leur lit. Vers 6h30, je commence à m’activer plus bruyamment en préparant le petit-déjeuner. Dominique se lève pour de bon et enchaine avec son habituel café-clop du matin. A 7h15, je secoue mes deux derniers dormeurs. Louis sort du lit avec le sourire. Avec Noé, c’est une autre histoire. Il traine au lit jusqu’à ce que j’élève le ton vers 7h55 car nous commençons l’école.

Quand Yianis a enfin terminé d’engouffrer son déjeuner gargantuesque, son repas préféré de la journée, la table du déjeuner devient pupitre d’école. Il est alors 8h00.

Le samedi est la dernière journée de labeur scolaire de la semaine. Chacun doit avoir achevé le plan de semaine reçu le lundi. Journée relax pour ceux qui ont bien bossé, journée chargée pour ceux qui ont gardé le pire pour la fin de la semaine.

Aujourd’hui, dans les bosseurs, on a Yianis qui termine un travail sur le passé composé et Karim qui prépare un exposé sur un livre. Côté feignasses, on a Louis, pour une fois. Il a gardé une page de calcul, de l’écriture et son livre de bord pour ce samedi. On a aussi Noé qui doit faire une dissertation de français ce qu’il déteste par-dessus tout et des exercices d’anglais.

Les deux premiers sont vite libérés et retournent à leur lecture. Pour les deux autres, la matinée est plus difficile. Louis ne comprend pas ses soustractions et perd patience, puis il rouspète après l’écriture du j en lié. Il va bouder dehors, revient, s’agace à nouveau, va jouer au Lego, regagne sa place et parvient tout de même à tout boucler avec le sourire. Noé n’a aucune inspiration pour sa dissertation. Voilà pourtant trois semaines que l’on travaille sur ce thème et il tente encore de se lancer dans l’écriture sans préparer son plan et rassembler ses idées. Il rature tout au fur à mesure et passe une heure à ne rien faire. Finalement, il s’enferme dans sa couchette et produit un travail … pas terrible.

Pendant que j’encadre cette équipe de choc et prépare du pain, Dominique bricole dans le bateau. Il répare un jeu des enfants et interrompt à tout moment la concentration par des coups de perceuse. Tout le monde râle. Il s’attaque alors à la réparation d’une lumière, puis lit un moment sur sa tablette.

 

L’après-midi est libre. Noé, Yianis et Louis se rendent à terre en annexe. Ils ont repéré un coin sympa pour faire une cabane et Noé a envie de sculpter des armes en bois pour les Lego. Dominique et moi les suivons en kayak peu après. Pendant que Dominique débourre une bonne vingtaine de noix de coco pour les conserver à bord, je fais un tour en kayak. Karim est resté à bord. Il aime ses moments de solitude et est fort occupé avec une nouvelle idée Lego.

Vers 16 heures, nous regagnons le bateau. Les enfants rentrent peu après. Je profite de toutes ces cocos préparées par mon homme pour faire une brioche au lait de coco pour le dimanche matin. Pendant ce temps, Dom et les trois petits jouent une partie de Citadelles, le dernier né de nos jeux de société.

Le repas du soir a beaucoup de succès. J’ai préparé l’un de nos menus préférés : des frites maison, œufs au plat et salade d’avocats-concombre. Tout pour le régime,  mais je crois que l’on peut se le permettre ! Dominique est de corvée vaisselle aujourd’hui. Alors qu’il s’active en cuisine, nous fabriquons quelques bracelets avec Karim et Yianis.

L’extinction des feux se fait vers 20h30. Certains s’endorment aussitôt comme Louis et Karim. Les autres lisent encore un moment.

Bonne nuit !

 

 

 

Mars-avril 2022

 

Deux mois déjà que nous sommes dans le lagon de Fakarava !

Lorsque le vent est au rendez-vous, nous avons établi nos quartiers dans le mouillage de Hirrifa. On y trouve…

Une superbe plage de sable, phénomène rare dans les Tuamotu où nous avons plutôt l’habitude de la soupe de corail.

Une zone d’eau peu profonde, bordée de bancs de sable, idéale pour débuter en kite.

Une ambiance entre voiliers sympa avec quelques grillades pour animer les soirées et quelques après-midi jeux à la plage pour amuser les mousses.

 

Ces jours venteux, le programme est bien chargé. L’incontournable école le matin. Puis, l’après-midi, on jongle entre l’apprentissage du kite et les activités pour distraire ceux qui n’en font  pas. Le principe du « On se relaie ! » ne fonctionne pas très bien avec Dominique. Pour lui, les gosses peuvent bien s’occuper tous seuls pendant que nous faisons du kite. Pour ma part, j’ai un peu plus de peine avec cette idée. En général, au bout d’une heure de kitesurf, je commence à culpabiliser de laisser mes loulous seuls à bord et regagne vite le bateau pour les emmener jouer à terre. Inévitablement, mes progrès en kite sont donc assez lents.

Au bout de deux mois, Noé et Dominique se débrouillent super bien. Ils remontent au vent, partent directement du bateau lorsque le vent le permet, commencent les sauts et autres petites figures aux noms étudiés et systématiquement anglophones que je vous épargne. Une bienveillante compétition s’est installée entre les deux. Ça reste bon enfant et les fait progresser. Une jolie complicité entre père et fils à un âge où cette relation n’est pas toujours facile.

Après deux mois, je commence enfin à tirer des bords, mais pas question encore de revenir à mon point de départ. Après avoir fait tant bien que mal 5 ou 6 longueurs en m’éloignant de la plage, ma rescue team vient me récupérer en annexe et me ramener au départ. Et je recommence. Noé râle un peu de devoir assister sa mère pendant une bonne heure. Je lui rappelle alors que ça fait 14 ans que je l’assiste, les rôles peuvent bien s’inverser quelques mois.

Au bout de deux mois, Karim a laissé tomber. Marre d’avaler des litres d’eau de mer en nage tractée. Marre d’attendre son tour en grillant au soleil sur un motu. Marre d’être assisté par son papa pas du tout doué pour ça (je confirme, soit dit en passant). C’est vrai que les débuts en kitesurf sont peu motivants. Karim profite alors de ses moments à lui, à bord, sans nous avoir tout le temps sur le dos. Pour tâcher de rallumer la flamme, on lui a offert deux heures de cours de kitesurf avec un vrai prof sympa, patient et compétent. Il me semble que ça a marché !

Et voilà qu’au détour d’une soirée grillade, on découvre que nos voisins de mouillage ont une aile de  3m qu’ils n’utilisent pas. Il y a quelques réparations à faire, mais ils nous la prêtent contre bons soins. Alors, Yianis, le pro du cerf-volant a, lui aussi, rejoint l’équipe. A quand les premiers bords ?

 

Les jours sans vent, comment s’occuper alors ? Oh ! Il y a toujours à faire !

Les impératifs d’abord.

Se rendre au village pour un ravitaillement. Réparer des ailes de kitesurf. Réparer nos deux cuves d’eau douce qui ont eu la folle idée de se trouer en même temps. (Super aux Tuamotu où l’eau est rare !) Entretenir le bateau. Faire la lessive…

 

Les loisirs ensuite.

Ces dernières semaines, la chasse aux coquillages rencontre pas mal de succès auprès de Yianis et Louis. Même Karim s’y met aussi. Il y a beaucoup de belles trouvailles à faire lorsqu’on longe le riff. Nous revenons les poches pleines de trésors. Et, qui sait, un jour trouverons-nous peut-être un morceau d’ambre gris rejeté par un cachalot?

 

Autre occupation, la pêche aux Ature. Les Ature, c’est les perchettes d’ici. Lorsque le soleil se couche, on met les hameçons dans l’eau et la pêche miraculeuse commence. En une petite heure, nous avons une trentaine de poissons. On les prépare à toutes les sauces. On en fait des bocaux. Mais ce qu’on préfère c’est les préparer en filets et les fumer. Avec Karim, nous avons passé un après-midi à construire un fumoir en feuilles de cocotier tressées. Les filets sont ensuite piqués sur des baguettes, fixés dans le fumoir et fumés à la bourre de noix de coco pendant 2-3 heures. L’idée était de les conserver, mais tout le monde trouve ça tellement bon que ça ne dure pas. Sur une tranche de pain beurrée, c’est un vrai délice !

 

Vous l’avez compris, on ne s’ennuie pas à Fakarava !

Tout de bon à vous  et à bientôt !

 

 

Du 19 au 27 février 2022

 

Le kitesurf est un sport bien en vogue dans le monde des voiliers. Lorsque le vent dépasse 15 nœuds, les ailes colorées sont de sortie. Mes enfants restent tous bouche bée devant les sauts et autres prouesses de nos voisins de mouillage. D’un autre côté, voilà plusieurs mois que je cherche une activité qui motive un peu les deux grands. Le snorkeling dans les plus beaux coins du monde, la baignade dans des eaux transparentes, les immenses plages désertes ou les balades en forêt vierge ont réussi à lasser ces jeunes compliqués. Alors le kitesurf, pourquoi pas ? Et tant qu’à faire, je vais essayer moi aussi !

 

Depuis le mois de novembre, trois ailes, deux planches et deux harnais de kitesurf attendent patiemment dans notre salle-de-bain. Nous avions profité de notre passage par Tahiti pour acheter du matériel d’occasion. Reste maintenant à apprendre à utiliser tout ça. Pour cela, j’ai eu recours à un concept trop bien, le woofing. Le concept est simple. Vous savez faire quelque chose et vous souhaitez partager votre passion et un peu de votre temps. En échange, on vous offre gite et couvert. J’ai donc posté une annonce sur quelques sites de woofing en Polynésie proposant un séjour à bord de notre voilier en échange de cours de kite. Ça a plutôt bien marché et c’est comme ça que Franck nous a rejoints pour une semaine. Franck est professeur de sport à Moorea depuis quatre ans et adepte du kitesurf depuis plus de quinze ans. Il a l’habitude des enfants et est curieux de vivre une semaine sur un voilier. Nickel !

 

Le 19 février, le voilà qui nous rejoint en avion à Fakarava. Dès le lendemain, nous partons pour le plus fameux site de kite des Tuamotu, Hirrifa.

Pendant deux jours et demi, nous profiterons du vent pour découvrir le kite. Dès 8 heures du matin jusqu’à 18 heures le soir, nous nous entrainons à tour de rôle. Montage de l’aile, décollage, atterrissage, maniement, nage tractée. Dominique commence déjà le waterstart avec la planche au pied à la fin de ces quelques jours. Pour Noé, Karim et moi, nous nous entrainons encore dans le maniement de l’aile. Le vent est assez faible et l’aile a une fâcheuse tendance à décrocher si on ne la fait pas sans arrêt bouger. Cela se révèle plus dur qu’imaginé. Surtout pour Noé, qui pensait décrocher en une matinée. Il y a bien des moments de découragements.

Alors que les grands s’entrainent, les deux petits profitent de la plage toute proche de nous ou font quelques bords et sauts en s’accrochant au dos de Franck. D’abord un peu timides, Yianis et Louis ont vite adopté Franck. Surtout Louis qui ne le lâche plus. Il le couvre de dessin, lui grimpe dessus pour un tour de force dès qu’il peut. Heureusement, Franck est très patient et s’est, lui aussi, attaché à notre petit charmeur.

Nous partons ensuite passer deux jours à la passe Sud. Le vent est trop faible pour le kitesurf. Voilà un peu de repos pour Franck. Enseigner à quatre personnes en même temps est assez prenant. Il n’a pas eu beaucoup de temps pour lui ces premiers jours. On se régale en snorkeling dans la passe de Fakarava.

 

Nous passerons la fin de la semaine à nouveau à Hirrifa pour poursuivre notre apprentissage du kitesurf. A l’issue de la semaine, Dominique tire ses premiers bords. Karim, Noé et moi commençons à travailler nos waterstart, nos départs la planche au pied.

 

Pour Franck, je crois que l’expérience lui a plu bien qu’il n’ait pas beaucoup profiter du kitesurf pour lui-même. Il a été heureux de découvrir la vie à bord d’un voilier avec en tête l’idée de s’y mettre un jour lui aussi. Il a aussi été content de partager sa passion du kitesurf. De notre côté, nous sommes vraiment bien tombés avec un professeur sympa, patient et pas compliqué. Outre le partage du kite, nous avons aussi beaucoup échangé sur nos vies respectives. La rencontre de l’autre est toujours si enrichissante pour tous !

 

Maintenant que Franck a rejoint Moorea, nous poursuivons nos efforts en kitesurf. Mais le vent n’est pas vraiment avec nous en cette fin de saison cyclonique. Alors pour passer le temps en attendant le retour de meilleures conditions, nous visitons d’autres parties du lagon de Fakarava en compagnie de nos copains, les Caretta.

 

A bientôt pour de nouvelles aventures !!

   

 

Retour sur le séjour arrosé de François et Arlette

Du 23 décembre 2021 au 15 janvier 2022

 

Que de déboires pour arriver jusqu’à nous, mes parents ont dû traverser !

D’abord, un premier séjour annulé en septembre pour cause de confinement en Polynésie. Nous nous battons quatre mois pour nous faire rembourser les frais de réservation des pensions.

Nous réorganisons un nouveau voyage pour décembre-janvier. La période n’est pas idéale (vacances scolaires et surtout en pleine saison cyclonique), mais les obligations municipales de mon papa ne lui laissent pas beaucoup de disponibilité. Là encore, le Covid nous embête. Face à la vague Omicron, les Etats-Unis renforcent leurs exigences sanitaires pour transiter par leur sol. La couverture vaccinale de mes parents n’est plus jugée complète. Ils sont bons pour une nouvelle injection et un voyage reporté de dix jours. A nouveau, annulation de réservation, report de billets, paperasse et coups de téléphone à foison !

Néanmoins, le temps des retrouvailles arrive malgré tout le 23 décembre. Nous sommes sur l’île de Huahine où nous allons passer quelques jours.

Quelle belle émotion lorsque nous les voyons descendre de la passerelle de la navette qui les a mené jusque-là depuis Tahiti. Ces chers parents n’ont pas tellement changé malgré plusieurs années sans se voir. On se demande, des deux côtés, si la distance n’aura pas émoussé notre complicité. C’est un bonheur de constater qu’il n’en est rien. Le petit Louis, qui ne se souvient pas vraiment de ses grands-parents, noue le contact aussitôt et ne décollera pas des genoux de son grand-papa durant tout le séjour. Ce n’est pas le plus grand des deux qui s’en plaindra !

 

Nos quelques jours à Huahine sont superbes. Le soleil est avec nous. Les parents sont enchantés de leur logement. Un bungalow tout équipé dans un magnifique jardin arborisé avec plage privée à deux pas. Entre les repas de Noël et les discussions endiablées, nous profitons de la plage et tentons une initiation au snorkeling. Après deux ou trois essais peu concluants, mon père renonce. Ma maman, beaucoup plus persévérante, est bien décidée à profiter des fonds marins. Avec sa frite autour de la taille, elle apprivoise gentiment la technique et sera récompensée par de jolies rencontres. Des poissons clowns dans leur anémone ou des petits requins pointe noire pour ne citer que les célébrités !

 

Nous gagnons ensuite l’île de Raiatea où les attend un studio sur les hauteurs de la petite ville d’Uturoa. Après une nuit dans leur nouveau logement, nous les retrouvons plutôt déçus. Le studio se situe loin du centre. Les quinze minutes à pied annoncées par le propriétaire sont en réalité une demi-heure. Le bruit des coqs est assourdissant dès 5 heures du matin. De nombreux chiens se regroupent dans les rues et ne rassurent pas nos deux retraités. Voilà l’un des visages bien réel de la Polynésie loin des images paradisiaques vantées par les prospectus touristiques.

Le lendemain, la discussion est vive. Mon père préfère affronter son mal de mer et venir passer les dix jours prévus dans le studio sur notre bateau. Enfin, pour la fin du séjour, il souhaite revenir dans leur joli bungalow de Huahine plutôt que de tester le dernier logement réservé par mes soins au Sud de Raiatea. Je réorganise à nouveau (et pour la quatrième fois) leur séjour en Polynésie. Malgré toutes ces démarches, je suis contente de les accueillir à bord de notre voilier et partager avec eux notre quotidien de marin. Ce sera la première fois pour mon papa.

Nous explorons les îles de Tahaa et de Raiatea durant ces dix jours. La météo n’est pas des plus favorables. Nous avons beaucoup de jours gris et pluvieux. Voilà qui limite les coups de soleil, mais aussi les visites. Parmi les bons souvenirs, nous retiendrons l’apéro sur le motu Céran, le snorkeling au jardin de corail, la remontée de la rivière à la rame et la visite du potager d’André. Moins guide touristique, ces dix jours passés tous ensemble seront aussi de beaux moments d’échange entre petits et grands. Noé initie son grand-père au cerf-volant. Les garçons apprennent à leur grand-mère quelques-uns de nos nombreux jeux de société. Dom abreuve son beau-père de Ti-punch local.

 

La fin du séjour à Huahine s’avère malheureusement une succession de mésaventures. François chope la grippe tropicale. Il n’a plus aucune énergie et le moral est à la baisse. Le temps se gâte sérieusement avec l’arrivée d’une grosse dépression qui envoie sur toutes les îles de la Société, forts coups de vent, grosse houle de 3 à 4 mètres et des litres de pluie. Les autorités locales sonnent l’alerte. Navigation interdite, risques d’inondation, école fermée durant trois jours.

La navette qui devait ramener mes parents à Tahiti le samedi 15 janvier est annulée. Nous devons organiser leur retour en avion.

Notre Capitaine doit quitter le mouillage proche du logement des parents pour se mettre à l’abri au Sud de Huahine. Il part le 12 janvier avec Noé assez précipitamment. Les trois petits et moi emménageons dans le bungalow de mes parents pour passer avec eux leurs derniers jours.

Le bungalow est bien assez spacieux pour tous nous accueillir. Moins accueillant est le propriétaire de la pension. Malgré notre assurance de lui payer ces personnes supplémentaires et la situation météorologique difficile, il menace de nous expulser mes enfants et moi dès le premier jour. Après toute cette succession de mauvaises nouvelles, c’est celle de trop. Nous tombons en larmes ma mère et moi. Le proprio repart un peu penaud mais restera désagréable tout au long de notre séjour et nous taxera abondamment ces trois nuitées.

Ces trois derniers jours sont assez tristes. Il pleut comme nous ne l’avons encore jamais vu. L’eau s’accumule sur les terrains et transforme le chemin d’accès à la pension en vraie rivière. Pour aller en ville, nous pataugeons jusqu’aux genoux. C’est le coup de grâce pour le moral de mon papa. Il ne rêve que de sa belle Suisse fleurie et bien organisée. Une chose est sûre, il ne refera jamais un grand voyage comme celui-là. Ma maman est bien plus vaillante et tente de ne garder que les bons souvenirs. Nous avons pu retrouver notre complicité toutes les deux et sommes vraiment peinées que ce séjour ne se soit pas mieux déroulé.

C’est un grand soulagement de les savoir désormais de retour chez eux !

Vous serez gentils d’éviter de demander à mon Papa : « Alors François ? Et ces vacances de rêve ? »

 

Bisous à vous tous !

 

   

Du 15 novembre au 5 décembre 2021

 

Depuis quelques semaines, le manque d’inspiration me taraude. Notre parcours est plus que chaotique, jouant du yoyo entre les différentes îles de la Société. Pas facile, du coup, de résumer notre quotidien.

Nous sommes toujours dans l’attente de la venue de mes parents. Après une annulation en septembre pour cause de confinement en Polynésie, un nouveau voyage a été prévu pour la mi-décembre. Entretemps, ce cher Omycron est venu semer une douce pagaille dans notre belle organisation. Et c’est un nouveau report de dix jours afin que leur couverture vaccinale soit suffisante pour transiter par les Etats-Unis. Que du bonheur, le voyage de nos jours !

 

Après notre découverte des îles de Bora Bora, Tahaa et Raiatea, nous revenons sur Tahiti et Moorea pour deux semaines. Pour que ce soit bien clair pour vous, petit cours de géographie. (Non ! Ne partez pas en courant ! J’ai quand même une formation pédagogique !)

Les îles de la Société sont divisées en deux paquets. Les îles du Vent (Tahiti et Moorea) et, au Nord-Ouest, les îles Sous le Vent (Huahine, Raiatea, Tahaa, Bora Bora et Maupiti). Entre les deux groupes d’îles, une distance de 100 milles environ. (Vous voyez, c’est déjà fini !)

Le retour sur Tahiti depuis les îles Sous le Vent est toujours difficile. Les vents dominants, soufflant d’est en ouest, rendent le trajet pénible. Il nous faut attendre une fenêtre de vent du Nord pour revenir. Mais qui dit Nord, dit mauvais temps. On se régale d’une navigation de 24 heures au pré serré, sous la pluie. Autour de nous, quatre ou cinq autres voiliers ont fait le même choix que nous. Avec une visibilité de 50 mètres sous les grains, nous assurons une veille plus qu’attentive et en profitons pour aérer et rincer nos vestes de quart.

Mais, après l’orage vient le beau temps ! Nous nous remettons de cette pénible navigation avec une petite semaine en marina de Papeete. Contrairement, au mois de juillet qui nous avait déjà vu amarrés au ponton en plein centre-ville, le programme est plus allégé. Entre quelques lessives, coups d’aspirateur et commissions, nous savourons la douce facilité de la vie de citadin. Les enfants font du skate ou de la trottinette au parc avec leurs copains. Toute l’équipe se rend au cinéma (une première pour Louis !) Nous en profitons aussi pour commander un nouveau passeport pour Louis. Le sien étant échu depuis presque un an. Et, nous alourdissons Wave Dancer avec tout un stock de matériel de kitesurf d’occasion. Voilà le grand projet pour février-mars ! Retour dans les Tuamotu pour apprendre le kitesurf ! Nous transformons la moitié de notre salle-de-bain en armoire pour y entasser trois ailes et deux planches. Il faut dire, qu’à part pour se brosser les dents, cette pièce du bateau ne nous servait pas beaucoup. La douche étant toujours prise dehors.

Nous passons aussi quelques jours à Moorea. Les enfants pratiquent intensément le cerf-volant sur la plage, histoire de se préparer pour le kite. Nous faisons quelques randonnées encore inexplorées. Et surtout, nous fêtons les quarante-deux ans de Dominique autour d’un bon repas et d’une bonne bouteille de Merlot de chez nous !

 

Nous reprenons ensuite la mer, en direction de Huahine où, on l’espère, mes parents finiront par parvenir à nous y rejoindre.

 

Bien à vous !

  

 

Du 11 octobre au 14 novembre 2021

 

Après notre escale dans la luxueuse Bora Bora, nous rejoignons Tahaa, une petite île assez sauvage qui partage le même lagon que sa grande sœur Raiatea.

Nous en faisons le tour en quelques jours. Comme particularité, Tahaa compte les deux rhumeries artisanales de toute la Polynésie. Les enfants n’échappent pas à la visite et sont désormais incollables sur la fabrication du rhum artisanal et la différence avec le rhum industriel. « En voilà un savoir essentiel », nous dit notre Capitaine !

 

Tahaa, c’est aussi la rencontre de nombreuses familles francophones en voilier. Beaucoup se sont arrêtées quelques mois et scolarisent les enfants à Raiatea, profitant du collège, du lycée et de l’ambiance décontractée du coin. Nous partageons quelques jolies soirées arrosées (au rhum de Tahaa notamment) et beaucoup de moments de jeux pour les enfants. Après être restés éloignés de familles pendant plusieurs mois aux Gambier et aux Marquises, c’est un souffle d’air bienvenu à bord. Pour nous, les parents qui voyons nos garnements s’émanciper loin de nous. Mais surtout, pour les enfants qui s’organisent, par VHF, leurs jeux de société, sorties à terre et virées en annexe.

Le moment fort de Tahaa restera le Koh Lanta Kid organisé par des parents motivés pour l’anniversaire de leur fille, les Ecclectik. Pendant tout un après-midi, les enfants suent dans les différentes épreuves organisées. Chaises musicales, course au sac, relais paddle, biathlon, … Pendant que nos chérubins s’essoufflent, nous, les parents, admirons et commentons leur prouesses confortablement installés sur nos chaises. Pour une fois que ce sont eux qui triment, on ne voulait pas rater ça !

 

Pendant un mois, nous oscillons entre Tahaa et Raiatea au fil des envies et des rencontres. Une étape chaleureuse et dynamique !

 

Salutations à vous tous !

 

 

Du 3 au 10 octobre 2021

Attention les yeux ! Nous voilà dans l’un des plus beaux lagons du monde, si ce n’est le plus beau au dire de certains. Les points de vue sont à couper le souffle. Les hôtels étendent leur bungalow luxueux un peu partout dans l’eau turquoise. Les excursions lagonaires se déclinent sous toutes les formes : en jet-ski, en pirogue polynésienne, en bateau moteur ou en voilier ; il n’y a plus qu’à choisir. Bienvenu à Bora Bora !

 

De notre côté, pas de nuitée romantique sur le lagon au programme. Et pour les excursions, nous avons tout ce qu’il nous faut avec notre brave Wave Dancer. Alors pour découvrir Bora Bora, nous avons choisi une voie un peu différente, nous sommes partis sur les traces de Hiro, divinité polynésienne.

Hiro, c’est un guerrier colérique et turbulent. Lorsque la mer est déchaînée, c’est la faute à Hiro. Il a grandi sur Bora Bora et a laissé traces de son passage et de son caractère tumultueux.

Hiro a commencé par vouloir fermer la plus large baie de Bora Bora en piquant un bout de terre à l’ile voisine, Maupiti. Ça a donné le motu To’opau.

Il s’est fâché car on ne l’a pas invité à un gargantuesque repas comme savent le faire les Polynésiens. Sous la colère, il a projeté sa lance et décapité le mont Otemanu, point culminant de l’ile. Dès lors, Bora Bora est reconnaissable entre tous par son sommet en forme de molaire.

Son fils Marama, non plus, n’est pas en reste. Furieux devant la malhonnêteté de Hiro refusant de déclarer sa défaite à une partie d’osselets, le divin rejeton frappe l’un des sommets de l’ile. C’est devenu le mont Paia ou « montagne giflée » et c’est par là que nous commençons notre visite.

 

Dès le lendemain de notre arrivée, nous partons à l’assaut du sommet Paia qui culmine à 620 mètres. L’histoire de cette montagne anime un peu l’ascension difficile du sommet. Les derniers 300 mètres de dénivelé sont très escarpés et des cordes aident dans de nombreux passages. Louis est, comme toujours, un vrai marathonien. On ne l’entend pas broncher, contrairement à son grand frère Noé. Mais l’arrivée au sommet récompense tous nos efforts. Nous avons droit à un panorama de 360° sur tout le lagon. Woah!!

 

Nous changeons ensuite de mouillage pour visiter le motu To’opau. Nous voulons découvrir la cloche de Hiro, une caisse de résonnance naturelle sur laquelle plane une énième légende. Malheureusement, le Conrad Bora Bora Nui, un hôtel grand luxe s’est accaparé la moitié du motu. Aucun accès à l’île n’est laissé au simple badaud. Quelle déception et quelle désillusion devant ce Bora Bora si réputé, mais totalement vendu au tourisme. Heureusement lors du retour en annexe, nous récupérons une super bouée léopard probablement envolée d’un bungalow du Conrad. Cette fortune de mer redonne le sourire aux enfants, au moins.

 

Pour terminer notre exploration, nous nous rendons au Sud-Est du lagon. C’est LE mouillage de Bora Bora. Nous contournons toute l’ile principale dans un chenal bien délimité, mais peu profond. Notre sondeur marquera jusqu’à 2m80. Avec nos 2m10 de tire-en-d’eau, c’est juste, mais ça passe. Dans ce mouillage, comme dans presque toute l’ile de Bora Bora, nous ne pouvons ancrer. Il faut s’amarrer sur des corps morts payants. Pour 30 francs la nuit, on pourrait s’attendre à un service de qualité. Malheureusement, à part une bouée contrôlée tous les deux ans et la visite quotidienne d’une charmante jeune femme pour percevoir la redevance, le service s’arrête là. Nous n’avons aucun accès à terre. Le soit disant spot aux raies mantas s’avère fréquenté par des raies pastenagues et léopards. La fabuleuse plage est en réalité privée et accessible uniquement aux clients du restaurant. C’est donc dans l’eau que nous profitons du mouillage.

 

Si vous prévoyez un voyage de noces avec moult dépenses, pensez à Bora Bora ! De notre côté, nous avons largement fait le tour de ce que Bora Bora avait à nous offrir au bout de cinq jours. . Nous attendons encore deux jours une bonne fenêtre météo pour remonter face au vent en direction de Tahaa. 

Bien à vous !

Du 23 août au 19 septembre 2021

Une fois n’est pas coutume, je succombe à l’omniprésence du covid en partageant avec vous notre mois de confinement à Moorea.

Le mois d’août en Polynésie est marqué par une escalade de restrictions. Le variant delta explose pour atteindre, à la fin du mois d’août, un taux d’incidence de plus de 2000 cas pour 100'000 habitants. Interdiction de manifestations, de rassemblements sur la voie publique, maximum six par table dans les restaurants, couvre-feu, confinement le dimanche, puis le weekend et enfin, ultime solution, confinement total dès le 23 août.

Dans ce contexte fort tendu, mes parents doivent nous rejoindre début septembre. Ils préféreront annuler leur voyage lors de l’annonce du confinement total. Nous sommes tous très déçus de devoir reporter nos retrouvailles. Et surtout, nous nous demandons quand pourront-ils (ou oseront-ils) nous rendre visite dans ces temps si incertains ?

 

Nous voilà donc confinés avec interdiction de naviguer ou de se rendre à terre sans motif impérieux type course, sport, visite médicale, … D’abord pour une durée de deux semaines, le confinement sera par la suite prolongé de deux nouvelles semaines.

 

Pour passer ces semaines, nous avons choisi un beau mouillage à Moorea. Si nous ne pouvons pas nous balader librement, nous pourrons au moins nous baigner et faire du kayak. Tout proche de notre mouillage, nous avons un endroit pour admirer des raies pastenagues et des requins pointes noires et un coin de snorkeling avec parfois une tortue qui pointe ses nageoires. Nous découvrirons même une promenade dans notre périmètre de 1km autorisé qui nous mène à un beau panorama sur la baie et le large. Comme c’est la saison des baleines, nous avons parfois la chance d’en apercevoir une au loin. Ça pourrait être pire pour un confinement!

Notre mouillage à Moorea

 

Les raies pastenagues et les requins pointes noires très curieux (un peu trop même!)

Panorama sur la baie Opunohu. Louis cherche les baleines.

 

Durant les dix premiers jours, ce beau programme est mis à mal par le mauvais temps. Nous avons continuellement entre 20-25 nœuds de vent et souvent de la pluie. On tourne en rond dans le bateau. Pour ne pas devenir fous, nous bravons le mauvais temps, les enfants et moi, en enfilant nos combis et en nous baignant une heure tous les jours. On se lance aussi dans la confection d’une piñata « tête de Picsou ». Entre le papier mâché, la peinture et la fabrication des surprises à mettre dedans, cela nous occupe quelques jours. Une diversion bienvenue !

 

Enfin, après ces dix jours un peu moroses, le soleil cesse de nous bouder. Avec lui arrive une famille franco-japonaise qui s’ancre juste à nos côtés. A bord de Lymbao, il y a Sylvain et Kayoko, les parents, mais, surtout, Youzo, douze ans.

Dès lors, les enfants n’ont plus une minute. Le matin, tout est calme dans le mouillage. Les gosses sont à l’école du bord. Mais, dès le repas de midi avalé, les paddles sont mis à l’eau et le sport commence. Ça saute, crie (ou hurle quand Karim est là), plonge, lutte sans relâche. Lorsque tout le monde est sec, les jeux de société s’enchainent tantôt sur Wave Dancer, tantôt sur Lymbao.

Entre parents, on s’organise quelques apéros et repas qui animent ces journées de confinement. Il n’y a pas que les enfants qui passent du bon temps.

 

Durant ces quatre semaines, Dominique est fort occupé. Il s’est révélé très prévoyant en achetant pièces de rechange, vernis, époxy, … lors de notre passage par Tahiti. Chaque jour, il se lance dans une nouvelle bricole. Il a retapé notre charrette à vélo rongée par la rouille, remis en état notre dessalinisateur (enfin !), stratifié à l’époxy les planches de nos fonds. Ces jours, il s’attaque aux boiseries intérieures attaquées par le sel. Il a réquisitionné la chambre de jeux des enfants pour vernir les portes à l’abri des ondées. Nous avons tous souci que notre Capitaine prenne goût à son petit atelier et ne libère jamais la place.

 

De mon côté, ces jours de confinement sont un peu plus durs. Je déteste ne rien avoir à faire et être consignée à bord. Lorsque mon job d’enseignante du matin est terminé, j’occupe les après-midis en faisant du sport. Balades en kayak, snorkeling, jeux dans l’eau avec les enfants ou … je pars en mission ravitaillement. Nous avons bien un petit magasin tout près du mouillage, mais une fois par semaine, j’enfourche vélo et charrette pour le Super U à treize kilomètres de là. C’est à la fois une excuse pour remplir la cambuse et pour bouger un peu.

 

Finalement, ces quatre semaines de confinement arrivent à leur terme assez rapidement. Dès lundi 20 septembre, nous ne serons confinés plus que le samedi après-midi et le dimanche. Heureuse nouvelle, car l’anniversaire de Yianis est le 21 septembre. Nous pourrons à nouveau profiter de la plage. Youpi !

 

Portez-vous bien !

 

Du 6 au 29 juillet 2021

 

En approchant de Tahiti, les exclamations fusent à bord. « Que c’est haut, que c’est grand ! » Les enfants s’imaginent déjà le supplice de devoir monter au sommet à pieds. Ils commencent à connaitre les lubies de leur chère maman. Je les rassure assez vite. Quelques marches sont à notre portée, mais Tahiti reste une île à découvrir en voiture.

 

Une fois n’est pas coutume, on s’amarre une semaine en marina en plein centre-ville de Papeete, la capitale. Nous sommes au quai d’honneur. Devant la proue de notre voilier, les promeneurs passent et repassent le long du quai, photographiant le bateau et sa lessive qui sèche ou les enfants qui grimpent au mât. Nous figurerons peut-être sur quelques souvenirs de vacances.

Une semaine en plein centre-ville ! Balade le long des quais, glaces en terrasses et restos en amoureux ? Pas vraiment ! La liste des courses est archi longue et le bateau archi sale. Au boulot, les amis !

 Shipchandler, quincaillerie, magasins de vêtements, librairie, supermarché. On arpente la ville en tous sens à pieds ou à vélo pour acheter tout ce dont nous avons besoin ou tout ce dont nous avons rêvé depuis un an et demi loin de cette confortable société de consommation. Nous, qui aimons nous vanter de vivre simplement, on est quand même très contents de pouvoir à nouveau trouver tout sous la main. On craque pour un nouveau téléphone avec 4G. Une vraie révolution pour les dinosaures que nous sommes. On se régale de saucissons et camembert, que nous arrivons encore à trouver savoureux même avec plus de 15`000 km dans les pattes.

Wave Dancer a droit aussi à un grand nettoyage à l’eau douce et à l’aspirateur. Le dernier date des Canaries. Hem ! Le ménage n’est pas notre première préoccupation ! Mais pour sauver la face, je souligne que nous n’avons pas été en marina depuis.

 

Après ce vrai rodéo de la dépense, nous rejoignons la baie Phaéton. Une baie au Sud de Tahiti qui coupe presque l’île en deux. On parle de Tahiti Nui (ou grand Tahiti) et de sa presqu’ile. Nous devons y retrouver notre ami Didier de Hao qui passe quelques jours dans sa maison de Tahiti. C’est une navigation bien ardue, au pré serré qui nous y amène. La mer est pleine de creux avec une houle croisée. On déchire le foc en l’affalant suite à la rupture de notre étai volant. Une écoute de génois (mal assurée sur le winch) vient frapper notre taud et nous laisse un grand trou dans le plastique. Il faut vraiment qu’on l’aime bien, Didier, pour affronter tout ça !

Comme tout bon Polynésien, il a de la famille disséminée un peu partout et deux ou trois maisons secondaires dans des îles différentes. Voilà comment beaucoup de Polynésiens parviennent à vivre dans leurs petites îles reculées. Ils viennent trois ou quatre fois par an à Tahiti dans leur maison ou chez la famille et achètent tout ce dont ils ont besoin sur leur île. Ils envoient ensuite tout ça par bateau.

Pour nous faire oublier nos mésaventures, Didier se transforme en vrai guide touristique. Il nous embarque dans sa voiture à la découverte de l’île. Cascades, trou souffleur, plage ou encore points de vue, Tahiti a bien du charme. Dominique sera convaincu de la qualité de notre guide après un détour dans la rhumerie de Tahiti. Le Capitaine fait le plein de rhum pour une année. C’est dire s’il est prévoyant !

 

Après une dizaine de jours en compagnie de Didier, le voilà qui repart pour Hao. De notre côté, nous rejoignons l’ile de Moorea. Au programme, repérage de pensions de famille et activités terrestres pour parents sujets au mal de mer. Mes parents arrivent début septembre.

 

Gros bisous à tous !

 

 

Du 28 juin au 6 juillet 2021

On est encore dans les Tuamotu, à Makatea, et pourtant, l’île est toute différente des atolls croisés jusque-là. Au cours de son histoire géologique, cet ancien atoll s’est fait surélevé de plus de cinquante mètres. Aujourd’hui, on se retrouve face à une île bordée de falaises calcaires abruptes. Le haut de l’île est un plateau couvert de végétation où habitent une soixantaine de personnes.

Pour nous, fini les mouillages pépères en lagon, nous voilà à nouveau en pleine mer, secoué par une petite houle du Sud-Est. Nous sommes confinés à bord le premier jour. Non pas à cause de cette charmante épidémie qui affole la planète depuis un an et demi, mais à cause de notre moteur d’annexe. Le circuit de refroidissement est raide. Dominique passe le premier jour à mettre au point une réparation de fortune qui s’avérera efficace pour les petits trajets et tiendra jusqu’à Tahiti. Après une douce nuit, bercés par le roulis et une matinée d’école, nous partons visiter l’île.

Des années 1900 à 1960, Makatea a été exploitée pour son phosphate. Le phosphate provient du guano des oiseaux qui ont vécu sur l’ile avant d’être un lagon. Le soulèvement de l’île a mis à jour cette richesse. La France ne s’est pas faite priée pour l’exploitation. La moitié de l’île, soit 1200 hectares a été creusée pendant plus de soixante ans. Des travailleurs provenant de toute la Polynésie bêchaient le phosphate, payés à la brouette. Autour de ce travail de forçat, une vie sociale dense était organisée pour occuper les travailleurs durant leur temps libre. Cinémas, dancing, terrains de sport,.. Tous ces divertissements étaient encore inexistants dans le reste de la Polynésie.

De nos jours, l’île est encore bien marquée par cette époque intense. Partout des colonnes de calcaire émergent de la végétation. Sitôt quitté les routes et sentiers, l’île est impraticable. De toutes parts aussi, on aperçoit les restes rouillés de locomotives à charbon, rails, machines-outils entrainées par des courroies, moteurs diesel de taille gigantesque. Actuellement, les habitants parlent de reprendre l’exploitation du phosphate, mais peinent à se mettre d’accord sur les techniques à employer.

 

A côté de ce riche passé historique, une bande de jeunes a démarré une association d’escalade. Ils ont ouvert un grand nombre de voies tous niveaux et une petite via ferrata. Nous passons une matinée en compagnie de l’un d’entre eux, Tapu, qui est aussi le fils du maire. On ressort notre matos de grimpe enfoui sous le lit de la cabine avant depuis la République dominicaine. Les chaussons d’escalade sont tous trop petits pour les enfants et chacun les passe au plus petit. Une fois encore, Noé piquera les affaires à son papa.

Tapu nous emmène sur le site d’initiation. Des voies de 4a à 5c, assez courtes. Les enfants se régalent, les grands apprennent à assurer les petits, les voies s’enchainent. Dominique, par contre,  reste sur sa faim. Nous continuons avec la via ferrata. Au premier point suspendu, Yianis renonce à continuer, la hauteur l’impressionne trop. Ça nous étonne car sur le bateau, c’est un vrai singe. On le voit toujours s’aguiller partout et on doit le freiner pour ne pas le retrouver assis sur la première barre de flèches. Il redescend avec Tapu pendant que nous continuons la via à cinq.

Enfin, nous terminons avec la merveille de Makatea, les grottes d’eau douce. Il s’agit de trois grottes où l’on peut nager dans l’eau bien fraiche. Parfait après une bonne session d’escalade.

 

Quelques jours plus tard, nous retournons grimper seuls cette fois-ci. En chemin, nous croisons Tapu et ses amis. Ils embarquent Dominique pour une session d’escalade un peu plus corsée qu’au site d’initiation. Il revient tout content deux heures plus tard. Il a réussi à ouvrir une 6c sur laquelle les autres peinaient tant et plus. Comme quoi, même après trois ans de bateau, la technique ne s’oublie pas !

 

Nous terminons notre séjour à Makatea en allant voir la fête de fin d’année de l’école. Une classe, une maitresse et douze élèves de 3 à 11 ans. Pour la fête, les enfants ont préparé quelques danses et des vidéos qui présentent leur école. C’est touchant de voir ces images de leur quotidien ; les grands aidant les petits, les enfants arrivant à l’école pieds nus. Le tout sous le regard bienveillant de tout le village.

La douceur et la simplicité qui règnent à Makatea donnent bien du charme à cette petite île. Une étape magnifique dans notre voyage. Une de plus !

 

L’heure est maintenant venue de rejoindre Tahiti et ses magasins car notre liste de courses est de plus en plus longue.

A bientôt !

 

 

 

Du 13 au 23 juin 2021

 

Fakarava est l’un des atolls des Tuamotu les plus touristiques. Le site est de renommée mondiale pour la plongée, la passe Sud surtout. C’est l’une des rares passes des Tuamotu où le courant reste assez faible quelle que soit la marée. La vie aquatique y trouve donc des conditions favorables pour se développer. Les coraux parviennent à grandir sans se faire casser par les courants. Les petits poissons profitent de cet habitat plein de cachettes et de nourriture. Et, en bout de chaîne, les requins des récifs pullulent. Au mois de juin, les mérous de tout l’atoll de Fakarava quittent les eaux tranquilles du lagon pour se rendre dans la passe Sud et s’y reproduire. Des milliers de mérous pleins d’œufs. Il n’en faut pas plus pour attirer une vaste population de requins gris. Le requin gris est un requin qui ne s’aventure pas au large. Il mesure jusqu’à 2mètres de long au maximum. Il n’est pas dangereux pour l’homme, comme la plupart des requins d’ailleurs. Les très rares accidents qui lui sont imputés sont liés à la pratique de la chasse au harpon. Dans la passe Sud de Fakarava, les scientifiques ont compté jusqu’à 700 requins gris au plus fort de la saison de reproduction des mérous.

C’est dans cette fameuse passe Sud et en plein mois de juin que nous partons tous faire du snorkeling. Requins gris, nous voilà !

Au changement de marée, il n’y a plus de courant dans la passe. Nous pouvons alors facilement sortir de la passe avec l’annexe. Puis nous revenons tranquillement en nageant vers l’intérieur du lagon et en tirant l’annexe derrière nous. A 15-20 mètres de fond, nous apercevons des grands groupes d’une trentaine de requins gris qui tournent. Ils restent proches du fond et nous ignorent complétement. Dominique, Karim et Noé plongent pour les voir de plus prêt. Pour les petits et moi, un peu de distance nous va bien aussi. Une fois dans le lagon, les fonds remontent à 5 mètres. Les requins sont moins nombreux, mais néanmoins nous en voyons passer plus d’un. Requin à pointe noire, requin-corail, requin gris et requin dormeur. Nous apprenons à ne pas nous soucier d’eux et profitons du spectacle. Pendant quatre jours d’affilée, nous nous régalons de snorkeling aux abords de la passe.

 

Mais bientôt, notre frigo vide nous oblige à rejoindre le village de Fakarava. Dominique n’est pas très en forme. Une sale blessure de corail s’est infectée sur son pied. Partant en infection à streptocoques. Du pied, l’infection s’est étendue en angine à streptocoque. Le voilà bon pour un petit tour au centre médical et une bonne dose d’antibiotiques pour une semaine.

Dans les Tuamotu, on ne rigole pas avec les blessures. La moindre égratignure s’infecte en un temps record. Toutes les coupures, boutons de moustique et autres doivent être désinfectées jusqu’à la guérison. A bord, matin et soir, tout l’équipage est passé en revue et scrupuleusement désinfecté de la tête aux pieds par leur infirmière préférée.

 

Pendant que Dom se retape au bateau, nous découvrons les abords du village avec les enfants. Les plages, le vieux phare, l’église. Nous emmenons les cahiers de croquis et l’aquarelle pour immortaliser les paysages.

 

Après quelques jours, notre Capitaine est à nouveau sur pied. Nous quittons Fakarava pour l’atoll de Toau à une journée de navigation de là. Les airs sont calmes, plein vent arrière. On hisse le spi. Noé, bien motivé, met au point une idée pour tenter de nous faire gagner quelques dixièmes de nœuds. Le tourmentin monté sous le spi. Dominique l’assiste, amusé et fier de son aîné qui se prend au jeu de la voile. Nous naviguons en compagnie de Muffet, un voilier allemand. Cela nous laisse de jolies photos souvenirs de Wave Dancer tout toilé.

 

Salutations à vous tous!

 

 

 

Du 2 au 12 juin 2021

 

Après une navigation de deux jours et demi depuis Hao, nous abordons la passe toute tranquille de Tahanea et entrons dans le lagon au petit matin.

Tahanea est l’un des rares atolls des Tuamotu qui soit non habité en permanence. Seules quelques personnes viennent y séjourner tous les deux ou trois mois pour exploiter le copra. Et biensûr des voiliers. Pour le reste du temps, la nature y est reine et ça se voit. Les fonds marins sont très préservés. Les coraux sont encore en bonne santé et plein de couleur. En conséquence, la faune marine est riche. La végétation des îles est aussi différente. Le cocotier, aussi utile qu’il puisse être, est une espèce envahissante au Tuamotu. Largement planté pour l’exploitation du copra, il laisse un sous-bois peu lumineux où les autres espèces végétales peinent à se développer. A Tahanea, l’exploitation du copra est peu intensive et certains motus ont encore gardé une belle diversité végétale. Les oiseaux sont aussi très nombreux. Beaucoup nichent sur les îles.

Parmi cette belle vie sauvage, c’est difficile de ne pas se préoccuper de tout le plastique que nous voyons échouer sur les bords extérieurs du lagon. Des milliers de bouteilles, des mètres de cordes synthétiques issues des bateaux de pêche probablement, des chaussures, des bouchons, des bouées, des caisses et surtout des minuscules morceaux de plastique partout, partout. Certains voiliers prennent le temps de les ramasser et de les brûler, mais trois semaines plus tard, on ne voit déjà plus leurs efforts. C’est dans ces endroits que l’on se rend compte à quel point les océans sont pollués.

 

Nous tâchons de rester assez discrets lors de notre passage. Par exemple, pour ne pas endommager le corail avec notre chaîne, nous utilisons des bouées et faisons flotter notre mouillage. Mais ce n’est pas facile d’expliquer aux enfants qu’il ne faut pas crier lorsque nous venons sur les îles où nichent les oiseaux. S’ils ne peuvent crier à bord du bateau, ni à terre, il ne leur reste pas beaucoup d’endroit pour se dépenser. Sous l’eau peut-être ? L’idée mérite d’être creusée !

Lorsque nous avons expliqué à nos amis de Hao que nous allions à Tahanea, ces derniers nous ont tout de suite recommandé de chasser le crabe de cocotier, de ramasser les œufs dans les nids et de piéger les oiseaux pour en faire des bons poulets.  J’ai dit ok pour le crabe de cocotier qui est une grande spécialité dans les restaurants, mais pas touche aux oiseaux. Mes chasseurs n’ont qu’à bien se tenir.

 

En fin de séjour, nous faisons connaissance avec quelques voiliers allemands et organisons une grillade à la plage. C’est bien la première fois du voyage où je regrette de ne pas avoir suivi mes cours d’école plus attentivement. Heureusement que l’anglais vient à notre secours.

 

Après dix jours dans ce bel atoll, départ pour le fameux spot de plongée, Fakarava. Nous quittons Tahanea à 4heures du matin afin d’arriver à la passe de Fakarava au bon moment, au changement de marée.

Une bise à vous tous !

 

 

Du 19 avril au 23 mai 2021

Dernière journée d’école demain pour les terreurs. Dernière matinée sans enfants pour Dom et moi. Les premiers aimeraient poursuivre un peu plus longtemps leur nouvelle vie d’écolier. Les seconds n’osent pas avouer qu’eux aussi confieraient bien encore quelques semaines leurs gosses à l’éducation française. Mais l’heure est venue de reprendre la mer avant de ne plus pouvoir décoller du confort de la vie à quai et du calme du lagon.

 

Alors, les gars, c’était comment ces sept semaines d’école ?

 

Louis est en Moyenne Section dans une classe à deux niveaux qui regroupent les tous petits de 3 à 5 ans. Nous sommes bien en France et les enfants commencent très jeunes l’école. Ils sont une vingtaine d’élèves sous la responsabilité d’un maitre, Monsieur Hitinui. Ce dernier est aidé dans son travail par trois femmes, qu’on appelle des taties. Voilà qui est bien confortable pour l’enseignant et qui doit donner envie à pas mal de collègues vaudois! Au programme, beaucoup de jeux, de dessins, de chansons, de poésies. Il y a même un moment sieste après le repas de midi. C’est une vraie garderie prise en charge par l’état.

Pendant ces sept semaines d’école, Louis n’aura pas vraiment appris beaucoup de choses. Il revient avec des rudiments d’alphabet, une ou deux chansons et connait quelques nouvelles lettres. Mais le plus important est qu’il revient enchanté de cette première expérience à l’école. Tout lui a plu ! Les repas à la cantine, les copains, les activités, son maître et les taties. Surtout Tatie Patricia !

 

Yianis est en CE1. C’est probablement le plus âgé de sa classe. On se frotte là aux différences d’enclassement entre la Suisse et la France. Mais au milieu de ses camarades costauds ou bien en chair, il arrive encore à faire gringalet ! Par contre, une fois devant son cahier, il creuse l’écart. En lecture, écriture, compréhension écrite, dictée, mathématiques, il est l’un des meilleurs de sa classe. Comme il travaille vite, il passe beaucoup de temps à attendre sur les autres et trouve que les journées d’école sont horrrrriblement longues. Du coup, le filou se réjouit de reprendre le voyage et de retrouver deux heures d’école par jour. Niveau programme, la maîtresse m’a bien mâché le boulot en français. Il revient de ces sept semaines d’école en connaissant désormais le présent, l’imparfait, le futur et le passé composée des verbes en –er et –ir. Sacrée avance !

Petit bémol ! Bien que tout le corps enseignant soit polynésien, il ne se distancie pas des méthodes d’enseignement français (ou n’a pas la liberté de le faire !) Nous serons étonnés de voir Yianis apprendre en dictée les mots : printemps, écureuil, chêne ou automne qui ne font pas vraiment sens pour les enfants de Hao. Mais il y a quand même quelques jolis côtés exotiques. Par exemple, au lieu de parler de calcul mental, on dit tataupo (prononcé « tataoupo »). Ça fait sans doute moins peur !

 

Karim ! Toujours un numéro, celui-là ! Je reviens de chez la directrice du Collège où j’ai été réglé les frais de cantine des deux grands. Elle m’a appris, qu’en début de semaine, Karim a été convoqué dans son bureau pour une dispute avec l’un de ses camarades. L’affaire n’était pas très grave et elle n’a pas jugé utile de nous en informer. Karim non plus, apparemment !

En sept semaines, Karim n’a pas réussi à se faire une place au Collège. Il préférait s’enfiler à la bibliothèque pendant les pauses pour dévorer des livres plutôt que rencontrer des camarades. On le reconnait bien là ! Plutôt solitaire, souvent à contre-courant !

Côté scolaire, il a beaucoup aimé les cours d’histoire, de géographie, d’informatique et de sciences. Comme il a une bonne culture générale et que ça l’intéresse, il a obtenu des bons résultats dans ces branches. En anglais et français, par contre, le niveau n’est pas là. On voit tout le laisser-aller qu’il y a eu avec lui durant ces années en bateau.

 

Noé, du haut de ses presque quatorze ans, nous a vite fait comprendre que l’école, c’était son domaine et qu’il se gérait parfaitement tout seul. On lui a fait confiance. Il a su travailler juste ce qu’il fallait pour obtenir des résultats satisfaisants à bons. De temps en temps, nous le voyions le nez plongé dans le Becherel pour percer les mystères du subjonctif en vue d’une évaluation de français. Mais côté devoir à la maison, ça s’est arrêté là.

Il revient avec quelques notions supplémentaires d’espagnol, notamment en conjugaison. Il a découvert des nouvelles techniques en dessin. Mais surtout, il s’est tissé une vie en dehors du bateau avec ses potes et ses mystères.

Je redoute un peu la reprise de notre voyage en famille. C’est là qu’on verra si c’est encore possible de poursuivre avec notre ado.

 

 

Et les parents, qu’est-ce que vous avez fait pendant tout ce temps libre ?

 

Eh ! Bien ! On n’a pas chômé pour autant !

Dominique a révisé le guindeau ainsi que les enrouleurs de grande voile et de génois. Les roulements et les joints spi étaient cuits. Il a avancé la quette du mât et réglé tout le gréement dormant du bateau.  Il a aussi refait les coutures du bimini usées par les UV.

De mon côté, j’ai eu droit au boulot un peu moins technique. Ponçage au 800 et 1200, puis polich de la coque du bateau et du pont. Le tout à la main. Vernis des bois extérieurs. Changement du filet de filière. Réparation de l’annexe, ou plutôt tentative. Malheureusement sans grand miracle. Nous ne pourrons pas encore ranger la pompe et l’écope.

 

 


 

 

Le korero, journée traditionnelle polynésienne

Les deux petits terminent la semaine avec une journée korero. Il s’agit d’une joute oratoire entre élèves. Dans la culture polynésienne, l’oral a une grande importance. Tous les mythes, récits et traditions étaient transmises oralement avant l’arrivée des Blancs. De cette époque, nous est resté le korero. Ce matin, quatre élèves concourent. Chacune à leur tour, elles présenteront, devant un jury, une légende. Elles seront évaluées sur leur costume fait main, leur gestuelle et leur art oratoire. Entre deux candidates, les classes présentent des danses des Puamotu. Louis et Yianis participent tous les deux au spectacle pour notre plus grand bonheur. Dans un tourbillon de couleurs et de fleurs, le spectacle restera parmi nos plus beaux souvenirs de voyage.

 

 

Du 4 au 16 avril 2021

 

Peut-on parler de vacances alors que, pour beaucoup, nous le sommes déjà tout au long de l’année ? S’il est vrai que nous n’avons plus de travail salarié officiel, nous ne manquons pourtant pas de boulot. Cela me fait toujours tiquer lorsqu’on me demande comment je trouve ces vacances  en parlant de notre voyage ?

Des vacances ?! Passer 3 heures tous les jours à faire l’école à ses enfants. Faire son pain, son yogourt, ses biscuits, ses fonds de tarte, son café car beaucoup de choses sont introuvables. Entretenir un bateau mis à mal par des kilos de sel. Se réveiller la nuit à chaque averse pour fermer tous les hublots ou à chaque gros coup de vent pour vérifier notre mouillage.

Non, vraiment ! On ne peut pas parler de vacances. Si vous avez encore un doute, venez nous rejoindre !

Ces dernières semaines, notre dessalinisateur a rendu l’âme. Il nous faut changer la membrane osmotique qui arrivera d’ici quelques mois. En attendant, on économise l’eau, surtout au Tuamotu. Depuis un mois, tout l’équipage se douche à l’eau de mer. Ce n’est que lorsqu’il pleut que l’on s’autorise un bref rinçage à l’eau douce. Ça donne envie ?!

 

Alors l’idée de passer deux semaines à Amanu sans faire l’école aux jeunes et sans entretien du bateau divers et varié était très tentante. On a donc quitté la darse de Hao, rangé tournevis, pinceaux, cale de ponçage et cahiers d’école et on est parti dans le beau lagon de Amanu à 20 milles de là. Deux semaines sympas, ensoleillées, agrémentées d’un anniversaire (celui de Karim), de grillades sur la plage, de piqûres de nono, de snorkeling, de chasse au harpon, de baignade, de kayak, de paddle et de 40kg de lessive à la main. Je vous passe tous les détails de nos réjouissances et ne vous fait part que de quelques anecdotes sur la vie à bord.

 

Lundi 5 avril 2021

Jamais nous n’avions eu si peu de vent en Polynésie. Le lagon est comme un miroir reflétant nuages et motu. C’est beau ! Le soir, nous sommes deux à dormir à la belle étoile. En toile de fond, les cris des oiseaux qui nichent sur les îles et l’immensité du ciel étoilé. Une nuit sereine et magnifique en perspective. Erreur ! Nous sommes mouillés trop près de la terre et, par cette absence de vent, les moustiques volent facilement jusqu’au bateau. Pas moyen de laisser une seule partie du corps hors du drap. Les paupières, les doigts, les orteils, tout ce qui dépasse est impitoyablement attaqué. Une fois de plus, Noé et moi servons d’anti-moustique au reste de l’équipage qui ronfle paisiblement à l’intérieur du bateau !

 

Jeudi 8 avril 2021

Nous sommes mouillés par 4 mètres de fond au Pito, au milieu du lagon d’Amanu. Un affleurement de corail émerge à marée basse. Mouillage de rêve.

Je pars avec Louis, Yianis et Karim en snorkeling. Au retour, à l’approche du bateau, on repère sept requins pointe noire. Ils tournent autour du voilier un peu excités. Nous remontons assez vite à bord et découvrons ce qui les attire. Pendant notre absence, Dominique est parti à la chasse. Il a tué un poisson-perroquet et l’a posé sur la jupe arrière à moitié mort. Le malheureux, dans son agonie, a répandu du sang un peu partout, dans l’eau et plein sur le bateau. C’est peu dire que je suis furax. Monsieur part à la pêche, nous rameute une bande de requins alors qu’on est tous dans l’eau, laisse agoniser son poisson et salit tout l’arrière du bateau. Dès son retour de chasse, je lui sonne les cloches pendant au moins une demi-heure. Déversant d’une traite tout mon ras-le-bol face à cette bande de mecs bordéliques et paresseux. Le mouillage de rêve se transforme pendant une petite heure en cauchemar. La sortie de crise est négociée par une remise en forme de notre planning des tâches. Tous les garçons sont dorénavant mis d’avantage à contribution pour le ménage, la cuisine et la vaisselle. J’ai hâte de tester notre nouveau partage des tâches !!

 

Mardi 11 avril 2021

Nous faisons découvrir à nos amis belges, les Seacroods, notre recette préférée sur feu de bois, les pains trappeurs. Alors que les beaux jours reviennent en Suisse, voilà une petite idée à partager avec vos amis ou en famille.

Préparer une pâte à pain et laisser-la lever quelques heures.

Trouver un bel endroit à terre où faire un feu.

Pendant que le feu chauffe, chercher des bâtons droits, de quelques centimètres de diamètre.

Enrouler une partie de la pâte à pain sur le bout du bâton en ayant soin de bien recouvrir toute l’extrémité.

Cuire sur les braises en retournant régulièrement. Quand le pain se détache facilement du bâton, c’est prêt !

Vous pouvez remplir le trou avec ce que vous voulez. Des saucisses et du ketchup, c’est ce que les enfants préfèrent. Au Tuamotu, on remplace les saucisses avec du poisson. C’est bon aussi !

 

Si vous ne savez pas préparer une pâte à pain, vous avez deux options :

Venir nous rejoindre et nous vous apprendrons avec plaisir OU nous écrire un petit message en nous donnant de vos nouvelles et nous vous expliquerons notre technique.

Enfin, même si vous savez faire du pain, vous pouvez nous envoyer de vos nouvelles, ça nous fait toujours très plaisir !

A bientôt !

 

 

Du 16 au 23 mars 2021

 

Avant de rejoindre les Tuamotu, nous décidons de passer quelques jours dans la dernière île des Marquises que nous ne connaissons pas encore, Eiao. Ile déserte située à 80 milles au Nord de Nuku Hiva. L’île est réputée pour sa population de moutons et de cochons sauvages. Tout bon Marquisien se rend régulièrement quelques jours sur l’île pour chasser, regagnant son domicile avec une glacière remplie de viande. Autant vous dire que Noé et Dominique ne pouvaient passer à côté. Une courte navigation de nuit nous y amène. Nous mouillons dans la seule baie accessible, orientée au Nord-Ouest.

Pour accéder à terre, il faut beacher sur la plage avec l’annexe. C’est, à nouveau, une belle synchronisation pour échapper aux rouleaux qui se cassent sur le sable et pourraient nous retourner avec notre annexe. Mais notre entrainement a été rigoureux aux Marquises et ces débarquements un peu sportifs ne nous font plus peur !

Une jolie grimpée de 400 mètres nous mène au Plateau qui domine toute l’île. Le paysage est surprenant et totalement différent de tous ceux qui nous ont accompagné aux Marquises jusque là. La terre est rouge. La pluie a tracé des sillons et des canyons de tous côtés. La végétation semble avoir moins souffert du sec que sur le reste de l’archipel et le contraste entre l’ocre et le vert est saisissant. Des roches volcaniques arrondies et noires sont disséminées un peu partout. Les enfants s’amusent à en faire rouler dans les pentes. Pour une fois, nous les y autorisons car il n’y a pas de risque d’assommer un pauvre promeneur.

Les moutons, par contre, se font discrets, au grand dam de mes deux chasseurs. Le nombre de cartouches égarées au sol nous prouve l’intensité de la chasse pratiquée ici. Avec leurs arcs, mes hommes ont peu de chance d’attraper ces brebis méfiantes. Nous rentrerons bredouilles au bateau !

 

Deux jours après notre arrivée, la houle tourne légèrement et rend le mouillage très inconfortable. Tout débarquement à terre est désormais impossible. Il est temps de lever l’ancre pour rejoindre les Tuamotu.

 

C’est parti pour une navigation de cinq jours au bon plein, allure entre le pré et le vent de travers. La mer est assez calme et l’équipage est parfaitement amariné par les mouillages rouleurs des Marquises. La vie à bord s’écoule en douceur, animée cependant par quelques grains à l’approche des Tuamotu. Du coup, pour éviter trop de stress, nous préférons naviguer avec le foc et prendre un ris dans la grande voile quitte à perdre un peu de vitesse. Le Capitaine s’assagit avec l’expérience !

Nous passons beaucoup de temps à jouer tous ensemble. Ces derniers temps, nous avons appris un nouveau jeu de cartes qui plait à tout le monde. En navigation, les cartes sont bien plus pratiques que les jeux de plateau. Cela évite d’avoir tous les pions qui volent à la moindre vague. On fait des gâteaux aux bananes car nos deux régimes emportés en prévision des atolls mûrissent un peu plus vite que prévu. Yianis fait du yoga et de la méditation avec moi. Karim s’adonne à son activité préférée en navigation, ne rien faire ! Noé surveille notre vitesse, relevant le moindre record ou se désespérant lorsque notre moyenne chute. Louis joue au lego, pour changer ! Et Dominique fait la sieste (pour changer aussi !)

 

Après une navigation sans histoire, nous regagnons l’atoll de Hao que nous avons quitté il y a cinq mois. Nous avons prévu de nous y attarder un peu. Les enfants vont passer deux mois à l’école et pendant ce temps, nous profiterons d’effectuer quelques travaux sur le bateau avec Dominique. Nous avons choisi Hao, car il y a la possibilité de s’amarrer au ponton dans l’ancien quai militaire. Un accès à terre plus aisé pour tous nous fera beaucoup de bien et facilitera certains travaux prévus. D’autre part, nous sommes encore en saison cyclonique jusqu’à fin avril. Nous préférons, du coup,  ne pas aller trop à l’ouest pour l’instant.

 

Une bise à vous tous !

 

 

Du 22 au 25 février 2021

 

Nous sommes arrivés aux Marquises avec une coque toute propre. On passait un petit coup tous les mois pour nettoyer la coque et la ligne de flottaison et le tour était joué. Mais dans ces eaux marquisiennes chargées de plancton, on a vite déchanté. Après quatre mois aux Marquises, notre ligne de flottaison était d’un élégant verdâtre-brun et notre coque commençait à voir apparaître ses premiers coquillages. Il était temps de faire un bon carénage !

Direction Hiva Oa, le seul chantier naval aux Marquises. La veille de notre sortie de l’eau, nous rencontrons Hugo. Jeune de 22 ans qui voyage sac au dos aux Marquises. Il cherche logement et nourriture contre un peu de travail et se propose gentiment de nous donner un coup de main. Nous acceptons volontiers. C’est toujours enrichissant d’accueillir quelqu’un de nouveau à bord. Il est végétalien et adepte de yoga. Du coup, je garde au frais le bon rôti de bœuf que j’avais prévu pour remplir nos ventres de travailleurs affamés et sors lentilles, haricots rouges et légumes. Les enfants sont bien curieux de comprendre pourquoi il mange autrement que nous et nous passons de chouettes moments à discuter de nos vies respectives.

 

Comme au Panama, la sortie de l’eau s’effectue avec une remorque et un manitou. Après un bon coup de karcher sur la coque, nous constatons les dégâts. Dominique a bien travaillé sous l’eau aux mouillages malgré les requins. La coque est presque toute propre. Un petit coup de spatule pour enlever quelques algues et coquillages et c’est tout ! Comme prévu, par contre, notre ligne de flottaison est horriblement sale. Pendant que Hugo et Dominique s’occupent de la coque, je m’attèle à la ligne de flottaison armée d’acide, gants, lunettes et spatule. En une demi-journée, j’arrive au bout d’un côté.  

Le lendemain matin, nous finissons de nettoyer la ligne de flottaison avec Dominique. Pour enlever les dernières taches, nous passons un coup de papier de verre 800. Après une bonne matinée, quelle satisfaction de voir notre bateau prêt pour la peinture ! Pendant ce temps, Hugo a dû partir à l’hôpital. Une mouche tropicale n’a rien trouvé de mieux que de lui pondre ses œufs dans l’œil. II a passé la nuit à souffrir et a filé aux urgences dès le lever du jour. Il nous rejoint en fin de matinée, l’œil enveloppé d’un gros pansement plus impressionnant qu’utile. Heureusement pour lui, le cas est bénin, mais fort rare. L’après-midi, nous passons la première couche de peinture.

Après ces deux premiers jours bien remplis, nous ralentissons le rythme. Le troisième jour, nous passons une deuxième couche d’antifouling avec Hugo. Dominique se charge de changer notre vanne-moteur qui était grippée. Il pensait devoir changer tout le passe-coque, mais y parvient finalement grâce à l’un des outils secrets du mécanicien. Le marteau ? Non, le chalumeau, cette fois-ci!

Enfin, le dernier jour, nous terminons notre pot d’antifouling en effectuant une troisième couche dans les endroits les plus sollicités, puis c’est la remise à l’eau. Tout l’équipage reste à bord pour le trajet jusqu’à la rampe de mise à l’eau. Hugo nous quitte pour une autre aventure et nous fêtons notre dur labeur avec un roastbeef sauce bolet ! Mes carnivores sont bien contents !

 

J’ai beaucoup parlé de notre travail à nous, adultes, mais les enfants nous ont aussi bien aidés. Avant de sortir de l’eau, je leur ai préparé un petit planning de tâches. Pas d’école durant ces quelques jours, mais pas question de glander ! Rangement du bateau, préparation des repas, vaisselle, chacun avait son rôle à jouer du plus petit au plus grand.

Yianis et Karim ont brillé en préparant quelques repas de midi avec une grande entente. Pâtes aux légumes et chili sin carne. Même le service était inclu! Après une bonne matinée de labeur, c’était un vrai bonheur de mettre les pieds sous la table ! Entre deux corvées cuisine, les deux complices nous ont aussi aidés pour le carénage. Yianis a gratté et peint la quille un peu en zigzag, mais de bon cœur. Karim a gratté l’hélice.

Noé était pas mal occupé avec l’élaboration d’un harpon. Depuis qu’il a vu comment les anciens Marquisiens chassaient la raie en se jetant de leur barque harpon en main, il ne rêve plus que de ça. Difficile de raisonner un adolescent qui ne parle que de chasse, pêche et bateau. Il a aussi effectué des recherches sur des métiers, profitant de la connexion internet du chantier. L’architecture navale le tente beaucoup. Malheureusement, cela semble assez difficile. Mais il a découvert d’autres professions dans le domaine naval qui pourraient lui plaire.  Enfin, il nous a aussi rangé et nettoyé tous les coffres du carré.

Louis a dû sécher et ranger la vaisselle du déjeuner et du dîner. Il a fait son boulot avec plus ou moins de bonne volonté. Le reste du temps, il était libre. On le voyait alors descendre l’échelle avec tout un attirail de stylos, sous-main, livres, … Il s’installait dans l’espace commun du carénage et passait l’après-midi à jouer là. Trop content de retrouver la terre ferme !

 

Maintenant que notre coque est toute propre, notre périple aux Marquises touche à sa fin. Retour sur les Tuamotu et ses eaux turquoises!

 

Salutations à vous tous !

 

 

 

Du 29 décembre 2020 au 13 février 20121

 

Après plusieurs semaines où nous étions tout au plus trois bateaux dans une même baie, quel changement en arrivant au Nord de Nuku Hiva, dans la baie de Anaho. Plus de vingt voiliers à l’ancre ! Voilà donc où tout le monde se cachait ! Plusieurs d’entre eux s’attardent dans cette baie depuis des mois car le mouillage est l’un des plus calmes de toutes les Marquises. Nous apprenons aussi que bons nombres ont été pas mal chahutés par leur Transpacifique et ont beaucoup de mal à reprendre la mer. On se demande comment ils ont fait pour arriver jusque-là ! Et surtout, comment on peut rester plantés dans une même baie sans connaitre les autres îles à une demi-journée de navigation. Enfin, chacun son histoire !

Pour nous, cet arrêt à Anaho nous fait un bien fou. Voilà plusieurs jours que nous sommes entre nous et nous avons tous besoin de voir d’autres têtes. Le mouillage est plein de bateaux avec des jeunes enfants et l’ambiance sur la plage est très décontractée. Au point d’eau, c’est souvent le rassemblement pour les corvées lessive qui se passent en papotant tant et plus. Anaho est un tout petit village ou plutôt quelques maisons éparpillées le long du bord de mer. Il n’y a pas de route, tout le monde se déplace à cheval ou à pied. Cela ne fait qu’une dizaine d’années que les gens sont venus s’y installer. Longtemps, une terrible population de nonos a découragé les plus audacieux.

Mais qu’est-ce donc que ces nonos ?

Dans les Antilles, on les appelle des yenyens. Ici, ils ont juste changé de nom, mais restent tout aussi redoutables. Les nonos sont des mouches minuscules qui se nourrissent de votre sang à vos dépens. La plupart pique sans que vous vous en rendiez compte. Ce n’est que le lendemain, au réveil que vous découvrez les dégâts. Le dos, les jambes, les bras, selon ce que vous avez exposé à leur vorace appétit, sont couverts de boutons. Mais le pire est à venir. Les démangeaisons commencent. Durant trois à quatre jours, armez-vous d’une bonne dose de courage pour ne pas vous gratter jusqu’au sang. Aux Marquises, et spécialement sur l’île de Nuku Hiva, les nonos ont trouvé un vaste terrain de jeu. Sur les plages, on trouve les petits blancs. Dans les forêts, on trouve les petits noirs ou, plus rarement, les gros noirs. Avec Noé, on a testé toutes les espèces. Après des jours et des nuits de souffrance, on constate que ceux de la forêt sont les pires. Les autres membres de l’équipage ne se prononceront pas sur le sujet car ils ont trouvé le meilleur répulsif à nono : rester dans le voisinage de Noé ou Véronique !

 

Après toutes ces sympathiques rencontres à Anaho, nous rejoignons la ville principale, capitale des Marquises, Taiohae. Et là, ce n’est pas 20 bateaux que nous retrouvons, mais une cinquantaine. Magasins bien fournis, marché aux poissons et légumes, et surtout bonne connexion internet retiennent tous ces voyageurs dans cette grande baie. Nous n’échappons pas à l’appel de la civilisation. Je rêve d’une nouvelle poêle depuis des mois pour ne plus rater toutes mes premières crêpes, les factures s’amoncellent en un montant qui nous fait dresser les cheveux sur la tête, la cuisinière est en panne d’inspiration et n’aspire qu’à un petit resto. Carte de crédit, tu vas chauffer !

Taiohae, c’est aussi des matinées entières à la bibliothèque le nez fourré dans une bande dessinée ou un Picsou pour mes lecteurs assidus qui connaissent plus que par cœur tous les livres du bateau. Et pour Louis ? C’est la maison de l’enfance, un espace de jeux pour les petits. On sent qu’il y a pas mal de Français installés par ici et on ne va pas s’en plaindre.

 

 Enfin, une fois n’est pas coutume, on s’offre une location de voiture. Et attention, pas n’importe quelle voiture. Un pickup 4x4 pour s’éclater sur toutes les pistes de l’île. Il faut dire qu’on ne trouve pas tellement autre chose dans le parc automobile des îles Marquises.

C’est un étrange sentiment qui m’étreint en parcourant l’île en tous sens librement. Je m’imagine la vie des habitants il y a 150 ans. Les différentes vallées se livraient une guerre farouche. Monter sur les hauteurs était courir le risque de se faire capturer par les guerriers de la vallée voisine et terminer en hors d’œuvre. Aujourd’hui, nous sommes loin heureusement de cette époque cannibale et guerrière et pouvons explorer l’île sans crainte.

Tout le haut de l’île, qui culmine à 1200 mètres, est constitué d’un plateau, le plateau de Toovii. Le gouvernement polynésien y a fait planter des forêts de pins dans l’idée d’exploiter le bois. Le sous-bois est couvert de fougères et quelques prairies sont maintenues ici et là pour les vaches et les chevaux. L’air y est délicieusement frais. On y retrouve un petit côté de notre Jura helvétique qui n’est pas pour me déplaire. Plus loin, c’est ce qu’on appelle Terre déserte. Du plateau, on descend jusqu’à la mer lentement dans un paysage aride et rocailleux. A part l’aéroport et quelques rares habitations, on ne trouve que des cailloux dans cette zone. La route (ou plutôt la piste) longe ensuite la côte Nord où s’enchainent les plages de sable blanc ou noir.  Enfin, toute la côte sud est découpée de vallées profondes avec cascades et rivières. On revient le coffre plein de fruits cueillis en chemin, les bras pleins de piqûres de nonos car on a eu la bonne idée de s’arrêter pour admirer une cascade, mais heureux de cette journée. De votre côté, vous en serez quitte pour une énième photo de baie idyllique.

 

Notre séjour à Nuku Hiva se termine avec un court d’arts visuels. Je troque ma place d’enseignante avec plaisir à Sue, enseignante anglaise à la retraite et voyageuse au long cours. Dans un mélange d’anglais et de français, elle nous apprend à faire un bloc d’impression. Un dessin mis en relief à l’aide de collages et que l’on peut ancrer pour l’imprimer sur du papier. Nous passons deux belles matinées tous ensemble. En plus du dessin, Noé et Karim pratiquent en même temps un peu d’anglais et découvrent que, pour les adultes aussi, c’est difficile d’apprendre une langue étrangère. Coup double !

 

Après ces magnifiques jours passés à Nuku Hiva, l’heure est venue pour l’équipage de se mettre au travail. Retour à Hiva Oa pour cinq jours de chantier naval !

Salutations à vous tous !

 

 

Du 15 au 29 janvier 2021

 

Lorsqu’on s’approche d’Ua Pou, la première chose qui frappe, ce sont ses pitons qui tutoient les nuages. Douze pitons se dressent sur les hauteurs de l’ile et se dévoilent avec caprice au voyageur. Le reste de l’île est semblable aux paysages marquisiens qui nous accompagnent depuis quelques mois. Les vallées habitées sont verdoyantes, profitant de nappes souterraines et des nombreux cours d’eau qui dévalent des hauteurs. Mais sitôt éloigné de ces zones irriguées, on trouve un paysage sec. La nature a soif. Seuls les arbres qui puisent l’eau en profondeur et quelques plantes bien résistantes gardent encore leur habit vert. Tous les Marquisiens nous l’ont dit, cette année est inquiétante. Les pluies de décembre ne sont pas arrivées. La sécheresse dure depuis août. Tout le monde attend avec impatience février, un mois pluvieux d’habitude. De notre côté, on espère comme eux un peu de pluie car ces paysages desséchés sont bien tristes. Mais fin février, on carène le bateau et on serait bien contents d’être épargnés des pluies tropicales quelques jours à ce moment-là !

 

Nous arrivons dans la baie de Hakahetau. Particularité d’Ua Pou, la plupart des baies ont un nom qui commence par Haka et qui signifie « danse ». Pour notre oreille peu exercée, c’est un sacré défi de retenir le nom des différentes baies et de ne pas les confondre. Il y a Hakahetau, Hakahau, Hakatetou, Hakaheuka, Hakaotu,.. On a vite laissé tomber !

La baie est mal abritée de la houle du Nord-Ouest qui sévit ces jours. On comprend alors ce que certains voiliers nous avaient dit : « Aux Marquises, il y a certains jours où il vaut mieux rester à bord que tenter de débarquer ! » On avait pris ça pour des conseils prudents de retraités un peu moins agiles que nous. Aujourd’hui, on prend ça avec un peu plus de sérieux ! Mais qu’il est dur de rester au bateau alors que l’inconnu s’ouvre à nous. En comptant les vagues, on arrive quand même à rejoindre le ponton entre deux séries de grosses. Baskets, casquettes (pour ceux qui arrivent encore à en mettre une) et sacs à dos. C’est parti pour l’exploration !

 

De Hakahetau, il y a plusieurs marches sympas à faire.

La première nous mène chez Manfred, un allemand marié avec une fille d’ici qui produit du chocolat depuis quelques années. Une petite dégustation de chocolat comme but de la marche cloue le bec à mes habituels rouspéteurs de gamins. Au retour, le ventre et le sac à dos pleins de douceurs, on s’arrête encore à une cascade pour se baigner. L’endroit est superbe et sans moustique ! Ce qui contribue beaucoup à son charme ! Louis planifie déjà d’y fêter son anniversaire.

Autre marche, la montée jusqu’aux pitons, une belle boucle de quinze kilomètres. On raconte que nul n’est allé à Ua Pou s’il n’a pas touché les pitons. Impossible de passer à côté. D’autant plus depuis que Dominique a appris que certains ont été escaladés. Il fallait aller voir ça de plus près ! La montée se passe en grande partie dans des forêts foisonnantes de vie. On marche sur les avocats et les mangues tombés au sol. A nouveau, notre sac à dos sera plus lourd au retour qu’à l’aller ! La fin est bien escarpée entre les pins, les pandanus aux feuilles épineuses et les fougères. Mais cela en vaut le coup d’œil. Nous nous retrouvons au pied du piton Poumaka. Son sommet perdu dans les nuages. A nos pieds, les vallées courent jusqu’à l’océan qui étale son bleu roi tout alentours. Les points de vue sont toujours aussi spectaculaires aux Marquises.

 

Après ces belles découvertes, on rejoint le village principal, Hakahau. Le rythme de ces derniers jours ralentit un peu et ça fait du bien aussi. Nous consacrons à nouveau plus de temps et de sérieux à l’école. Personnellement, je peine à en faire la priorité numéro une. On voyage pour voir d’autres cultures et d’autres endroits. Je trouve ça bien plus riche et éducatif que des heures passées sur un cahier. Karim illustre à merveille cela. Quand je constate qu’après avoir entendu une bonne vingtaine de fois la règle du « vendre, vendu », il n’en a toujours pas trouvé l’utilité, je me pose des questions. Par contre, il est capable de réciter par cœur n’importe quel dialogue de  bandes dessinées. C’est ça la mémoire sélective, non ? Noé n’en a que faire de l’emploi des paroles rapportées dans un texte, mais comme il est assez bon élève, il apprend ses leçons par cœur pour les oublier aussitôt le chapitre bouclé. Par contre, branchez-le sur les différents modèles de voiliers, il est incollable.

La matinée est donc consacrée aux apprentissages formels dans une ambiance qui varie de presque concentrée à totalement chaotique. Et l’après-midi, on joue à la plage ou on bricole au bateau.

La routine est quand même bousculée par la visite chez le dentiste. Généreusement subventionné par le gouvernement français, le dentiste est gratuit pour tous. Ça nous change des tarifs suisses ! Ni une, ni deux, toute l’équipe s’allonge à tour de rôle pour un petit contrôle. C’est en maman bien fière de son éducation que j’entends le dentiste me féliciter sur l’état des dents des enfants. Le pauvre dentiste doit en voir des ravages car, en Polynésie, la malbouffe fait des dégâts et pas seulement sur les dents malheureusement. Surpoids et diabète concernent beaucoup, beaucoup de monde. Pour vous donner une idée, dans la salle d’attente du dentiste, on verra une grand-mère sortir de son sac un paquet de chips pour faire patienter son petit-fils.

 

Après quelques jours en mode repos, on rejoint Nuku Hiva.

 

 

 

 

Du 16 au 28 décembre 2020

 

Ua Huka, l’île aux chevaux et aux chèvres. On raconte qu’il y vit plus de chevaux que d’habitants. On veut bien le croire! A Ua Huka, on effraie des troupeaux de chèvres sauvages à chaque promenade. On rencontre des chevaux dans les coins les plus reculés de l’île. Cette surpopulation d’animaux a des effets dévastateurs sur l’ile. Il n’y a plus qu’au fond des vallées que l’on rencontre la végétation exubérante qui fait la richesse des Marquises. Tout le reste de l’île est désertique.

Ua Huka est souvent laissée de côté par bien des plaisanciers car pour s’y rendre depuis les autres îles des Marquises, il faut lutter contre le vent. Navigation au pré serré garantie. D’autre part, ses quelques mouillages sont réputés parmi les plus rouleurs des Marquises et les débarquements à terre en annexe sont un vrai tour de force. Mais ces petits désagréments ne vont pas arrêter notre soif de découverte.

 

Nous ancrons dans la baie de Hane, deuxième village de l’ile. Comme attendu, nous sommes le seul voilier au mouillage, ça roule et ça souffle en rafales. Dominique n’est pas très rassuré à l’idée de laisser le voilier seul à l’ancre. Il nous dépose à terre (ou plutôt, il nous jette à terre entre deux rouleaux) et regagne le bord de Wave Dancer. Les enfants et moi partons explorer le village et les alentours.

Les habitants de l’île ont su préserver leur culture et leurs traditions. Chaque village compte un petit musée et un centre artisanal. De nombreux sites archéologiques sont recensés et entretenus sur l’île. Nous visitons le musée des pétroglyphes. Les ancêtres avaient l’habitude de graver des symboles géométriques et des visages sur les pierres dans les sites sacrés à leurs yeux. Le musée reproduit des copies de ces pétroglyphes et indique leur emplacement sur l’île. Puis nous allons découvrir le centre artisanal. La spécialité d’Ua Huka est la sculpture sur bois.  Les enfants s’extasient devant les raies mantas, les tortues et les requins sculptés dans les essences tropicales. Cette année, le Père Noël aura dans sa hotte quatre animaux sculptés à déposer au pied de notre sapin en bois flotté.

Pour la suite de notre exploration, nous sommes rejoints par Dominique. Les rafales se sont calmées et notre Capitaine s’est un peu détendu. Nous traversons le village pour rejoindre un site historique à 30 minutes de marche. On peut y voir trois tikis alignés près d’un paepae. Les tikis sont des statues de pierre qui représentent les anciennes divinités des Marquisiens. Leur visage comporte toujours deux yeux gigantesques pour montrer leur grande clairvoyance. Les paepae sont des plateformes de pierre sur lesquelles étaient construites les habitations des Marquisiens, ainsi que les lieux saints. Cela leur permettait d’être éloignés de l’humidité du sol. Dans les vallées habitées, on trouve encore de nombreux restes de paepae disséminés un peu partout et montrant la forte densité de la population marquisienne il y a plusieurs centaines d’années. Les enfants, et surtout les deux grands, ne partagent pas notre enthousiasme devant ces témoignages du passé. Karim râle durant toute la marche et Noé n’a aucune envie de voir « encore une de ces horribles statues ». Sales gosses ! Heureusement, nous avons aussi le droit à une superbe vue sur la baie de Hane, l’ancienne caldera.

 

Le lendemain, nous quittons ce mouillage… inconfortable, il faut bien l’avouer. Nous pensons aller au village principal niché au fond d’une baie étroite. Mais la houle qui vient du Sud-Est rend l’entrée dans la baie difficile et nous préférons renoncer à nous y engager. Nous contournons la côte Sud de l’île pour aller mouiller dans une baie déserte le long de la côte Ouest. De là, une piste rejoint le village à cinq kilomètres de là. De bon matin, nous partons en expédition. Au programme, courses au village, visite du musée du bois et de l’arboretum. La descente à terre est la plus sportive que nous n’ayons jamais faite. Nous mettons tous nos maillots et enfermons habits, chaussures et pique-nique dans un sac étanche. Noé est chargé d’emmener Yianis et Louis à bon port en paddle. C’est plus facile de négocier l’arrivée entre les rouleaux qu’avec l’annexe. Dom, Karim et moi partons en annexe. Nous ancrons derrière les rouleaux et gagnons la plage à la nage avec les sacs à dos sur la tête. On se réjouit déjà du retour où quelques courses nous alourdirons davantage !

La visite de l’arboretum est sympa. On est toujours surpris par la diversité des arbres fruitiers que l’on rencontre aux Marquises. Manguiers, caramboliers, tamariniers, avocatiers, la liste est longue. Nous discutons avec les deux employées de l’arboretum. Elles sont en pause tout au long de notre visite. L’arrivée de leur patron ne les remet pas au travail pour autant. Au contraire, elles nous conseillent d’aller lui demander de nous ramener au village en voiture. La vie est vraiment douce par ici et on se demande qui est dans le vrai : notre rythme réglé par une horloge suisse ou leur nonchalance polynésienne ?

 

La baie où nous sommes ancrés est magnifique. Il y en a pour tous les goûts. Randonnée pour Madame, Chèvres sauvages à chasser pour Monsieur et plage pour les enfants. D’un commun accord, nous décidons d’y rester jusqu’à Noël. Nous fêterons qu’entre nous, mais après tout, en cette année de covid, tout est un peu différent. La chasse aux chèvres occupe Dominique un bon bout de temps. Armé de son arc, il se planque en embuscade et tente sa chance sur la centaine de chèvres qui occupe la vallée. Mais je ne sais si l’entrainement n’a pas été assez rigoureux ou si les biquettes sont particulièrement malignes, quoiqu’il en soit, il rentre bredouille. Pas de gigot pour Noël, nous nous rattraperons avec un bœuf Angus cuisson roastbeef. Ça le fait aussi !

 

Mais dans ce petit paradis, nous sommes rattrapés par la vie moderne et son lot de factures de fin d’année. Nous voilà contraints de regagner la civilisation et son réseau Internet. Départ pour Nuku Hiva, l’île principale des Marquises.

 

A bientôt !

 

 

Le 4 décembre 2020

Nous arrivons sur l’ile de Hiva Oa, près de la petite ville d’Atuona où vécurent Jacques Brel et Paul Gauguin. Pour nous, ce n’est pas l’étape la plus sympathique, mais elle est nécessaire. Après neuf mois en Polynésie, à se contenter de petits magasins de village, nous avons bien besoin de faire un tour dans un petit supermarché. Habits pour les enfants, pièces pour le voilier et retrait d’argent cash.

La zone de mouillage n’est pas des plus chouettes. Autour du voilier, l’eau est brunâtre et, parait-il, infestée de requins. Nous n’avons aucune envie de vérifier. Le mouillage n’est pas si simple non plus. Il faut mouiller sur deux ancres, une à la poupe et une à la proue du bateau pour éviter de léviter. Les bateaux sont assez serrés les uns aux autres. Par ailleurs, les cargos de ravitaillement comme le Taporo 8 et l’Aranui 5 entrent dans la baie et viennent s’amarrer au ponton juste devant nous. Les voiliers au mouillage nous expliquent que les bateaux doivent se trouver derrière deux croix plantées sur la rive pour laisser la place aux cargos. Nous mouillons avec notre ancre à l’avant et l’arrière amarré sur une grosse bouée. Notre avant est juste derrière les deux croix. On se renseigne encore auprès des pêcheurs du coin pour être sûrs que tout est en ordre. Ils nous rassurent en nous expliquant que, en cas de soucis, les autorités du port nous contacteront. On reste en veille nuit et jour sur le canal 16 au cas où.

 

Deux jours après, l’Aranui 5 arrive au mouillage à 4heures du matin. L’Aranui 5 est un cargo qui ravitaille les Marquises depuis Tahiti toutes les trois semaines. Il transporte aussi des passagers à son bord. 128 mètres de long sur 25 mètres de large. Imposant !

Nous sommes réveillés par le bruit. Nous voyons le bulbe avant du cargo passé à une longueur de bateau devant nous. Il vient s’amarrer au ponton principal un peu plus loin. Ses amarres avant sont tirées sur la rive au niveau des deux croix. Du côté opposé au ponton, il descend son ancre pour se stabiliser. En s’amarrant, il crée des remous dans tout le mouillage. Pour nous, qui sommes tout prêt, c’est très impressionnant. Il nous fait tourner de 90°. On a peur que notre ancre ne soit décrochée par les remous et que l’on vienne taper dans les voiliers mouillés juste à côté de nous. Eux aussi, sont bien malmenés. Nous installons des pare-battages et allumons le moteur. Karim et Yianis sont tirés du lit par tout ce bruit, Louis et Noé continuent à dormir paisiblement. Une fois, l’Aranui 5 amarré, nous reprenons notre position d’origine. Ce n’était que les remous qui nous ont fait bouger à ce point.

Nous comprenons alors que les croix jaunes ne désignent pas la limite à ne pas dépasser avec son voilier, mais bien avec son ancre ! Nous redoutons le départ du cargo et nous avons aussi peur que son ancre ne soit sur notre chaine. Au matin, nous tentons de quitter notre place pour aller mouiller un peu plus loin. Ce que nous redoutions arrive, impossible de remonter notre ancre. La chaine ou l’ancre du cargo doit être dessus notre mouillage. On espère au moins que notre ancre ne va pas se crocher dans sa chaine. Dominique part voir le Commandant pour lui expliquer la situation. Ce dernier est sympathique et confiant. Il va faire attention au moment du départ !

13 heures, l’Aranui 5 repart. Sur Wave Dancer, nous sommes parés à toute situation. Chacun a son rôle à jouer.

Dominique est à la barre et aux amarres arrières, prêt à tout larguer (ou couper) si nécessaire.

Karim et moi, nous sommes dans l’annexe, parés à aller décrocher notre chaine ou notre ancre si on les voit crochées sur le mouillage de l’Aranui 5.

Noé est à l’avant, prêt à larguer notre mouillage au cas où l’Aranui nous entraine à sa suite. On a sorti toute la chaine du guindeau et mis une bouée à la fin de la chaîne pour retrouver notre mouillage ensuite.

Yianis attend dans le cockpit avec un pare-battage.

Louis est consigné dans le carré avec interdiction formelle de pointer le nez dans le cockpit.

On se sent tous comme des guerriers avant le combat ou comme à la veille d’un examen oral important. On a tous l’espoir que tout se déroule sans heurts et que l’Aranui reparte en douceur sans toucher à notre mouillage.

 

13h30, le cargo commence à remonter très doucement son ancre. A son avant, trois hommes guettent avec nous. Soudain, notre chaine apparait, entourée autour des maillons qui semblent monstrueux en comparaison avec notre petite chaine. L’Aranui stoppe aussitôt, se maintenant en face de nous. Son bulbe avant est vraiment prêt de nous, une dizaine de mètres peut-être. Avec Karim, nous partons en annexe pour démêler notre chaine, mais les hommes de l’Aranui nous font signe de dégager. Ils arrivent à notre secours avec leur barge et emmène Dominique pour décrocher notre chaine. Je prends sa place à la barre. Notre chaine est enroulée plusieurs fois autour de celle de l’Aranui. Notre ancre est crochée dans son ancre gigantesque. Dominique passe bien dix longues minutes à parvenir à tout démêler, aidé par le conducteur de la barge. L’Aranui peut reprendre sa route et nous, nous pouvons refaire notre mouillage et digérer nos émotions.

 

Comment on se sent après une telle mésaventure ?

D’abord, on se sent soulagé car il n’y a pas eu de casse.

On se sent aussi plein de reconnaissance envers tout l’équipage de l’Aranui 5 qui nous ont aidés patiemment et gentiment.

On est un peu déçu de ne pas avoir été informé correctement par les voiliers voisins qui avaient déjà passé de longs mois dans cette baie. Après coup, notre voisin, amarré à la même bouée que nous, nous a dit qu’il fallait mouiller derrière la bouée. « Ah oui ! Merci ! Ça, on avait remarqué ! Tu n’aurais pas pu nous le dire plus tôt ! C….ard !»

Et finalement, on se sent soudé. Dans cette histoire, chacun avait un rôle important à jouer. Chacun devait être attentif, réagir vite et faire gaffe à soi ! Pour tous, ce fut une belle leçon de vie : garder la tête froide en cas de danger !

 

Bien à vous !

 

Du 4 au 30 novembre 2020

 

Notre arrivée à Tahuata se fait avec un génois enroulé à l’arrache, complétement à l’envers. Nous venons d’affronter le Cap de l’Enfer qui se trouve au Sud de l’ile. Le vent d’Est contourne l’ile et accélère en rafales puissantes. Nous étions tous tranquillement installés dans le cockpit à admirer la côte Sud de Tahuata quand la première rafale nous talonne par l’arrière. On enroule le génois en vitesse. A la deuxième, on borde la GV et on allume le moteur. A la troisième, on roule tout et on termine au moteur. Bienvenue à Tahuata !

C’est sur Tahuata que le premier Européen à débarquer. C’était Mendana en 1595. C’est aussi sur cette île que le traité liant l’archipel des Marquises à la France a été signé, en 1842, sous la direction de l’amiral Dupetit-Thouars. Cela s’est passé dans la baie de Vaitahu qui abrite aujourd’hui le village principal. 600 habitants, une supérette, une école primaire, une poste et une église surdimensionnée. Elle a été construite par le Vatican en 1988 pour rappeler l’importance de l’ile de Tahuata dans l’évangélisation des Marquises.

 

Nous débutons notre découverte de Tahuata par la baie de Hapatoni qui abrite le deuxième village de l’ile. Lorsque l’on se promène dans les allées du village, on a l’impression d’entrer chez une grande famille. Tout le monde est cousin, tatie, grands-parents, … En fin d’après-midi, la place centrale autour du terrain de volley est le lieu de rassemblement de toutes les générations confondues. Un endroit bien paisible en ces temps de covid !

Dominique se propose pour aider Piu, un homme du village à désherber un coin de terrain. Une grosse demi-journée de dur labeur en échange de nourriture. Il revient à bord les bras chargés de chèvre et cochon sauvages, de poissons, de poulet, de bananes, courges et papayes. Nous avons à manger pour une bonne semaine. Les Marquises sont vraiment un pays de Cocagne et les gens partagent volontiers ce que leur terre leur offre généreusement. Durant tout notre séjour à Tahuata, nous aurons un, voire deux régimes de bananes suspendus à l’arrière du bateau.

Nous partageons le mouillage de Hapatoni avec quatre ou cinq autres voiliers et … une bande de dauphins. Presque chaque jour, ils viennent tourner autour du bateau et font des cabrioles. Le lendemain de notre arrivée, nous interrompons l’école pour une récréation baignade au milieu des dauphins. Mes écoliers ont bien de la chance, mais la reprise des cours après une telle pause est ardue !

 

Plus au Nord de l’ile, on trouve une succession de plages de sable. Mine de rien, cela faisait un moment que nous n’avions pas eu de jolies plages de sable. Aux Gambier et aux Tuamotu, c’étaient des coraux. Les dernières datent des Perlas, au Panama. Du coup, les enfants profitent à fond et moi aussi. Dominique est plus raisonnable (l’âge, sans doute !) Nous passons des heures à jouer dans les vagues et regagnons Wave Dancer avec les cheveux remplis de sable. Noé et Louis, avec leurs dreads, passent un bon moment à se laver la tête et dans leur lit, ça croustille un peu !

Nous avons également la chance de pouvoir nager avec des raies mantas de deux mètres d’envergure. Elles tournent sur elle-même, bouche grande ouverte pour se nourrir de plancton. Woah ! En voyant Noé et Karim qui plongent vers elle et jouent avec, je me dis que c’est vraiment la plus belle vie que l’on puisse offrir à nos enfants !

 

Après un mois qui a passé à toute vitesse, nous décidons de quitter Tahuata. Il nous reste une petite épreuve à franchir, le canal du Bordelais, un canal d’un cinq milles de large entre Tahuata et Hiva Oa. Dans ce canal, le vent accélère beaucoup et la mer est levée. Plusieurs voiliers nous ont prévenus que la traversée d’Ouest en Est est difficile. Nous nous préparons donc avec soin pour une courte traversée musclée avec bords de pré à tirer. Rangement de tout le bateau le jour d’avant pour que rien ne tombe, départ à 5h30 pour profiter des petits airs du matin avant que le vent ne se lève, un ris dans la grande voile et foc. Nos précautions sont vaines car nous avons, tout le long, des petits airs entre 10 et 15 nœuds. Pour avancer un peu, nous renvoyons le génois et toute la grande voile après une heure de navigation. Le canal du Bordelais ? Fastoche !

 

Prochaine étape : Hiva Oa. A bientôt !

 

Du 25 octobre au 3 novembre 2020

 

C’est dans la baie de Hanavave sur l’île de Fatu Hiva, aux Sud des Marquises que nous arrivons après cinq jours de navigation depuis Hao. Les pitons de basalte noir semblent monter la garde dans cette baie encaissée, désignée comme l’une des plus belles au monde. Ces pitons ont d’ailleurs inspiré le nom français donné à la baie. Les premiers marins l’ont surnommée la baie des Verges. Après des mois de mer, l’abstinence taraudait et inspirait ces rudes navigateurs ! Les catholiques, qui sont arrivés un peu plus tard, se sont offusqués de ce nom  grossier et ont rajouté un discret « i ». La baie des Verges est devenue la baie des Vierges et, pour justifier leur choix, les religieux ont expliqué voir dans les pitons de basalte des madones voilées. Pour mettre tout le monde d’accord, nous retiendrons le nom marquisien.

C’est vrai que le paysage est imposant, surtout après plusieurs mois de lagon où le vertical n’existe pas. Des falaises abruptes, couvertes de végétation luxuriante ; cocotiers, manguiers, fougères. Des colonnes de pierre noire qui émergent de ci de là. Des parfums de frangipaniers et de terre abondamment arrosée. Au fond de la baie est niché un village de 600 habitants.

Voilà longtemps que Wave Dancer n’avait pas planté son ancre aussi proche des parois. Cela nous rappelle certaines îles des Canaries comme La Gomera ou La Palma ou encore l’Anse Noire en Martinique.

Ici, le vent d’Est s’engouffre dans la vallée et souffle en puissantes rafales atteignant facilement 40 nœuds. Nos deux ancres sont solidement plantées dans le fond sableux, mais nous préférons ne pas laisser le bateau seul. C’est donc à tour de rôle que nous allons découvrir les alentours. Le premier jour, Dom part tâter le terrain avec les deux petits. En cette période de covid, nous ne savons jamais comment nous serons accueillis. Ces dernières semaines, le coronavirus a fait des ravages sur les îles de la Société, Tahiti et Moorea en tête, plaçant la Polynésie parmi les zones les plus touchées de France. Aux Marquises aussi, la pandémie a débarqué depuis peu. Fatu Hiva est encore préservée, mais les îles plus importantes comme Hiva Oa et Nuku Hiva sont désormais affectées. L’arrivée de nouveaux voyageurs, venus d’on ne sait, suscite la méfiance. Quelques heures plus tard, les voilà de retour au bateau chargés de pamplemousses offerts par les habitants. Apparemment, l’accueil est bon !

Le lendemain, c’est à mon tour de partir en vadrouille. J’emmène toute la tribu marcher jusqu’à une cascade. Autour de nous ne poussent que des arbres fruitiers. Nous sommes au début de la saison des mangues, les arbres croulent sous les fruits. Nous découvrons alors un phénomène assez étrange Lorsque l’on se promène aux Marquises, le sac à dos est plus lourd au retour qu’à l’aller ! En revenant par le village, nous sommes encore interpellés par une dame à qui nous avions demandé le chemin. Elle nous offre un régime de bananes.

Le troisième jour, c’est le tour de Dominique. Toute l’équipe part au point de vue situé 400 mètres plus haut. Ils rencontrent alors l’agent de sécurité du village, entendez par là le gendarme local. Celui-ci les informe que, suite au covid,  tous les voiliers arrivant aux Marquises doivent aller s’annoncer à Hiva Oa auprès de la gendarmerie afin de pouvoir circuler dans l’archipel. Nous n’avons plus le droit de descendre à terre ! Quelle mesure stupide ! Nous venons d’un endroit préservé du covid. Nous sommes dans un endroit préservé du covid et on nous envoie nous annoncer sur une île où il y a du covid afin de pouvoir ensuite circuler dans tout l’archipel ! Nous n’avons aucune envie de rejoindre Hiva Oa au mouillage peu agréable et où l’on risque de se faire confiner. Nous décidons de partir pour Omoa, la vallée d’à côté, toujours sur Fatu Hiva et de voir si le discours est le même. Là, l’agent de sécurité est beaucoup plus relax. Il y a effectivement une recommandation d’envoyer les voiliers sur Hiva Oa, mais face à nos arguments logiques autour du covid, il propose de téléphoner à la gendarmerie pour se renseigner. Le lendemain, lorsque Dom part aux nouvelles, il le surprend en pleine sieste. Entre deux bâillements, il lui explique qu’il n’a pas téléphoné et que le mieux est d’éviter de trop se déplacer. Cool !

Nous passons cinq jours au mouillage à Omoa. Ça roule terriblement et je dois, parfois, mettre la cuisinière sur cardan comme en navigation. Nous marchons beaucoup, arpentant tous les sentiers qui s’offrent à nos gambettes. Les enfants rouspètent et me rappellent moi quand j’étais petite devant les marches familiales du dimanche. Les gens sont gentils, mais la plupart restent un peu distants. Nous le comprenons parfaitement ! Au bout de quelques jours, nous n’en pouvons plus de se faire secouer par la houle. Nous décidons de partir pour Tahuata, à 45 milles de là.

 

A bientôt!

  

 

Du 20 au 25 octobre 2020

 

Le départ de Hao s’est décidé assez précipitamment. En cette période de l’année, le vent vient du Nord-Est la plupart du temps. Pour remonter plein Nord sur les Marquises, ce n’est pas l’idéal. On guettait la météo depuis deux semaines et on a profité d’une rare et courte fenêtre de vent d’Est pour quitter les Tuamotu.

 

Pour nous mettre tout de suite dans l’ambiance, le Capitaine décide de négocier la sortie du lagon de Hao en pleine marée descendante. Il y a cinq nœuds de courant sortant dans la passe, la mer est blanche d’écume devant nous et de grosses vagues se forment à la sortie de la passe. On se lance toutes voiles dehors. Rapidement, les vagues nous secouent en tous sens et il nous faut rouler le génois en vitesse. Après avoir bien dansés pendant quelques minutes, nous retrouvons l’océan.

C’est parti pour 480 milles de pré serré direction Fatu Hiva, l’île la plus au Sud des Marquises. Les deux premiers jours de navigation ne sont pas faciles. Nous avons beau vivre sur l’eau depuis plus de deux ans. Il n’y a rien à faire, à chaque fois, nous devons nous réhabituer à la mer. Yianis et Karim s’emparent des lunettes anti mal de mer, le pauvre Louis vomit le premier jour, tout l’équipage a l’estomac dans les talons. Dur, dur de reprendre la mer après trois mois planqués dans des lagons ! Au bout de deux jours, les enfants retrouvent la forme. De mon côté, ce n’est pas la fête. Je me sens nauséeuse dès que la mer se lève un peu plus. Je n’ai qu’une envie, dormir ! Les enfants sont beaucoup livrés à eux-mêmes et, pour les occuper un peu, nous abusons des écrans entre films et jeux sur la tablette. Belle éducation !

 

Une fois n’est pas coutume, on penche sur bâbord. Dans ce sens, la pompe à eau de mer de la cuisine ne fonctionne pas car la prise d’eau est trop haute. La vaisselle se déroule attaché à l’arrière. Evidemment, dès le premier soir, le seau m’échappe des mains ! Autre inconvénient du pré sur bâbord, les armoires (qui sont pour la plupart sur tribord) ont la fâcheuse tendance à se vider toutes seules dès qu’on les ouvre. C’est ce qu’on pourrait désigner par « ces petites choses qui vous pimentent la vie ». Pour les avantages, je cherche encore !

Durant cette navigation, nous testons également une nouvelle configuration de voiles. Maintenant que nous avons un foc, nous évitons de réduire le génois lorsque les airs forcissent. Mais s’aguiller à l’avant du bateau pour hisser ou descendre le foc au moindre soubresaut des airs le tout dans une mer hachée n’est pas des plus agréables et sécuritaires. On décide alors de garder le foc à poste sans arrêt. Lorsque les airs faiblissent, on déroule le génois et on avance avec les deux voiles l’une contre l’autre. Sitôt que les airs forcissent, on roule le génois. Pratique !

 

Samedi 24 octobre, au matin, nous sommes à 36 milles de Fatu Hiva. Malheureusement, 36 milles trop à l’ouest. Nous avons eu beau serrer le vent au plus près, cela n’a pas suffi pour viser directement l’île. Nous voilà bons pour tirer des bords ! Ce sera finalement 600 milles que nous parcourrons pour rejoindre enfin notre destination dimanche matin 25 octobre. Nous arrivons dans la fameuse baie de Hanavave à Fatu Hiva, l’une des plus belles baies du monde à ce qu’il paraît !

 

Salutations à tous !

 

Septembre et octobre 2020

 

Avant de rejoindre les Tuamotus, je me disais : « Mais, qu’est-ce que nous allons bien pouvoir faire là-bas ?  Pas de relief, pas de marche, pas de fruits, des cocotiers à perte de vue. Comment les gens parviennent-ils à vivre dans un endroit comme ça ? » Et les copains en voiliers qui étaient déjà passés par là me rassuraient en me parlant des beaux snorkeling, de la gentillesse des gens, des motus déserts. Aujourd’hui, après avoir passé deux mois dans le lagon de Hao, j’ai compris combien ils avaient raison et combien les Puamotu (les habitants des Tuamotu) ont une vie magnifique !

 

Hao est le quatrième plus grand atoll de Polynésie. Il est situé dans le centre des Tuamotu. Durant quarante années, il a abrité une base militaire pour l’Armée de l’air. Cela a amené beaucoup de travail et a entrainé un grand accroissement de la population. Depuis 2000, la base n’existe plus, mais Hao est restée une île importante pour le centre et l’est des Tuamotu. On y trouve notamment un collège accueillant les élèves jusqu’à 15 ans, un hôpital, une piste d’aéroport et même un dentiste. Le lagon est habité par plus de 1000 personnes. La plupart vivent dans le village d’Otepa.

Tout près du village, on trouve un ancien port militaire. Désormais, les voiliers peuvent s’amarrer librement sur les deux digues qui restent. Pour nous, cela change beaucoup du mouillage. Pas besoin d’annexe pour aller à terre. Les enfants vont et viennent librement entre le bateau et le quai. Nous avons sorti notre vélo et la charrette pour se balader et faire les commissions. Tous les après-midi, sitôt l’école terminée, une dizaine d’enfants de tout âge viennent nous dire coucou. Autour du bateau, ça saute, ça crie, ça nage. Nous avons l’impression d’être au milieu d’une piscine municipale. Pour nos quatre garçons, c’est que du bonheur !

Nous avons aussi eu la chance de faire quelques belles rencontres. Parmi elles, Nicole et Didier qui travaillent tous deux comme responsables de l’entretien du collège. Nous avons partagé avec eux de précieux moments. Repas du weekend sur le motu avec poisson cru au lait de coco et fafaru pour ceux qui aiment (entendez par là, Dominique, seul adepte du fafaru à bord !). Barbecue du dimanche avec une quantité impressionnante de plats. Moi, qui avais l’impression de cuisiner beaucoup et de servir des bonnes portions, j’ai encore bien à apprendre chez les Puamotu! Nicole m’a accueillie pour faire ma lessive. Ils nous ont amené de l’eau pour remplir nos réservoirs avant notre départ pour les Marquises. Les garçons ont été gâtés avec plein de bonbons et de glaces. Comme souvent, nos quatre terreurs ont séduit leur monde ! C’est difficile en quelques phrases de décrire la générosité et l’accueil si chaleureux que nous avons reçu chez Nicole et Didier. Ils resteront toujours dans nos coeurs. Ils ont d’ailleurs déjà arrangé avec Karim une retrouvaille dans quelques années quand, à son tour, il parcourra les océans.

Nous rencontrons aussi Nini (drôle de coïncidence !). Mariée avec un français, elle a élevé ses neuf filles à Amanu, l’atoll d’à côté. Aujourd’hui, elle vit de son artisanat entre Hao et Amanu. Elle a initié Karim à quelques techniques de tressage de feuilles de cocotier. Nous emportons son souvenir avec nous sous la forme de six magnifiques colliers de coquillage. Elle a aussi eu la gentille idée de nous offrir pleins de magasines sur la Polynésie. Voilà qui nous occupera durant les longues journées de navigation qui nous attendent. Un grand merci Nini !

 

A l’heure où j’écris ces lignes, le bruit des ados qui jouent et rient dans l’eau avec Noé autour du bateau empli l’air. Ces rires joyeux, c’est tout Hao. A tout âge, ici, tout est balayé par un grand éclat de rire. Il règne une joie de vivre et une simplicité que nous n’avons rencontrée nulle part. Vraiment, il fait bon vivre dans les Tuamotu ! Je crois que, pour un peu, j’en oublierai presque mes montagnes !

 

 

 

 

octobre 2020

Le cocotier fait partie de notre paysage depuis de nombreux mois. Aux San Blas, les indiens kunas vivaient du commerce des noix de coco. Leurs maisons étaient bâties à l’aide des troncs. Leurs toitures étaient en feuilles de cocotiers. Aux Antilles, les noix vertes, ouvertes de quelques coups de machette désaltéraient les nombreux touristes de passage. En Colombie, la chair des cocos servait à fabriquer des pâtisseries, las cocadas. Mais jamais, nous n’avions pu nous rendre compte de la richesse de cet arbre avant d’arriver en Polynésie, et plus particulièrement, aux Tuamotu.

Dans les légendes polynésiennes, on raconte que le cocotier est né d’une murène, tuée par les hommes à cause de sa laideur. Au moment de mourir, la murène aurait prédit que les hommes qui la détestent tant devraient un jour l’embrasser sur la bouche. Et sur son corps enseveli, naquit le premier cocotier. Lorsqu’on observe une noix de coco, on distingue trois points sombres qui rappellent deux yeux et une bouche. Pour boire l’eau de coco, chacun doit poser ses lèvres contre ce dessin de bois, les yeux et la bouche de la murène !

Aux Tuamotu, les atolls sont recouverts de cocotiers. Il y a très peu d’autres plantes qui parviennent à pousser dans ces sols ingrats. Les habitants ont su tirer admirablement parti de ce magnifique arbre. Des feuilles aux racines, tout est utilisé. Tour d’horizon des multiples usages du cocotier :

 

Les feuilles

A l’aide des feuilles de cocotiers, les Polynésiens fabriquent des panneaux qu’ils assemblent pour former les murs des habitations. Dans les villages, on croise encore des habitations construites ainsi. Mais la tôle a, bien souvent, remplacé les cocotiers à cause de sa durée de vie et de la possibilité de récupérer l’eau de pluie.

Le tressage des feuilles de cocotier est un véritable art. Les maisons sont toutes ornées de superbes décorations tressées. Ils fabriquent également des chapeaux, des sacs, des jouets, des plats, …

 

Le tronc

Le tronc est utilisé comme pilier dans les maisons traditionnelles. On l’utilise aussi pour délimiter des carreaux de jardinage et pour faire du feu.

Le cœur de cocotier est la partie centrale du tronc située juste sous la couronne de feuilles. On le prépare en salade. Mais pour le récupérer, il est nécessaire d’abattre le cocotier. C’est, du coup, une salade très appréciée du fait de sa rareté. On a eu l’occasion d’aider quelques Polynésiens à abattre des cocotiers qui poussaient un peu trop près de leur maison. Pour nous remercier, nous avons eu droit au cœur de cocotier. Un délice !

 

Le fruit

Un fruit de cocotier, c’est d’abord une enveloppe fibreuse et non comestible. Verte tout d’abord, elle devient brune par la suite. Pour accéder à la noix de coco, qu’on peut parfois trouver dans les commerces par chez nous, il est nécessaire d’enlever cette enveloppe. L’eau de coco et la chair de coco se trouvent à l’intérieur de la noix. Le fruit du cocotier a de nombreuses utilisations.

Comme combustible pour le feu, on utilise les enveloppes brunes.

Dans l’artisanat, la coque de la noix soigneusement poncée est travaillée.

Aux Tuamotu, toute l’économie tourne autour de la production de copra. Le copra est la chair de coco séchée qui sera ensuite pressée à Tahiti pour en extraire de l’huile. Chaque famille possède plusieurs hectares de cocoteraies qu’elles exploitent. Certains vivent à l’année en dehors du village au  milieu de leurs cocotiers, mais la plupart viennent y passer régulièrement une à deux semaines pour travailler le copra. Tous les deux ou trois mois, les fruits tombés au sol sont rassemblés en grands tas, puis fendus en deux. Ils sont alors empilés et mis à sécher durant une petite semaine. La chair de coco est ensuite détachée de la coque à l’aide d’une sorte de longue cuillère affutée. A nouveau, on laisse la chair sécher au soleil sur des grandes tôles. Selon la météo, entre trois à cinq jours sont nécessaires. Et voilà le copra ! Le copra est ensuite conditionné en sacs de 25 kilos et envoyé sur Tahiti dans les huileries.

La chair des cocotiers peut aussi être râpée. En Polynésie, on trouve dans chaque foyer, la râpe à coco. Après plus de six mois dans ces belles îles, la râpe à coco a rejoint elle aussi nos ustensiles de cuisine. Il s’agit d’une planche sur laquelle on s’assied. A l’une des extrémités est fixée une tige d’acier au bout arrondi et dentelé. On râpe dessus des demi-noix de coco. Avec la chair râpée, on peut faire du lait de coco en la pressant dans un linge. Si vous avez l’occasion de goûter du vrai lait de coco, testez absolument. Cela n'a rien à voir avec le lait de coco en boîte auquel on est habitué en Europe. Dans la cuisine polynésienne, le lait de coco entre dans quasiment toutes les recettes. Le poisson cru au lait de coco, le poulet au lait de coco, le poe au lait de coco, …

Avec la chair râpée, on peut aussi faire du monoï. Il s’agit d’huile de coco que l’on récupère en laissant la chair râpée au soleil durant plusieurs jours. L’huile va s’écouler de la chair râpée. On peut parfumer cette huile avec des fleurs. Elle est alors utilisée pour les cheveux et pour le corps. Vu les magnifiques cheveux des femmes polynésiennes, ça donne envie d’essayer !

Les fruits tombés au sol depuis quelques temps vont commencer à germer. On voit alors sortir de l’enveloppe brune une pousse avec les premières feuilles. Si l’on ouvre ces fruits, on trouve à l’intérieur le germe. Une boule spongieuse et blanche qui peut, elle aussi, se manger. Aux Tuamotu, on en fait des galettes avec de la farine de blé. Et l’on mange cela avec … du lait de coco pour changer !

 

 

Voilà, pour le moment, les nombreuses utilisations du cocotier que nous avons pu observer. Dans les Tuamotu, nous avons pu rencontrer plusieurs couples qui vivent dans leur cocoteraie. Avec le poisson pêché dans le lagon et leurs cocotiers, ils subviennent à une grande partie de leurs besoins. Travaillant sur le copra le matin, pêchant l’après-midi. Ainsi va leur quotidien !

A bientôt!

 

 

 

Du 6 au 10 août 2020

 

Six mois sans affronter la mer ouverte, c’est long. Trop long pour nos petits corps plus du tout amarinés ! Il faut dire que les adieux à Taravai ont aussi été bien arrosés de petit ponch la veille au soir. Ça n’aide pas ! Dès la sortie du lagon, par vent arrière et houle de côté, on subit les mouvements de balancier du bateau. Après avoir réglé ses voiles, le Capitaine file à la sieste. On ne le verra pas beaucoup durant les deux premiers jours. La moitié de l’équipage se met à la diète. Seuls Noé, Karim et moi mangeons encore de bon appétit. Les journées s’étirent en longueur. Nous qui étions bien contents de reprendre la route, on regrette très vite notre décision. Enfin, au bout du troisième jour, alors que l’arrivée se profile déjà, nous sommes tous un peu mieux. Vraiment, ces courtes navigations de deux-trois jours sont les pires !

 

Nous arrivons aux Tuamotu, la plus grande zone d’atolls coralliens au monde. En tout, 78 îles disséminées sur 1000 miles. Vous connaissez sans doute le coin grâce aux essais nucléaires français pratiqués dans la région jusqu’en 1996. Glorieuse époque ! Les atolls de Mururoa et Fangataufa, au Sud-Est des Tuamotu sont interdits au public.

Pour les navigateurs, les Tuamotu sont une zone redoutée car leur faible altitude ne les rend visibles qu’à moins de 10 miles par temps clair. De nos jours, grâce au GPS, aux images satellites et aux programmes de navigation, naviguer dans ces eaux est bien moins risqué qu’il y a une trentaine d’années. Néanmoins, la vigilance est toujours de mise. Encore aujourd’hui, des voiliers se retrouvent régulièrement échoués sur un reef car l’équipage ronflait en toute insouciance, trop confiant en son électronique.

 

Autre difficulté du coin, les passes pour entrer dans les atolls. Une trentaine d’atolls sont accessibles aux voiliers. Les autres ne possèdent pas de passe praticable pour nos grosses embarcations. Dans les passes, le courant entrant ou sortant peut être très fort, jusqu’à 8 nœuds. Cela dépend du vent, de l’état de la mer, de la taille de l’atoll et de son orientation, du nombre de passes dans l’atoll, ainsi que de la marée. Il faut donc choisir judicieusement le moment de franchir la passe si l’on ne veut pas se faire malmener comme une simple coquille de noix et finir échoué. Le meilleur moment correspond bien souvent au changement de marée, il n’y a alors ni courant entrant, ni courant sortant de l’atoll lié à la marée. On élimine déjà un grand facteur de risque.

 

Nous avons choisi comme premier atoll, Amanu. D’abord, c’est l’un des atolls les plus proches des Gambier dans lequel on peut rentrer. Ensuite, Amanu possède plusieurs passes, ce qui fait que le courant dans la passe principale est moins fort que dans d’autres atolls. Pour une première, autant choisir quelque chose de pas trop compliqué !

Il est 9heures lorsqu’on approche de la passe. Le changement de marée est dans trois heures, pour l’instant, nous sommes à marée descendante. Le vent vient de l’est, nous l’aurons dans le nez lors de la passe. Ce n’est pas top top, mais on décide quand même d’aller voir un peu plus près à quoi ça ressemble. On remarque qu’il y a un courant sortant, mais cela ne semble pas trop fort, pas de tourbillon, d’écume, … On se lance ! En moins de quinze minutes, la passe est franchie. Nous avons eu un courant sortant de 3 nœuds, mais avec le moteur à 2000 tours, Dominique est parvenu à garder une vitesse de 2 nœuds et surtout son bateau bien manœuvrable. Je dois dire que, malgré sa réputation de passe facile, c’était déjà assez impressionnant car la passe est étroite et n’autorise aucune erreur. On pousse tous un grand « Ouf ! » une fois dans le lagon. Quelques miles à franchir jusqu’au mouillage avant de pouvoir profiter de notre premier atoll des Tuamotu.

A bientôt !

 

 

 

 

 

6 août 2020

Nous quittons les Gambier après presque six mois passés par ici. Nous venons de lever l’ancre après avoir échangé un dernier « Bon débarras ! » par VHF avec Valérie de Taravai. Une formule pour nous porter chance. Encore plus qu’ailleurs, les adieux sont difficiles. En deux semaines, nous avons fait le tour des îles pour dire au revoir à tous ceux qui nous ont accueillis et fait découvrir leur culture. Nous emportons de nombreux beaux souvenirs avec nous.

Dominique participant au concours du râpé de coco à Mangaréva, affrontant les plus beaux spécimens mâles du coin. Malgré les encouragements de tous les copains voiliers, il finit beau dernier, mais la tête haute quand même. Car de nous tous, plaisanciers, c’est le seul qui a osé se mesurer aux locaux. Le meilleur a mis 13 minutes pour décortiquer, ouvrir, râper et presser 6 noix de coco. Dominique a eu besoin de 26 minutes.

J’ai appris à préparer quelques recettes locales à Aukena. Le poe (une sorte de gâteau de papayes, bananes ou encore courge au lait de coco), le poisson cru- lait de coco, le poulet local. En échange, je leur ai transmis ma recette de tarte au citron meringuée. Avec tous les citrons qui poussent aux Gambier, il faut dire que j’ai eu l’occasion de l’améliorer à fond !

On a aussi appris à couper le bananier pour éviter que le régime ne s’écrase par terre, à repérer les meilleurs coins pour ramasser des sept doigts (sortes de grosses conches), à préparer du monoï (huile de coco parfumée) ou le cœur de cocotier en salade. On a goûté à des spécialités qui valent le fameux thé au beurre salé. Le fafaru, marinade pour le poisson cru à base de poisson que l’on laisse macérer un mois dans de l’eau de mer. Le jus de noni, un fruit qui, à maturité, a une odeur de vieux crottin de chèvre, excellent pour rester en forme, mais à avaler le nez bouché.

Pour Louis, les meilleurs souvenirs des Gambier sont les moments de jeu passés en compagnie d’Ariki à Taravai.

Yianis se souviendra longtemps de la cueillette des framboises sur les pentes du Mokoto à Mangareva.

Karim a préféré la ballade sur la crête d’Akamaru en compagnie de Ribouldingue, un couple de français. Il a surtout aimé les impressionner avec ses prouesses à l’escalade.

Noé s’est bien éclaté en faisant du paddle à voile dès que le vent était idéal, ni trop fort, ni trop faible.

Véronique se rappellera la première fois qu’elle a ramené le souper ; des sept doigts ramassés aux motus du Nord, puis cuits sur le feu de bois.

Enfin, Dominique gardera en mémoire l’arrivée aux Gambier après un mois en mer. Le bonheur de voir surgir à nouveau le relief et le challenge de négocier une première passe entre les coraux.

 

 

Mais après six mois, il était temps de reprendre notre voyage. Le coronavirus d’abord, puis la possibilité d’un travail dans l’enseignement nous ont retenus un peu plus longtemps que prévu. Cela nous a permis de découvrir les aspects moins dorés du coin. La jalousie et les querelles entre voisins ou le racisme de certains envers les blancs. Nous avons aussi pu découvrir les difficultés d’être aussi éloignés du reste du monde.

L’archipel ne dispose que d’un centre médical. Les infirmiers et le médecin sont très compétents pour les petites interventions comme les points de suture (Yianis a pu expérimenter grâce à Noé qui lui a donné un coup de bâton sur le front. Vive les mecs !) ou le soin des plaies qui s’infectent à une vitesse hallucinante (Dominique a reçu sa dose de cheval d’antibiotiques pour lutter contre une infection à streptocoques suite à une simple égratignure). Pour tous les soins plus compliqués, il faut une évacuation sanitaire sur Tahiti. Pour les soins dentaires, un dentiste passe une semaine par année pour un contrôle de routine. Autant dire que bon nombre souffrent de caries ou ont des dents qui manquent et déjà tout jeune.

Internet est lent, archi-lent, désespérément lent. Vous avez pu vous rendre compte de mes longs silences sur le site. Ici, on est encore au Edge et encore lorsque ça marche ! Il y a deux points wifi disponibles pour les voiliers, la plupart du temps envahis par tous ces plaisanciers en mal de communication avec le reste du monde. J’ai eu la joie de devoir faire ma déclaration d’impôts ici et télécharger le logiciel Vaud Tax m’a demandé deux jours.

Enfin, dans les quatre petits magasins du coin, on trouve de quoi se nourrir, quelques produits pour le corps et la maison et … des shlaps. Pour le reste, les locaux qui en ont les moyens ont l’habitude de se rendre une à deux fois par an à Tahiti et de faire le plein de tout ce qu’ils ont besoin. Les autres sollicitent la famille qui vit à Tahiti pour leur envoyer l’indispensable par le bateau qui ravitaille l’île. Néanmoins, cela reste difficile pour les mamans qui doivent habiller leur bébé qui grandit à toute vitesse ou pour trouver les fournitures scolaires exigées par l’école à chaque nouvelle rentrée.

On sent qu’ils sont tous habitués à cette vie-là et que rien ne leur manque. Mais l’étonnement des enfants devant un couteau suisse, une lampe de poche ou une plume nous montre combien ils sont isolés. Pour nous, l’expérience de cet éloignement est riche. Nous qui aspirons à une vie simple, on découvre combien on est encore attachés à une foule d’objets dont on peut se passer. En vrac, des cartouches d’encre, des feuilles blanches, un nouveau T-shirt pour remplacer celui qui a des trous, du papier sulfurisé, des bandes dessinées, … Belle leçon de vie !

 

 

Au loin, les monts Duff et Mokoto disparaissent à l’horizon. Notre hamac à fruits et légumes est rempli de tout ce qu’on nous a offert en prévision des quelques mois dans les atolls des Tuamotus. Suspendu à l’arrière, un gros régime de bananes se balance au gré des vagues. Et pour toujours dans nos mémoires, on gardera le sourire et l’accueil si souvent chaleureux des Mangaréviens. C’est dur de quitter les Gambier !

 

 

 

mars-avril 2020

Aux Gambier, le temps est souvent capricieux. Nous ne pouvons oublier que nous sommes bien au Sud. Les habitants parlent même de l’hiver en désignant les mois de juin-juillet-août. La température peut descendre jusqu’à 15°C. Nous avons, à tout moment, un temps changeant, couvert et pluvieux. Parfois, ce sont les vents qui tournent et beaucoup de mouillages deviennent inconfortables. Nous veillons à la météo et profitons des conditions stables pour découvrir le reste de l’archipel.

 

Taravai

Notre première découverte. Une heure et demie de navigation depuis Mangareva et une première passe à 3-4mètres à franchir. Notre GPS nous lâche alors qu’on n’a que 3m50 de fond et du corail tout autour de nous. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages et rend la visibilité mauvaise. Notre arrivée au mouillage est un poil stressante. Mais l’accueil chaleureux de Taravai nous fait vite oublier ce mauvais moment.

 

Sur l’ile, une dizaine de personnes habitent.

Il y a Hervé, Valérie et leur fils Ariki qui vivent là depuis une quinzaine d’années. Hervé cultive fruits et légumes, pêche et chasse la chèvre sauvage, Valérie fait l’école à son fils, Ariki qui a huit ans. Ils se rendent au village de temps à autre pour quelques produits qui leur manquent et, chaque dimanche de beau temps, organisent un barbecue pour tous les voiliers qui souhaitent se joindre à eux. L’occasion, pour eux comme pour nous, de rencontrer de nouvelles personnes, de jouer au volley-ball ou à la pétanque.

Il y a Jean, qui s’occupe de l’entretien de l’Eglise et du terrain alentours. Chaque île des Gambier a son Eglise. On en compte neuf en tout, ainsi qu’une superbe cathédrale à Mangareva. Ce chantier démesuré a été orchestré par les Catholiques dans les années 1800 et est à l’origine du dépeuplement de l’archipel. A cette époque, on comptait 6000 habitants aux Gambier. Ils ont fui l’archipel et l’état de quasi-esclavage dans lequel les maintenaient les pères.

Il y a Gabriel, qui nous dépanne bien en nous offrant un foc et une vieille grande voile sur enrouleur (un peu rongée par les rats par endroits) pour remplacer notre GV déchirée en transpacifique.

 

A Taravai, chacun vit pieds nus, il n’y a pas de routes, pas de voitures, juste quelques sentiers plus ou moins praticables qui relient les différentes habitations entre elles.

  

Aukena

En compagnie de deux autres voiliers, Ribouldingue et Mamarossa, nous nous rendons à Aukena. Là encore, l’arrivée à Aukena est assez difficile. En plus des patates de corail et des hauts fonds, il nous faut zigzaguer entre les bouées et les lignes tirées en travers du lagon pour la perliculture. Je passe toute la navigation juchée à l’avant du bateau pour aider Dominique à la barre.

C’est autour d’un coq au lait de coco que nous faisons la connaissance de Bernard et Marie-Noël. Tôt le matin, nos capitaines ont rejoint l’île et Bernard pour tuer les coqs et les préparer, puis râper les cocos pour en faire du lait. Ces dames sont restées à bord, entre école et pâtisserie. Bernars et Marie-Noël vivent de la culture de citrons en compagnie de leurs chiens, chats, poules et cheval. Pour nourrir tous ces animaux, rien de plus simple. Armé d’une grande hache, Bernard fend quelques cocos. C’est le signal de rassemblement pour tous les animaux qui se ruent pour manger la chair des noix de coco. Les poules aiment passer après le cheval, les chiens sont les plus efficaces pour décoller la chair. Sur l’île, on trouve aussi quelques cochons. Pour s’en occuper, il suffit de couper en deux les cocos que l’on trouve un peu partout sur l’île.

D’autres personnes vivent à Aukena dont le magna de la perle des Gambier, Robert Van. Nous ne ferons pas leur connaissance car ils n’aiment pas beaucoup la venue des plaisanciers et ces voiliers qui leur gâchent la vue.

 

Akamaru

Alors que nous passons à 100 mètres de la côté d’Akamaru en annexe, nous sommes interpelés par un homme depuis la terre. Le coronavirus a débarqué en Polynésie, nous sommes deux jours avant le début du confinement, mais déjà la psychose s’est installée. A grands gestes et grands cris, cet homme nous explique peu poliment que nous ne sommes pas les bienvenus à Akamaru. Tant pis, nous débarquons à l’autre bout de l’île, loin des habitations et parcourons toute la crête à pieds en restant bien éloigné de toutes rencontres. La vue sur le reste de l’archipel est époustouflante !

 

Les motus du Nord

Le temps est calme, idéal pour nous rendre dans ces petites îles de sable au Nord de l’archipel. La zone n’est pas cartographiée et c’est tout en douceur, que nous nous approchons du mouillage. Les patates de corail sont assez nombreuses et, une fois encore, je passe une bonne partie de la nav à guetter à l’avant du bateau. L’endroit est superbe ! L’eau est turquoise et transparente, on se croirait dans une piscine. Le snorkeling est magnifique : balistes, poissons anges, chirurgiens et quelques requins. Il y en a toujours par ici. On peut observer des requins à pointe noire, des requins à pointe blanche et des requins gris. Ils sont inoffensifs, mais parfois un peu trop curieux. Noé et Dominique les ont adoptés. Pour ma part, je préfère aller me baigner en compagnie de quelqu’un d’autre et, heureusement, il y a d’autres froussards comme moi dans la fratrie.

Nous passons quelques jours de rêve entre grillades sur la plage, chasse aux langoustes au clair de lune (on rentre assez souvent bredouilles, mais c’est si beau !) snorkeling et … couture.

Eh ! Oui ! Voilà deux mois que nous sommes aux Gambier avec nos voiles déchirées depuis la transpacifique. Nous savions qu’il allait falloir se mettre à bosser une fois ou l’autre. Mais comme tout plaisancier, nous sommes devenus paresseux et préférons profiter des beaux coins plutôt que de travailler ! Enfin, après avoir dégotter un transformateur pour avoir du 220V chez Jean-Charles, une machine à coudre chez Floris et Ivar, du tissu à voile chez Gabriel et du fil à coudre chez Ribouldingue, nous n’avions plus le choix. C’est parti pour deux jours de couture. Les enfants, ont droit à un peu de vacances car leur maîtresse troque sa baguette contre un dé à coudre. Dom, pour une fois, devient second. Nous renforçant la grande voile en ajoutant des patchs sur les endroits rongés par les rats. Quant au spi, qui avait explosé dans le Pacifique, nous recousons toute la bordure tribord et la déchirure qui s’étendait sur toute la largeur.

  

La fausse passe

Côté est, on trouve à nouveau quelques motus ainsi que l’aéroport. Le snorkeling est pas mal, la plage sympa et surtout, nous pouvons visiter une ferme perlière.

Nous arrivons dans la matinée. Trois femmes s’affairent en musique. L’accueil est d’abord un peu froid, mais se détend vite face à nos questions et à l’intérêt des enfants. Nous sommes au moment de la greffe. Nous pouvons observer la greffeuse insérer dans chaque huître un nucleus (une boule de 5-6mm de diamètre) ainsi qu’un greffon (une partie d’une autre huitre sélectionnée pour sa nacre de qualité). L’huitre est ensuite placée dans un filet et remise à l’eau durant une année environ. Durant ce temps, le greffon va enrober le nucleus de nacre couche par couche. Au moment de la récolte, on pourra constater la qualité du greffage au nombre de perles récoltées. Aux Gambier, on recherche des perles noires aux reflets métallisés.

  

Chasseurs-cueilleurs

A tout moment, Dominique s’en va, un grand sac sur l’épaule, à la collecte de fruits dans les jachères. Il emporte sa fronde dans la poche au cas où une poule égarée croiserait sa route. Il regagne le bord de Wave Dancer avec 30 kilos de fruits et nous voilà bon pour une dizaine de jours. Côté chasse sous-marine, c’est plus délicat. La ciguatera sévit à nouveau ! Selon l’endroit dans l’archipel, les poissons sont plus ou moins touchés par ce parasite. Il nous faut, à chaque prise demandé l’avis des pêcheurs du coin. Mais là, les avis divergent bien souvent et beaucoup avouent être atteints de la gratte. Nous nous rabattons sur quelques espèces pour lesquelles nous sommes sûrs ; nasons, ou perroquets au harpon, bonites à la traîne. Avec un peu de riz et de farine, nous sommes relativement autonomes. C’est agréable de pouvoir subvenir en partie à ses besoins. Cette vie simple nous plaît bien !

  

Comme vous tous, nous sommes désormais aussi touchés par le coronavirus dans ces petites îles bien éloignées. Le premier cas a été signalé le 11 mars à Tahiti. Aujourd’hui, c’est une cinquantaine de cas qui sont signalés sur l’ensemble de la Polynésie française. La plupart sur les îles de la Société entourant Tahiti, mais également sur certaines îles des Tuamotu. Les Marquises et les Gambier sont, pour le moment, épargnés.

Le confinement de toute la population a été mis en place le 22 mars. Puis, un couvre-feu a également été imposé de 20h à 5h. La vente d’alcool est désormais interdite afin de décourager les rassemblements du weekend. Les écoles sont fermées, seuls les magasins de première nécessité sont encore ouverts, les transports inter-îles ont été interrompus. Pour sortir, une attestation justifiant notre déplacement est nécessaire. Pour les voiliers, la situation est la même. Nous sommes confinés à bord de nos embarcations avec interdiction de se déplacer d’un archipel à l’autre. Tous les voiliers arrivés après le début du confinement sont redirigés vers Papeete à Tahiti pour faire leurs formalités d’entrée après une quarantaine de quinze jours.

Ici, aux Gambier, l’ambiance est encore assez détendue. Les visages sont toujours souriants, l’accueil vis-à-vis de nous, étrangers, est encore bienveillant. Seuls changements notoires, les gens ne s’attardent plus dans les rues et la plupart vont faire leurs courses avec un masque sur le visage. Nous avons encore l’autorisation de nous déplacer d’une île à l’autre au sein de l’archipel. Du coup, nous nous rendons au village tous les quinze jours pour nous ravitailler, puis repartons vers des îles non habitées où nous pouvons descendre à terre avec les enfants, nous baigner et profiter de la plage.

Nous sommes conscients d’être très privilégiés. Dans les autres archipels de la Polynésie, l’accueil fait aux plaisanciers est beaucoup moins chaleureux. Aux Marquises, les voiliers sont « parqués » dans deux mouillages avec autorisation de descendre à terre une fois par semaine pour faire ses courses et interdiction de se baigner autour de son bateau. Aux Tuamotus, ce sont des tirs de pierres qui chassent les voiliers qui s’y aventurent.

 

A l’heure où j’écris ces lignes, voilà plus de quinze jours que les derniers passagers en provenance de Tahiti sont arrivés. Aucun cas de coronavirus n’a été signalé aux Gambier. Le confinement a été allégé depuis ce lundi dans les îles non contaminées. Nous pouvons, à nouveau, circuler dans l’archipel librement, les enfants reprennent le chemin de l’école la semaine prochaine et la vente d’alcool est à nouveau autorisée. Par contre, à tout moment, il y a pénurie de certains produits ; farine, sucre, gaz, essence. A l’arrivée du bateau ravitailleur en provenance de Tahiti, c’est encore plus la ruée que d’habitude.

 

Nous pensons bien à vous tous !

février-mars 2020

 

Le jour est bien levé lorsque nous pénétrons dans la passe du Nord-Ouest qui nous permet d’accéder dans le lagon des Gambier. Nous passons à l’ombre du mont Duff et avançons tranquillement au moteur dans ce chenal bien délimité. Après ces jours au milieu de l’océan, nous sommes tous les yeux grands ouverts face à ces tons de vert et le nez en l’air pour humer les effluves fleuries de la terre. Dominique reste bien attentif aux balises et repères qui parsèment le chemin jusqu’à l’ile principale de Mangareva et qui nous permettent d’éviter les nombreux coraux. Nous jetons l’ancre en face du seul village de l’archipel, Rikitea. Autour de nous, une petite dizaine de voiliers profitent de la douceur de vivre qui règne par ici.

Nous prévoyions un atterrissage tout en douceur. Repos d’abord, un peu de rangement, puis enfin une virée à terre. Mais l’appel de ces pentes couvertes de végétation est plus fort que tout. Quelques heures après avoir mouillé, nous sommes déjà tous les six à parcourir les ruelles du village. La gymnastique pratiquée tout au long de la traversée a porté ses fruits. Nos petites jambes maigrelettes de marins fonctionnent encore avec ardeur !

 

Les Gambier, c’est un minuscule archipel situé à 1600 km de Tahiti. Autour d’un lagon sont regroupés quatre îles principales ; Mangareva, Taravai, Akamaru et Aukena ainsi qu’une petite dizaine d’îlots ou de motus. Environ 1'000 habitants vivent dans l’archipel, la quasi-totalité sur l’île de Mangareva. Beaucoup vivent de la culture de la perle noire. Des fermes perlières sont disséminées un peu partout sur le lagon. Cette activité semble subvenir largement aux besoins des habitants qui ne manquent de rien et vivent dans une ambiance très décontractée. Du coup, la culture maraîchère a été laissée de côté.  Quelques rares producteurs proposent leurs produits à prix d’or. Pour le reste, on compte sur les fruits qui poussent en abondance partout et tous attendent avec impatience la venue du Taporo VIII, bateau-ravitailleur en provenance de Tahiti qui passe une fois par mois environ. A chaque arrivée, c’est la ruée vers l’or pour tous les habitants qui se ruent sur les carottes, choux, pommes, oranges et oignons importés.

Ici, chacun se salue, se sourit et nous n’échappons pas à la règle. Tantôt en français, tantôt en tahitien : Yorana !, tantôt en mangarévien : Ena Koe ! ou d’un geste de la main pour les scooters ou voitures qui sont étonnamment nombreux. Les maisons sont toutes disséminées autour d’une rue principale, perdues au milieu d’une végétation riche de pamplemoussiers, citronniers, bananiers, arbres à pain, manguiers, papayers et toutes sortes de plantes ornementales couvertes de fleurs. Nous nous arrêtons dans les quelques échoppes du village à la recherche de fruits et légumes à acheter. Mais, à part quelques pommes-de-terre germées et rares oignons, il n’y a rien ! Le bateau qui ravitaille l’archipel depuis Tahiti est passé depuis plusieurs semaines et ne sera pas de retour avant dix jours. On comprend rapidement que, pour obtenir du frais, il nous faudra demander aux habitants qui donnent volontiers ce qu’ils ont en trop. Mais ce n’est pas si facile de demander aux autres. Un fond d’éducation vaudoise resurgit dont ne sait où ! Heureusement que les Mangaréviens sont vraiment accueillants. De notre première ballade sur l’île, nous revenons lourdement chargés de trois sacs pleins de fruits ; pamplemousses, papayes et bananes. Il ne me reste plus qu’à apprendre à cuisiner avec tout ça !

Après quelques jours à Mangareva, nous partons à la découverte du reste de l’archipel des Gambier.

Salutations à vous tous

 

 

Du 17 janvier au 17 février 2020

 

17 février, 6h00

C’est la fin de mon quart, le jour commence à se lever. Soudain, l’archipel des Gambier surgit en toile de fond. Après 31 jours de mer, 31 jours où notre horizon n’a été que ciel et océan, voilà, enfin, l’arrivée qui se dessine ! J’en pleure d’émotion et je me réjouis que mon petit équipage se réveille pour partager avec eux la joie de revoir la terre après ces longs jours de navigation.

Durant ce mois passé en mer, on a connu tous les états d’âme ; bonheur d’un coucher de soleil sur la mer, fierté face à nos quatre gosses si braves dans les rudes moments, désespoir de voir la durée jusqu’aux Gambier qui ne change pas, angoisse face au grain qui s’approche, stress de réduire la voilure par 30 nœuds de vent.

On a navigué à toutes les allures : du pré serré, du travers, du largue, du vent arrière. Les airs ont variés de 2 nœuds à 40 nœuds.

Bref, ce fut vraiment la plus intense et incroyable de toutes nos aventures ! Vous faire partager nos joies, coups de gueule ou frayeurs de cette longue traversée est un sacré défi d’écriture? Plutôt qu’un récit chronologique qui serait vite répétitif, j’ai décidé de vous faire part de quelques moments forts de cette navigation.

 

Océan Pacifique, tu portes ton nom avec quelques facéties !

Jour 30 (15 février),

Depuis cette nuit, nous essuyons grain sur grain. Nous sommes sans cesse le nez en l’air à scruter les nuages et les changements de direction du vent ou l’œil sur l’anémomètre. Nous ajustons, à tout moment, les réglages du pilote et des voiles. Il nous faut prendre des ris, puis remettre toute la toile, réduire à nouveau. Le vent oscille entre calme plat et monte soudainement jusqu’à 30 nœuds lors des grains.

Fatigués, nous décidons de rouler le génois et de mettre le moteur quelques heures. Cela rechargera aussi les batteries qui, faute de soleil, sont complétement à plat. Nous laissons la grande voile bordée avec un ris. Et c’est le grain de trop ! En moins d’une minute, nous passons de 5 à 38 nœuds. Dominique enroule ce qui reste de grande voile. Mais avec ce vent arrière, la pression sur la voile est trop forte et la corde de l’enrouleur lâche. C’en est trop pour notre vieille GV qui se déchire sur toute la bordure extérieure. Quelle tuile ! Les Gambier n’offrent aucune possibilité de réparations et Tahiti est encore bien loin.

 

Chat noir, chat blanc

Jour 4 (20 janvier) :

Au pré serré depuis 30 heures, j’ai l’impression d’être déjà au bout de toutes mes ressources.

Odeur de diesel dans les cabines arrière, fuite d’eau dans le carré et la couchette avant lorsqu’une vague déferle sur le pont, hublots fermés, chaleur, tangage, mal de mer, mal de tête. Le bateau est sale, salé, collant. Le frigo est un champ de bataille. Les fruits et légumes mûrissent et n’attendent pas des conditions meilleures pour être cuisiner. Aujourd’hui, ce sera mode survie ; repos et moral en baisse.

 

Jour 20 (5 février) :

Depuis une bonne heure, une bande de 30 dauphins nous accompagnent. Je suis assise à l’avant du bateau, une bière à la main, le soleil se couche sur l’océan et j’admire les cabrioles de ces beaux mammifères marins. Les enfants, lassés du spectacle, sont retournés jouer dans le carré. Dom, lit dans le cockpit et lève un œil de temps à autre pour admirer ces acrobates. La vie est douce !

 

Seuls au monde !?

Jour 16 (1 février) :

Alors que la nuit débute, une lumière surgit sur notre bâbord. Navire de pêche ou paquebot, sans doute ! Rien à l’AIS, la lueur est loin, pas d’inquiétude à avoir.

Quelques dizaines de minutes plus tard, c’est trois lueurs sur bâbord. Puis cinq et une sur l’avant. Et, enfin, sept sur tribord ! Mais qu’est-ce donc que tous ces navires au milieu du Pacifique ?

Il n’en faut pas plus pour enflammer l’imagination de nos quatre garçons. Ils se voient déjà cernés par une flotte de pirates et préparent leur plan de contre-attaque. Plus raisonnablement, nous pensons à des pêcheurs ou des navires de l’armée. Nous plaisantons en nous imaginant au milieu d’un exercice militaire.

Quelques heures plus tard, notre AIS rend enfin son verdict. Il s’agit de pêcheurs asiatiques. Nous passerons à 1  milles de l’un d’entre eux. Même au milieu du plus grand océan de la planète, à mille kilomètres de toute terre, ouvrons l’œil, matelots !

 

Le passage de l’Equateur

Jour 15 (31 janvier) :

Voilà deux jours que nous surveillons le GPS. Est-ce pour aujourd’hui ? Avec les vents irréguliers que nous avons ces derniers temps, pas facile d’anticiper ce grand moment. Enfin, le 31 janvier, en fin d’après-midi, Dom nous annonce : « Dans une demi-heure, on passe la ligne de l’Equateur ! »

Il est 17 heures, le soleil est bas sur l’horizon, le ciel bleu, la mer calme. Quel beau moment !

Notre Capitaine nous a préparé une jolie cérémonie.

Nous roulons le génois et tout l’équipage se réunit à l’avant du bateau. Nous avons d’abord droit à un court discours de Dominique demandant la bienveillance de l’Océan et sa permission pour l’accès à l’autre moitié du monde. Puis, Louis, le plus jeune, coupe symboliquement la ligne de l’Equateur, une ficelle tendue entre les filières.

A tour de rôle, du plus petit au plus grand, chacun offre à l’Océan une mèche de ses cheveux et un présent venu de terre : un caillou, une graine, un os, … Nous passons tous la ligne coupée par Louis. Puis, champagne pour tout l’équipage et Wave Dancer !

Nous voilà dans l’hémisphère Sud !

 

Les quarts ou comment s’occuper pendant 31 nuits ?

L’organisation des quarts est rodée depuis un an et demi. Les deux grands de 21h à minuit, Dom de minuit à 4 heures, puis j’assure la fin de la nuit jusqu’au réveil de tout l’équipage.

Mais, se coucher à minuit, nuit après nuit, a eu raison de l’énergie, pourtant débordante, de Karim. Il s’endormait en fin de quart et Noé devait soit le secouer tant et plus, soit se résigner à terminer seul. Finalement, nous avons décidé de mettre Karim de surveillance deux nuits sur trois seulement. Noé a vite pris goût à ces précieux moments de solitude. Tout comme nous.

Pour s’occuper la nuit, il faut dire que l’Océan nous a donné un sacré coup de main. Avec des petits airs irréguliers durant la première quinzaine où nous devions enchainer les virements de bord et les réglages des voiles pour gagner 1 nœud de vitesse. Puis, avec des grains durant la dernière semaine de navigation. Entre deux, on a eu quelques nuits assez calmes quand même je vous rassure !

Dans ces moments plus paisibles, on a bien exploité les merveilles de Tonton Stéphane. A savoir, un disque dur rempli de films. Noé en a aussi profité. Pour une fois qu’il ne doit pas regarder, pour la troisième fois, le Monde de Dory. Il s’est fait la trilogie Seigneurs des anneaux. Enfin, des films de grands !

Et puis, nous avons aussi opté pour l’option sieste avec réveil toutes les demi-heures.

 

Nos oiseaux compagnons

Jour 8 (24 janvier) :

Nous sommes rejoints par une bande de fous aux pieds rouges. Postés à l’avant du bateau, ils se nettoient allègrement en nous blanchissant de guano tout l’avant. A tout moment, ils s’envolent pour chasser les poissons volants et en profitent pour viser le pont et les voiles. A chaque virement, nous les entendons se plaindre bruyamment de se voir déloger de leur perchoir. L’installation du spi, le 7 février, chassera définitivement notre dernier compagnon. Nous sommes assez impressionnés par le bout de chemin qu’il a parcouru avec nous.

Outre ces fous, nous apercevons tous les jours des pétrels, sortes d’hirondelles de mer. Il y a plus de vie que dans l’Atlantique.

Par contre, niveau pêche, c’est chou blanc. Ce n’est pas faute d’essayer. Trois à quatre lignes sont en permanence à l’arrière de Wave Dancer. En 31 jours, nous sommes parvenus à remonter deux jolis thons. Une misère ! Nous avons cassé plus d’une dizaine de lignes, arrachées d’un coup de dents par on ne sait quel monstre sous-marin ou habile poisson !

 

Pensée philosophique ou rumination de marin

Pas de rendez-vous de dentiste, de commissions, pas de boulot et ses horaires contraignants, pas d’embouteillages, pas d’activités extra-scolaires, pas de téléjournal.

En un mois en mer, coupé de tout, on oublie un peu ce qu’est la vie en société ; négocier, rester sur ses grades, faire sa place parmi les autres. Nous ne sommes pas assaillis de sentiments négatifs, des problèmes des uns et des autres ou de nouvelles alarmantes du monde entier. Est-ce vraiment nécessaire d’ailleurs?

En mer, on a le temps. Le temps de se demander ce qui est essentiel. J’ai retenu la contemplation, l’écoute de soi et la bienveillance. Beaux défis !

 

La traversée en chiffres

Distance parcourue : 4229 milles

Durée de la traversée : 31 jours 2 heures et 45 minutes

Record du nombre milles en 24 heures : 186 milles

Record vent réel : 38 nœuds

Consommation d’eau douce : 480 litres

Nombre d’heures moteur : 38 heures

 

Nous sommes maintenant arrivés aux Gambier. Nous pouvons enfin dormir tout notre soûl et nous dégourdir les pattes !

Une bise à vous tous !

 

 

 

Septembre 2019 – Janvier 2020

 

Côte Atlantique

De tous les pays que nous avons visités, le Panama a la plus mauvaise réputation. Vols d’annexe, attaques à main armée ainsi que quelques sombres histoires de plaisanciers tués, ça promet ! C’est surtout sur la côte Atlantique que l’insécurité règne. Fini les mouillages en solitaire dans n’importe quelle crique abritée. Quel dommage ! La côte est superbe, couverte de végétation tropicale jusqu’en bord de mer, parsemée d’îlots et de baies avec le chant des singes hurleurs en toile de fond.

On opte, du coup, pour la marina ou quelques rares mouillages à peu près sûrs. Et puis, surtout, on s’attarde le moins possible ! Entre les San Blas et Colón, nous avons passé quelques jours à Portobello. Visite !

Portobello, le « beau port », nommé par Christophe Colomb lui-même, était un port d’importance à l’époque des Conquistadores. L’or du Pérou était acheminé là, puis chargé sur les galions espagnols. Aujourd’hui, la ville a bien changé. De sa splendeur d’antan, Portobello a gardé quelques ruines de fortins et de murailles. La ville est encore réputée pour son église au Christ noir qui attire de nombreux pèlerins, panaméens pour la plupart, à chaque messe. Pour le reste, le tableau est plus nuancé. La ville est bien crasseuse et délabrée. Nids de poule immenses, déchets, alcoolisme. Un arrêt peu engageant, mais qui a un côté bien pratique. C’est le seul endroit de cette côte Atlantique où l’on peut se ravitailler à peu près comme il faut sans faire deux heures de bus.

 

 

 

Côte Pacifique

Du 26 novembre 2020 au 2 janvier 2020 

Une fois le canal franchi et nos quatre handliners débarqués, nous avons quelques jours à six. Enfin, à peu près. Nous retrouvons une famille voyageuse rencontrée au Cap Vert, Tadalu.  En plein préparatif pour la traversée du Pacifique, nous soulageons un  peu Céline et Jérôme, les parents, en accueillant leurs deux mousses. Soirée pyjama et places de jeu. Moi, qui voulais un peu de tranquillité après plus d’un mois de visite non-stop, ce sera pour plus tard. Les enfants sont aux anges de retrouver des copains.

Nous ne chômons pas pour autant. Pierre-Alain, notre beau-père et ma maman nous rejoignent d’ici cinq jours. C’est parti pour quelques missions sympas. En voyage, tout devient compliqué. Je me souviens encore de ma petite vie bien réglée en Suisse. En une matinée, j’enchainais lessive, courses et dîner. Ici, tout prend un temps phénoménal.

Première mission pour Dom : plein de gaz. Départ en bus pour une traversée de la ville avec notre bouteille planquée dans un sac de montagne. Il paraitrait qu’à tel endroit, on peut faire recharger sa bouteille. Mais rien n’est sûr ! Au final, après 5 heures de temps, quatre bus différents et 40 km parcourus hors de Panama City, Dom revient victorieux ! Hourra !

Deuxième mission, toujours pour Dom (ça s’appelle déléguer !) : changement des batteries. Pour ceux qui suivent nos aventures avec attention, vous vous souviendrez peut-être que nous avions changé nos batteries en Colombie il y a à peine six mois. On ne sait pas trop ce qui s’est passé : est-ce la qualité des batteries ? Le guindeau qui abaisse trop la tension ? … Quoiqu’il en soit, les batteries ne nous permettaient plus de garder le frigo allumé la nuit, perdant la charge accumulée la journée très rapidement. Dominique tente d’atteindre le revendeur au Panama sans succès. Dans l’urgence, nous décidons d’en racheter des nouvelles. Du coup, on en profite pour augmenter notre capacité de 300 Ampères à 500 Ampères. Cela nous évitera peut-être de devoir actionner le moteur une heure par jour en traversée quand il y a le pilote et le frigo à faire tourner non-stop.

De mon côté, ravitaillement et lessive. Ça en jette un peu moins que les tâches de Dom, mais c’est tout autant compliqué et lourd ! Quatre heures pour faire deux machines. J’adore cet endroit !

 

 

Après un bon rangement du bateau, on est fin prêts pour accueillir Pierre-Alain et Arlette. Les retrouvailles avec nos proches sont toujours un moment rempli de joie. Voilà une année et demi que nous n’avons pas vu Pierre-Alain. Un peu moins d’un an pour ma maman. Je crois que les enfants ont plus changé qu’eux en tout ce temps. Surtout pour ce qui est de leur coupe de cheveux !

Pour mettre directement dans l’ambiance nos deux retraités, je les emmène dès le lendemain pour le marché des fruits et légumes. Après 1 heure et demi et quelques aléas en bus, nous arrivons à Merca Panama. D’immenses halles remplies de tout ce qui pousse par ici. Tous les producteurs du pays viennent y écouler leur marchandise. Les prix et la qualité sont vraiment intéressants. 50 centimes de dollar l’ananas, 20 citrons ou 8 pamplemousses pour 1 dollar. On repart avec trente kilos de verdures. De quoi être autonomes pour deux petites semaines.

 

Aussitôt à bord, nous levons l’ancre pour Taboga, une petite île située à 7 milles de Panama City. Taboga avec son village aux maisons colorées, sa jolie plage et ses quelques sentiers pour se balader est bien mignonne.

 

Pour la suite du programme, direction Las Perlas. Un archipel situé à 40 milles de là. Une bonne navigation de 7-8 heures. La baie de Panama City est très fermée et les airs peinent à s’installer durablement. Les navigations se passent donc assez souvent au moteur. Pour compenser le bruit continu de notre 62 chevaux, quelques dauphins viennent égayer notre trajet.

Les îles de Las Perlas sont très sauvages, peu habitées et peu accessibles également.  Comme le reste du Panama, elles sont bien verdoyantes. Cette végétation abondante attire de nombreux oiseaux ; pélicans et frégates pour la majorité. Les eaux sont poissonneuses et nous pêchons pas mal de thons et de tazards. Nous observons aussi de nombreuses raies ; mantas, léopards et pastenagues.

Ici, la marée a une belle amplitude. 5 mètres de différence entre marée basse et marée haute. Il nous faut désormais calculer avec lors de nos mouillages. Les débarquements à terre sont aussi plus compliqués. Parfois, à marée basse, certaines îles sont inabordables. Plus souvent, il nous faut remonter notre annexe de quelques dizaines de mètres sur la plage et c’est drôlement lourd ! En contrepartie, à chaque marée basse, tout un joli paysage de roches pleines de vie est découvert. Avec Pierre-Alain et Arlette, nous passons pas mal de temps à arpenter ces beaux endroits et retrouvons le plaisir de la chasse aux coquillages !

Nous passons une grande semaine aux Perlas, de mouillage en mouillage. Outre les îles inhabitées aux belles plages désertiques, nous visitons deux îles plus fréquentées et très différentes l’une de l’autre.

D’abord Pedro Gonzalez et son village de pêcheurs. Ici, fini le tourisme de masse, nous sommes en plein dans l’authentique. Aucun touriste, aucun voilier. Nous débarquons un dimanche en pleine fête des mères. Pour fêter l’évènement (sans doute !), un combat de coqs a été organisé. Deux coqs à moitié déplumés luttent au milieu d’une foule hurlante et enivrée. Dans le public, on aperçoit une ou deux femmes. Le reaggeton retentit à plein volume dans chaque quartier du village. Quelle ambiance !

 

Dans un tout autre registre, Cantadora, l’île aux multimillionnaires. Les résidences secondaires luxueuses sont alignées les unes à côté des autres. Pour une fois, l’île est parcourue de chemins et nous partons à pied la découvrir. A tout moment, nous sommes dépassés par des voitures. Malgré sa petite taille, les résidents ne parcourent pas un seul mètre à pied. Nous les verrons s’aventurer jusqu’à la plage pour poser leur linge à côté de leur véhicule. Mais Cantadora, c’est aussi les plus belles plages des Perlas et nous en profitons bien.

De retour à Panama City, nous en profitons pour visiter la capitale. La ville offre un visage bien différent de ses consoeurs de la côte Atlantique. Avec sa vieille ville aux jolies ruelles pavées de briques rouges, sa promenade en bord de mer parsemée de places de jeu, son quartier des banques aux hautes tours ou ses immenses centres commerciaux, il n’y a pas de doute. Panama City accumule à elle seule toutes les richesses de ce paradis fiscal.

 

Durant ces deux semaines avec nous, nos chers grands-parents n’auront pas été épargnés. Entre les mouillages rouleurs, les arrivées en annexe au milieu des rouleaux, la restriction d’eau douce, les jenjens et la chaleur. Ils se sont montrés bien braves ! Pour compenser, ils auront eu droit au poisson archi-frais à toutes les sauces, aux belles plages désertes et aux sourires de nos quatre lutins.

 

 

 

Après quelques jours au mouillage près de Panama City, c’est la famille espagnole de Dominique qui nous rejoint pour le fêtes de fin d’année ; son papa Carlos, sa belle-mère Pili et sa sœur Sandra. Nous sommes tous heureux de les retrouver après plus d’une année sans les voir. Carlos nous a bien avertis qu’il souffre du mal de mer. Nous décidons de nous rendre déjà à Taboga pour voir comment cela va se passer. Malheureusement, le mouillage bouge un peu et sitôt la nuit venue, Carlos se sent mal et passe la nuit du 24 au lit. Un triste Noël pour lui ! Nous passons la journée du 25 à terre entre balade et plage, mais le retour sur le bateau est à nouveau difficile pour Carlos. Que faire ? Sandra a envie de découvrir Les Perlas, Carlos et Pili de passer du temps avec nous. Nous optons pour un compromis : direction Cantadora et ses jolies plages. Nous passerons toute la journée hors du bateau, mangerons le soir sur la plage et retournerons à bord que pour dormir.

Après deux jours de ce programme, Carlos prend gentiment ses marques sur le bateau et nous pouvons à nouveau souper à bord. Nous profitons à fond des plages et de la baignade et essayons même un peu de snorkeling, mais l’eau est assez trouble de ce côté-ci. Cantadora, en cette période de fête, offre un tout autre visage que lors de notre première visite. Au mouillage, Wave Dancer est perdu au milieu des yachts de luxe.

Nous terminons leur séjour près de Panama City avec la visite des écluses de Miraflores.

 

Durant ces dix jours, nous avons été épatés par nos trois proches. La vie à bord d’un bateau n’est pas facile. Outre la promiscuité, il y a aussi le manque d’indépendance, les toilettes manuelles, la chaleur, …  Carlos a été bien courageux de s’aventurer à venir nous trouver jusque-là avec son mal de mer. Pili et Sandra se sont super bien adaptées à la restriction d’eau douce, se douchant à l’eau de mer tels de vrais marins. On vous dit bravo !

 

 

Après toutes ces visites, plus de deux mois presque non-stop, nous allons pouvoir nous concentrer sur la préparation du bateau pour la transpacifique. Allez, au boulot ! Haubans à changer, un bon nettoyage et surtout ravitaillement !

 

A bientôt

Traverser le canal de Panama, c’est toute une procédure. Beaucoup de voiliers prennent d’ailleurs un agent pour effectuer toutes les démarches administratives nécessaires avant le transit. Comme nous maîtrisons bien l’espagnol, on a décidé de faire tout ça nous même et c’était pas si compliqué (pour une fois !)

Le canal a décidé de doubler ses tarifs pour les voiliers de notre taille dès janvier 2020. Du coup, nous  choisissons de passer du côté Pacifique avant la fin de l’année. Comme nous serons probablement beaucoup de plaisanciers à avoir la même idée, on s’est dit que c’était bien de réserver sa date de passage assez à l’avance. Mais avant de pouvoir décider d’une date, les autorités du canal doivent mesurer notre bateau et nous devons régler les 1800$ pour le transit. Tout ça se passe à Colon, la ville située à l’entrée atlantique du canal.

 

Nous sommes fin septembre, Wave Dancer se glisse au milieu des porte-containers ancrés un peu partout en attente de leur passage. Nous plantons l’ancre loin de la ville de Colon, à la réputation plutôt mal famée. A nos côtés, seul un autre voilier a fait le choix du mouillage plutôt que de la marina.

Nous avons rendez-vous pour les mesures du bateau. L’employé du canal arrive avec deux bonnes heures de retard, s’assied dans le cockpit et déplie un double mètre qu’il tend d’une main lâche vers notre arrière. Voilà pour les mesures, nous faisons moins de 50 pieds ! L’employé en profite pour nous rappeler quelques exigences en vue de notre passage. En vrac, on retient la corne de brume à air comprimé, 4 amarres de 40m chacune, cinq adultes à bord (le capitaine et 4 handliners) et enfin nourrir et fournir de l’eau au pilote qui nous accompagnera durant notre transit (mais attention pas de sandwich et des bouteilles fermées hermétiquement !)

Deuxième étape, le paiement à la City Bank, la banque du canal. En cash uniquement ! On nous l’a répété en long et en large : « Ne vous promenez pas à pieds à Colon et méfiez-vous des taxis !» Voilà qui s’annonce sympa. Il va falloir trouver une banque pour retirer presque 2000$, puis rejoindre la City Bank pour effectuer le versement. Tout cela dans une des villes les plus dangereuses du monde. Nous laissons, à l’unanimité, Dominique se charger de cette périlleuse mission. Pour se rendre en ville, il profite de la navette mise en place par la marina. Les choses se révèlent assez bien organisées et la navette le dépose directement dans le quartier des banques. Il n’a ensuite qu’un court trajet à parcourir à pieds entre le lieu de retrait et de paiement. Tout se passe bien, mais la ville lui a vraiment fait mauvaise impression. Bâtiments délabrés, quartiers déserts, des gens qui zonent à chaque coin de rue, une impression d’abandon et d’insécurité. Et pourtant, il en a vu entre l’Iran, l’Inde, le Népal, la Bolivie, …

Nous pouvons maintenant réserver notre passage. Ce sera pour le 25 novembre.

 

25 novembre 2019

Nous voilà à nouveau ancrés à Colon. A notre bord, nous avons quatre longues amarres de 40 mètres chacune qui nous seront nécessaires pour le transit et quatre personnes supplémentaires : ma cousine Marie et son copain, Guillaume ainsi que Catherine et Manuel Perez qui sont venus à bord il y a peu pour deux semaines de charter aux San Blas.

On nous a demandé d’être prêts à 13h. Nous passons la matinée à préparer le bateau : bloquer l’éolienne, fixer le tangon à la bôme, dégager les taquets avant et arrière, installer les pare-battages et les amarres. Côté cuisine, je prépare le repas du soir pour 11 personnes. A 13heures, nous sommes parés, l’attente commence car ce n’est qu’à 17heures que notre pilote, David, débarque enfin ! Départ immédiat !

Au programme pour ce premier jour, les trois écluses de Gatun qui nous élèveront de 26 mètres. A l’approche de la première écluse, nous nous mettons à couple de deux autres voiliers. Etant les plus grands, nous serons au milieu. Se mettre à couple d’un autre voilier n’est pas une manœuvre que nous avons déjà pratiquée. L’exercer, qui plus est de nuit, complique un poil l’histoire. C’est d’abord un Oday de 41 pieds battant pavillon américain qui nous approche sur tribord. Manuel à l’arrière et moi à l’avant, nous rattrapons leur amarre de pointe et les fixons à nos taquets. Deux amarres de garde sont ensuite ajoutées pour plus de stabilité. Puis, à bâbord, nous répétons la manœuvre avec un Dufour 420 français. Pour nous, handliners, notre travail s’arrête là. Ce sont les deux voiliers de chaque côté qui géreront les amarres dans les écluses. Dom, par contre, est promu Commodore et dirige ce petit convoi tout au long des trois écluses. Il est secondé par notre pilote David qui lui donne les indications à suivre.

A la première écluse, nous sommes tous sur le pont, les yeux allant de gauche à droite pour tout observer. Nous voyons les portes de l’écluse qui se ferment sur l’Atlantique avec une certaine émotion. C’est la fin d’une aventure, le début d’une nouvelle histoire. Nous admirons l’adresse des lanceurs des pommes de touline, les manœuvres des handliners sur les bateaux d’à côté, les remous créés par l’eau qui monte, les portes qui s’ouvrent devant nous.

A la deuxième écluse, on profite de manger un morceau autour d’une bière. Sur les bateaux à nos côtés, c’est toujours bien le stress pour ravaler les amarres au fur et à mesure de la montée des eaux.

A la troisième écluse, j’entends les enfants me dirent : « C’est ennuyant, ces écluses ! ».

En deux heures, nous avons traversé les trois écluses. Nous nous séparons de nos compagnons de route et poursuivons une vingtaine de minutes dans le lac Gatun. Nous allons passer la nuit accrochés sur une immense bouée tout en métal de 2 mètres de large. Le Odey américain s’y amarre sur tribord, nous sur bâbord. La bouée est donc entre nous deux et nous y sommes accrochés par le côté. Le Dufour nous rejoint ensuite et se met à couple à nos côtés. Il est 21 heures, nous partageons une bière. Première journée sur le canal de Panama : check !

Deux heures plus tard, alors que l’extinction des feux a sonné à bord, nous sommes réveillés par des spots, des cris et des bruits de moteur. Pas de panique, c’est juste deux autres voiliers qui viennent se mettre à couple pour passer la nuit sur la même bouée que nous. Nous serons 5 voiliers sur une bouée ! J’espère que ça tient bien !

 

26 novembre 2019 :

Notre nouveau pilote, Miguel débarque à 6h45. On nous avait annoncé un départ entre 7 et 8h00. Ponctuel, cette fois-ci ! Nous sommes juste réveillés. Départ !

Nous naviguons durant 5 heures sur le lac Gatun avec une moyenne de 5,5 nœuds. Nous croisons des immenses porte-containers ou paquebots de croisière, ainsi que quelques crocodiles au loin.

Autre configuration pour aujourd’hui, nous serons à couple d’un catamaran Lagoon de 62 pieds flambant neuf. De l’autre côté, un deux mats avec un gréement de jonque. A nouveau, quelques manœuvres de mise à couple à l’approche des écluses et pour la suite, nous sommes vraiment relax. Le catamaran nous dépasse largement à l’avant et à l’arrière et gère tout l’amarrage dans les écluses. Au programme, les trois écluses de Miraflores qui nous font redescendre au niveau de la mer. Nous sortons du canal vers 16heures. Notre pilote nous quitte, puis nous nous dirigeons vers le lieu de mouillage avec en toile de fond, les buildings de Panama City.

Nous sommes fatigués, mais heureux d’avoir vécu cette nouvelle aventure. Nous avons eu de la chance d’être accompagnés et secondés par une chouette équipe. Merci Manuel pour ta précieuse aide lors des multiples manœuvres. Merci Catherine, Guillaume et Marie pour les photos et vidéos qui nous feront nous souvenir de cette étape émouvante. Nous fêtons dignement notre passage du canal autour d’une fondue amenée et préparée par Marie, ça fait bien plaisir !

Du 6 septembre au 23 novembre 2019

 

Après quelques semaines de silence, voilà enfin des nouvelles de vos voyageurs préférés. Il faut dire que notre rythme de voyage a bien ralenti ces derniers temps. Saison cyclonique oblige nous voilà confinés dans une petite zone avec des conditions de navigation peu idéales. Heureusement, nous avons trouvé un superbe endroit pour tuer le temps, les San Blas ou Guna Yala en langue indigène.

Vous ne connaissez pas ce petit archipel niché sur la côte est du Panama ? Eh bien ! Nous non plus, nous n’en avions jamais entendu parler avant de débarquer dans le monde de la plaisance antillaise. Petit tour d’horizon !

 

Les San Blas sont un archipel de quelques 400 îles qui s’étale sur une cinquantaine de milles depuis la frontière colombienne. Ces îles sont le territoire des indiens kunas. Très attachés à leur mode de vie traditionnelle, cette population a lutté contre le Panama pour défendre leurs droits au début du XXème siècle. Depuis lors, ils ont acquis une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement panaméen.

La vie s’organise en petites communautés dirigées par un chef, appelé sahila. Chaque année, les différents sahilas se réunissent pour discuter des lois régissant l’ensemble du territoire kuna. Ils siègent également au gouvernement du Panama pour défendre leurs valeurs. Au sein d’une communauté, les décisions sont prises lors des conseils réunissant les hommes de la communauté ou plus rarement les femmes. A l’approche des îles, nous entendons fréquemment l’appel pour le conseil résonné à coup de conches.

 

Les kunas vivent principalement du commerce de la noix de coco. Peu à peu, le tourisme devient aussi une source de revenus intéressante : vente de langoustes, artisanat, accueil et transport des touristes. Malgré tout, de notre point de vue, leur mode de vie est encore très préservé.

La plupart vivent dans des huttes faites de parois en bambou et de toit de palmes. Ils se déplacent à la rame ou avec des voiles de fortune dans des barques creusées dans des troncs d’arbres. Les femmes portent la tenue traditionnelle : sur la poitrine un tissu aux motifs géométriques appelés molas, autour des bras et des jambes, des rangées de bracelets de perles (j’ai même eu le droit à un petit essai, vous verrez les photos). Les hommes ont quant à eux adopté le short et le T-shirt.

On rencontre également quelques îles-villages où la modernité a en partie remplacé la tradition. Les tenues traditionnelles sont moins courantes, les génératrices apportent lumière et électricité, le béton consolide certaines constructions.

La modernité, c’est aussi l’arrivée des déchets. Plastique, canettes, sandales envahissent bien souvent les bords de plage de ce paradis. Les kunas refusent l’aide du Panama pour la gestion des déchets et jettent tout à la mer comme ils l’ont toujours fait. Préserver son mode de vie et son indépendance est louable, mais atteint ses limites lorsqu’on accepte de la modernité emballages et plastique.

 

Les kunas sont un peuple ouvert et chaleureux. Pour nous, touristes, leur accueil est un étonnement dans cette Amérique latine souvent bien froide et fermée. Tous nous saluent vivement en nous croisant dans leur barque. Ils viennent souvent à nous pour discuter avec curiosité lorsque nous débarquons sur les îles. On apprend que l’accueil chaleureux est l’un des principes édictés par les sahilas.

Ce n’est pas seulement pour la beauté de leurs îles au sable clair et couvertes de cocotiers, aux eaux poissonneuses et turquoises que nous aimons les San Blas, mais aussi pour le charme de ses habitants si différents et prêts à nous expliquer leurs us et coutumes.

 

Nous passons deux mois et demi dans cette belle région, multipliant les allers-retours entre le continent et l’archipel. Les visites de nos amis et famille s’enchainent. Nous profitons aussi pour faire un peu de charter.

 

A peine après avoir déposé nos quatres jeunes baroudeurs qui nous ont accompagné depuis Carthagène, que nous accueillons Stéphane Grangier, un proche ami de Dominique. C’est parti pour quinze jours d’îles en îles. Amateur de photos sous-marines et de pêche, il repart l’appareil photo plein de bons souvenirs. Avec Dom, ils partagent de beaux moments  à la pêche le soir autour d’un verre de rhum. Nous aurons poissons frais à volonté durant tout son séjour.

 

 

Le mois d’octobre se déroule entre nous. Petit séjour à Colòn pour effectuer les démarches en vue de notre passage du canal de Panama, carénage de Wave Dancer, puis retour sur les îles pour poursuivre notre exploration.

Chaque île a son charme et ses particularités :

Nous rencontrons des requins dormeurs à Cayos Hollandès.

Nous adorons Coco Bandero pour ses langoustes que Dom et Noé nous débusquent et ses beaux fonds marins.

Nargana est bien pratique pour se ravitailler. C’est aussi la découverte du Rio Diablo avec observation de toucans, singes et même un crocodile !

Chichimé pour sa balade au milieu des huttes traditionnelles et son entrée redoutable au milieu des riffs.

Notre temps s’écoule entre baignade, snorkeling, paddle, pêche et découverte des îles. Il y a pire comme programme !

 

Novembre est l’arrivée de Catherine et Manuel pour deux semaines de charter. Navigateurs aguerris du Léman, ils ont l’habitude de la vie à bord d’un voilier et se révèlent des hôtes parfaits. Malheureusement la météo n’est pas vraiment avec nous. Beaucoup de pluie et de grisaille qui nous confine parfois dans le bateau. Cela ne nous empêche pas d’explorer nos coins favoris et de faire quelques belles découvertes. D’abord la fête du drapeau à Nargana avec défilé des enfants dans leur tenue traditionnelle. Puis, une journée dans la jungle accompagnés d’une guide kuna. Une petite marche de 2 heures nous amène à une jolie cascade où nous nous baignons. En chemin, nous découvrons quelques plantes médicinales. Le retour est bien sportif, mais amusant. Nous descendons par la rivière, une initiation au canyoning avec sauts et descentes de chutes.

Catherine et Manuel repartent contents de leur séjour. Nous les retrouverons d’ailleurs d’ici deux semaines pour nous aider lors du passage du canal de Panama.

De mon point de vue, je ne suis pas très satisfaite de l’aide de ma petite équipe durant ces deux semaines de « boulot ». Les enfants se sont montrés difficiles, se chamaillant tant et plus et ronchonnant comme rarement pour faire leur école. Mon Capitaine, à l’aise derrière sa barre, a plus de peine à se montrer attentif aux besoins de nos hôtes. De mon côté, je termine ces deux semaines crevée d’avoir dû à peu près tout gérer, de mauvaise humeur et sans aucune patience à l’égard des autres. Pour un peu, je les aurais tous jeté par-dessus bord. Sitôt Catherine et Manuel débarqués, ils ont  le droit, tous les cinq, à un gros coup de gueule de ma part. Voilà qui soulage, je crois que le message est passé. En tout cas pour quelques jours !

 

Nous terminons notre séjour dans les San Blas avec la venue de ma cousine Marie et son copain qui nous rejoignent pour deux petites semaines. Nous passons cinq jours d’île en île avec eux avant de rejoindre Colòn.

 

Prochain rendez-vous : notre passage du canal de Panama du 25 au 26 novembre !

A bientôt !

Du 4 au 10 septembre 2019

 

Pour rejoindre le Panama depuis la Colombie, il n’y a pas beaucoup de solutions. L’avion ou le bateau. Il n’y a pas de route entre ces deux pays. Du coup, à Carthagène, de nombreux backpackers recherchent un voilier pour poursuivre leur périple en Amérique centrale. Un joli commerce s’est créé. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas en profiter nous aussi pour remplir la caisse de bord.

Pour cette courte traversée, nous embarquons à bord de Wave Dancer quatre nouveaux membres d’équipage. Deux argentins, Andy et Bruno, qui remontent jusqu’au Mexique en vélo et deux belges, Simon et Tatiana, qui voyagent 6 mois entre  en Amérique latine. Nous leur avons concocté un chouette programme sur cinq-six jours.

Du côté de nos quatre marmots, l‘accueil de nouveaux passagers est toujours un évènement. Ce n’est pas si facile de partager son espace de vie déjà bien serré. La couchette salle de jeu doit être vidée, le carré doit être maintenu en bon ordre, chacun doit faire un effort pour s’entendre afin que ces quelques jours ne soient pas un enfer. Tous les quatre espèrent qu’ils parleront français ou aimeront partager des jeux avec eux.

 

Nous quittons Carthagène le 4 septembre dans la matinée. Pour ce premier jour, une petite navigation nous amène à 4 heures de là dans le joli mouillage de Cholòn que nous connaissons déjà. Une baie bien protégée au milieu de la mangrove. La nuit venue, tout le monde se met à l’eau avec son masque de plongée pour observer le plancton luminescent qui s’accumule ici. Karim y tenait beaucoup car il n’a pas encore pu découvrir ce magnifique spectacle faute d’une otite. A chaque mouvement, c’est une myriade d’étoiles qui s’illuminent tout autour de nous. Superbe !

Deuxième jour, départ à l’aube pour parcourir les 200 milles qui nous séparent des San Blas, iles appartenant au Panama. Comme toujours, les vents sont capricieux et nous alternons voile et moteur pour maintenir une vitesse de 4-5 nœuds. A bord, Andy et Bruno, pour qui la voile est une première, souffrent du mal de mer. Eux qui étaient toujours plein d’entrain font peine à voir. L’estomac dans les talons, ils passent la plupart de la journée à dormir. Leur bonne humeur et leur appétit reviendront dès l’arrivée. Simon et Tatiana, quant à eux, ont déjà pas mal navigué et sont curieux de découvrir notre organisation à bord. Ils ont aussi dans l’idée de se lancer un jour en voilier. Ils participent volontiers pour les quarts et les manœuvres, partagent des jeux avec les enfants. Une chouette équipe !

Nous avons la chance de pêcher trois jolis thons ; 1 kg, 2kg, puis …10 kg. Record de pêche à bord ! Tartare, filets, salade, voilà de quoi nous remplir pour trois bons jours.

 

Après deux jours de navigation, nous arrivons aux San Blas. Un archipel de 400 îles appartenant au Panama. Imaginez une île de sable blanc couverte de cocotiers et entourée d’une eau turquoise. Vous serez assez proche du paysage qui nous entoure ! Un petit paradis ! Pour nos quatre passagers, ce paysage idyllique est une première. Nous passons deux jours à se détendre dans ces jolies îles. Baignade, snorkeling, paddle, pêche.

Dernière étape, 45 milles pour rejoindre le continent et notre port d’entrée au Panama. Départ à l’aube dès que la lumière est suffisante pour nous permettre de slalomer à vue entre les récifs coralliens. A nouveau, quatre petits thons mordent à nos hameçons au cours de la journée. Les enfants affirment que la chance nous vient de nos passagers.

Nous arrivons en fin de journée à Linton Bay. Nous avons choisi d’opter pour la sécurité le long des côtes panaméennes. Bon nombre d’attaques ou vols de dinghis ont été recensés et nous n’avons aucune envie de rejoindre la liste des plaisanciers mal fortunés. Tant pis pour le mouillage, ce sera la marina pour les deux nuits que nous prévoyons de passer par ici.

Notre dernier jour en compagnie de nos quatre jeunes arrive. Tout le monde s’embarque pour la petite ville de Portobello à 1 heure de bus de là. Clearance d’entrée oblige ! Après quelques aléas administratifs, nous sommes tous en règle au Panama. Nous laissons là Simon et Tatiana qui enchainent comme équipiers sur un autre voilier pour le passage du canal. Andy et Bruno font le retour avec nous jusqu’à Wave Dancer. Ils y ont laissé leur vélo et bagages. Ce retour est toute une aventure. Il n’y a pas d’horaire de bus pour nous ramener à Linton Bay. Nous attendons deux heures, puis nous résignons à opter pour le taxi. Pour rejoindre notre bateau, nous avons encore un court trajet en annexe au milieu de la mangrove à faire. A peine partis que nous passons sur un pieu cassé à fleur d’eau. Une large ouverture de 20 cm déchire le dessous de notre annexe et des litres d’eau s’y engouffrent. Nous voilà trois à l’écope pour parvenir à compenser la fuite. Quelle fière équipée !

 

Wave Dancer ne désemplit pas. A peine nos Argentins nous quittent que notre ami Stéphane Grangier nous rejoint. Et à nouveau, en route pour les San Blas !

 

 

Juillet-aout 2019

 

Naviguer en Colombie n’est pas des plus reposants pour les matelots que nous sommes devenus. Entre les procédures administratives, les aléas de la météo et les caprices des fonds marins, vigilance et résilience sont plus que nécessaires !

 

Notre arrivée en Colombie commence par le passage du Cabo de la Vela, aussi appelé petit Cap Horn des Caraïbes. Nous étions avertis que les vents pouvaient forcir brutalement. Bien préparés, nous voyons effectivement notre anémomètre prendre 15 nœuds de vent assez soudainement. Au mouillage un peu plus loin, nous avons 25 à 30 nœuds de vent.

Nous sommes ici dans le territoire des Indiens Wayuu qui occupent cette côte désertique à cheval entre le Venezuela et la Colombie. Dans notre guide de voyage datant d’une dizaine d’années, on nous présentait une population accueillante, vivant de la pêche et très traditionnelle. Voilà qui a bien changé. Comme le reste du pays, cette région est désormais résolument tournée vers le tourisme. La pratique du kite-surf attire une clientèle jeune et sportive. Chaque cahute propose logement ou restauration. L’allure du village est restée très préservée. Les maisons, bordant les ruelles de sable, sont toutes construites en bois avec comme ameublement une cuisinière et quelques hamacs.

Nous ne pouvons nous attarder trop longtemps dans cette région. Ici, impossible de faire ses papiers d’entrée. Il nous faut rejoindre Santa Marta rapidement. Après une nuit de repos, nous repartons pour couvrir les 160 milles qui nous séparent de la ville. Malheureusement les vents tombent peu après notre départ et c’est au moteur que cette navigation se fera.

 

Seconde étape, Santa Marta et les cinq baies du parc Tayrona. Santa Marta est située aux pieds de la Sierra Nevada. Durant la journée, les airs sont faibles et tournent beaucoup. La nuit venue, les vents dévalent les flancs des montagnes toutes proches et forcissent de 20 nœuds.  Notre ancre prend alors un malin plaisir à chasser une nuit sur trois. C’est toujours agréable de réancrer en pleine nuit par 30 nœuds de vent.

Clearance d’entrée en poche, nous partons passer quelques nuits dans le parc Tayrona. De jolies plages nichées au fond de baies profondes et des forêts tropicales qui verdissent les collines alentour. Retrouver un  peu de nature après nos trois semaines d’attente à Santa Marta nous fait un bien fou. A peine débarqués à terre que nous sommes accueillis par un Colombien d’un certain âge, Reynaldo Garcia. Habitant dans une petite maison faite de planches mal ajustées, il s’est donné comme mission d’accueillir tous les plaisanciers de passage. Il nous fait visiter sa demeure toute simple et nous montre sa collection de cartes de visite laissées par les navigateurs des quatre coins du globe. La nôtre complétera sa collection. La littérature est sa passion. Il nous parle de Boris Vian, de Tolstoï, des Canaries qui pourraient être les vestiges de l’Atlantide. Alors que bon nombre de Colombien situe péniblement l’Europe, nous sommes étonnés de rencontrer au milieu de tant de simplicité, un homme cultivé comme lui.

 

Après quelques jours entre balade et rencontres, nous poursuivons notre descente des côtes colombiennes en direction de Carthagène. Quelques obstacles sont au programme. D’abord, l’embouchure du fleuve Magdalena, le plus grand fleuve de Colombie. Sur 15 milles, l’eau devient brune et est chargée de feuilles et de troncs. Nous retrouverons une branche de 1 mètre coincée dans le safran. Il nous semblait bien que la barre était devenue dure soudain !

Puis, à l‘approche de Carthagène, nous franchissons un mur construit par les Espagnols pour fermer et protéger la baie. Une passe a été aménagée pour les bateaux de passage, elle est délimitée par deux bouées. 10 mètres avant les bouées, notre sondeur s’alarme et passe de 8 mètres de fond à 3m60. Le mur est passé, un peu plus tôt que prévu. Heureusement, nous arrivions bien alignés sur les bouées.

 

Nous passons quelques jours à Carthagène. La ville offre deux visages. D’un côté, la vieille ville entourée de remparts avec ses petites ruelles bordées de façades colorées et fleuries. De l’autre, la ville moderne construite sur une presqu’île avec ses buildings alignés en bord de mer. Le tourisme y est important. Beaucoup de Colombiens viennent de Bogota passer le weekend. Les samedis et dimanches sont très mouvementés dans la baie de Carthagène où nous sommes ancrés. C’est un défilé de bateaux moteurs avec la musique à fond.

 

Nos amis Xavier, Céline et leur petit Max viennent nous rejoindre pour deux semaines. Ils débarquent bien crevés après un périple mouvementé entre correspondance manquée et aléas administratifs. Sacs au dos et Max en écharpe, joli !

Nous les emmenons à la découverte des quelques mouillages au sud de Carthagène : Cholòn, Islas de Rosario et Islas de San Bernardo. Les îles sont entourées de barrière de corail et c’est en slalomant que nous atteignons les mouillages. Heureusement, les passes sont bien indiquées avec des bouées. Nos approches se passent tout lentement avec un œil rivé au sondeur, un autre sur les fonds. Le temps file entre langoustes grillées, collecte de noix de coco, plages, snorkeling et apéro. Nous visitons encore la ville de Carthagène, puis le temps des adieux est déjà arrivé. Merci les copains d’être venus jusque là pour nous voir ! Votre amitié nous réchauffe le cœur !

 

Nous resterons en Colombie jusqu’à fin août entre Carthagène et les jolis mouillages plus au sud.

Bises à vous tous!

 

 

 

juin 2019

Bientôt trois semaines que nous sommes ancrés dans la baie de Santa Marta à attendre nos papiers d’entrée en Colombie. Nous avons découvert que les procédures de clearance sont longues, chères et compliquées. Il faut dire que cela fait seulement une dizaine d’années que les plaisanciers, tels que nous, osent s’aventurer dans les eaux colombiennes. Il y a une volonté de simplifier les démarches, mais dans la pratique, rien n’est encore fait ! Alors, on patiente, on s’agace un peu face à cette lenteur bureaucratique et on découvre la ville de Santa Marta.

 

Santa Marta est une petite ville pleine de vie. Partout, des marchands ambulants proposent fruits et légumes, boissons, téléphone à la minute, services de cordonnerie, artisanat, … Les étals sont bien souvent faits de bric et de broc, une vieille poussette, un caddie ou encore une brouette. Les enfants découvrent le plaisir de ces petits marchands. Yianis s’étonne que l’on s’offre à chaque virée en ville un jus de citron bien frais. Mais ici, cela coûte vraiment trois fois rien !

On trouve absolument tout à Santa Marta et à portée de pieds. Cela nous arrange bien car nous devons changer notre parc de batteries, acheter de nouvelles amarres, trouver du tissu pour refaire les housses du carré, s’équiper en moustiquaires, … Les expéditions en ville occupent une bonne partie de notre long temps d’attente. Nous profitons aussi de cet arrêt forcé pour faire un bon nettoyage du bateau. Fonds de cale, aération des matelas, tris des conserves, tout y passe. Après bientôt une année à bord, cela devenait vraiment nécessaire !

 

En ce début de saison cyclonique, il fait chaud et le vent souffle de manière très irrégulière. Nous n’avons pas le moindre souffle d’air la plupart du temps et, soudain, le vent se lève durant une petite heure et nous enregistrons des rafales jusqu’à 40 nœuds. Nous souffrons tous de la chaleur. Les enfants ont la peau couverte de boutons. Le carré a été transformé en couchettes et nous y dormons à tour de rôle. Nous nous baignons tous les jours pour nous rafraichir. Dominique a fabriqué une planche pour tirer les enfants derrière l’annexe.

 

Nous passons le temps entre école, courses en ville, baignade et rangements. Chaque jour, nous avons la visite de jeunes curieux venus de la plage à la nage. Ils sont souvent sympathiques, mais un peu trop curieux, inspectant notre annexe et, surtout, ce qui s’y trouve avec envie.

Un peu las de passer nos journées entre le bateau et la ville, nous décidons de changer d’air et de partir visiter Minca, un  village planté au cœur de la forêt tropicale, à 600 mètres d’altitude. Nous ne sommes pas très confiants de laisser le bateau seul au mouillage. La préparation de Wave Dancer se fait minutieusement : nous rentrons tout ce qui nous semble susceptible d’être volés à l’intérieur, paddle, cannes à pêche, vélos, jerricans, … et fermons tout soigneusement. Le débarquement nous cause aussi quelques soucis car ici, il n’y a pas de pontons où laisser notre annexe. Dominique nous pose alors tous à la plage, puis ramène l’annexe au bateau. Il la laisse remontée et cadenassée à l’arrière de Wave Dancer, puis nous rejoint à la nage.

Cette journée à Minca, nous fait du bien à tous. Balades en forêt et baignades en rivière sont au programme. L’air est plus frais à cette altitude et nous avons droit à un peu de pluie. L’eau douce est rare pour les matelots, une petite douche est toujours la bienvenue !

De retour à notre bateau, nous nous apercevons que nous avons eu la visite de petits voleurs. Trois paires de tongs ont disparu. Elles avaient échappé à notre vigilance au moment du départ. Groumpf !

 

Et enfin, après 21 jours de patience, tous nos papiers sont en notre possession. A nous, la Colombie !

 

Hasta pronto amigos !

 

Du 8 mai au 3 juin 2019

Curaçao fait partie des anciennes Antilles néerlandaises. Depuis 2010, elle a acquis son autonomie de même que les îles voisines de Bonaire et Aruba. Située à quelques dizaines de milles du Venezuela, elle se trouve en dehors de la zone cyclonique. Possédant quelques baies très bien protégées, elle est une escale idéale pour les bateaux en route vers Panama ou pour ceux qui souhaitent laisser leur bateau quelques mois pendant les mois les plus chauds et orageux des Caraïbes.

 

Après cette traversée éprouvante au pré, nous décidons de nous ancrer pour deux nuits près de Petit Curaçao, une petite île déserte rattachée à sa grande sœur, Curaçao. Nous mouillons avec le pavillon Q attaché dans nos haubans, le drapeau jaune qui indique que nous n’avons pas encore effectué notre clearance d’entrée dans le pays. Avant de faire notre entrée dans ce pays et de s’adonner aux joies des formulaires, le repos et quelques rangements s’imposent.

Petit Curaçao est une île aride entourée d’eaux turquoises. Sur l’île, un phare et quelques installations pour accueillir les touristes durant la journée sont les seules constructions. Dès 16 heures, tous les bateaux touristiques ont disparu et l’île est toute à nous ! Riche en histoire, l’île a tour à tour été habitée par des esclaves mis en quarantaine, un Capitaine de navire anglais qui hanterait encore les lieux, puis des pêcheurs et le gardien du phare. Sous l’eau, chaque plongée est un vrai bonheur. Nous prélevons à ces eaux poissonneuses quelques carangues et perroquets pour notre repas. Nous nous attarderions bien plus longtemps sur cette ilôt, mais il est plus que temps de faire notre entrée officielle dans le pays. Cap à l’ouest pour rejoindre Curaçao à 15 milles de là.

 

Nous nous ancrons dans la baie de Spanish Water, une baie qui s’enfonce à l’intérieur des terres et qui offre de nombreux mouillages bien protégés de la houle. Au milieu des voiliers ancrés comme nous, planches à voile, optimists, lasers et jets ski zigzaguent en tous sens profitant de ces eaux abritées. Spanish Water nous donne comme première impression de Curaçao celle d’une île très touristique, avec une importante population blanche. Le lendemain, nous nous rendons à Willemstad, la capitale afin de faire notre clearance d’entrée. Bonne surprise, toutes les formalités sont gratuites et nous avons droit à un permis de séjour de trois mois. Nous en profitons pour découvrir la capitale. Willemstad montre aux touristes un visage coloré et coquet. De charmantes maisons aux tons pastels sont alignées le long de la mer. Dans les rues pavées, les boutiques de souvenirs côtoient les magasins de marque. Sommes-nous vraiment  bien aux Caraïbes ? Il nous faudra nous éloigner du centre touristique pour découvrir une ambiance plus authentique et une population colorée.

 

Une fois n’est pas coutume, nous louons une petite voiture et partons explorer l’île d’environ 300km2. Mis à part ses fonds marins sublimes, Curaçao n’a pas grand chose à proposer. Le paysage est brûlé par le soleil et incite peu à la randonnée. Sur toute la côte, les plages se succèdent. Celles du Nord sont envahies de sargasses et font la joie des kite-surfeurs. Celles du Sud sont envahies de Hollandais en vacances. Les plus belles plages sont payantes. Une première sous les Antilles !

L’ile vit du tourisme et de ses raffineries de pétrole. Il n’y a aucune production. Tout est importé des USA le plus souvent. La qualité des fruits et légumes est déplorable malheureusement. La population est noire majoritairement. Cependant beaucoup de hollandais sont installés ici proposant cours de plongée ou de voile. Une importante communauté chinoise est aussi présente. Elle a main basse sur les supermarchés. Chacun ici parle au minimum quatre langues ; le hollandais, l’anglais, l’espagnol et le papamiento, un mélange des trois.

 

Après cette découverte à quatre roues, nous partons en voilier sur les rares mouillages de l’ile. Retour à Petit Curaçao qui fait clairement l’unanimité parmi l’équipage. Au programme, snorkeling et plongée en apnée. Noé et Dominique nous distancent largement avec bien 12 mètres de profondeur à leur actif. Yianis atteint gentiment 5 mètres. Quant à moi, je descends désormais à 6 mètres. La décompression me pose encore quelques soucis et le souffle me manque bien souvent. A travailler !

Quelques jours plus tard, alors que nous sommes seuls au mouillage dans une baie de Curaçao, nous sommes tirés des bras de Morphée par une vedette aux projecteurs braqués sur nous. Les gardes côtes veillent avec assiduité du fait du Venezuela tout proche. Nous sommes bons pour un petit contrôle des passeports et des papiers du bateau à 1 heure du matin. Ici, une importante surveillance des bateaux est effectuée. De nombreux clandestins venezueliens tentent de rejoindre l’ile. Quotidiennement, nous sommes survolés par un hélicoptère des gardes côtes. Les contrôles à bord sont fréquents. Certains se sont même faits interpellés dans leur annexe.

 

Nous quittons Curaçao le 4 juin au petit matin pour nous diriger vers la Colombie à 210 milles de là. Ce fut une étape sympa sur la route menant à Panama. Nous avons beaucoup aimé le snorkeling car la diversité de la faune marine est spectaculaire. Pour le reste, Curaçao manque d’attrait. Amateurs de plongée, Curaçao est pour vous ! Pour les autres, allez voir ailleurs !

 

Bises à vous tous!

 

Du 5 au 8 mai 2019

 

Officiellement, la saison cyclonique aux Antilles s’étend de juin à novembre. En réalité, la plupart des ouragans sévissent au mois de septembre et octobre. Néanmoins, naviguer en période cyclonique n’est pas des plus faciles du fait des nombreux orages et coups de vent qui vont avec. Nous avons donc décidé de quitter la zone touchée par les ouragans assez tôt. Et là, trois possibilités s’ouvrent à nous :

  1. Remonter au Nord direction la Floride. Vu la suite du programme dans le Pacifique, on a vite écarté cette option qui nous éloigne beaucoup de notre route.

 

  1. Se planquer dans un trou à cyclones en Amérique centrale. Il y a plusieurs marinas bien protégées au Guatemala notamment. L’Amérique centrale et ses ruines mayas nous tentaient bien, mais cela nous bloque au même endroit pendant 5 mois. Ensuite, cela rajoute pas mal de milles au compteur pour rejoindre ensuite le canal de Panama.

 

  1. Descendre en dessous de la latitude 12°40’N. Cela équivaut à Grenade, Trinidad et Tobago, les Antilles néerlandaises et l’Amérique du Sud. Cela nous laisse pas mal d’endroits à découvrir et la possibilité de naviguer en se rapprochant de Panama. C’est l’option que nous avons retenue !

 

Depuis quelques années, le Venezuela est malheureusement à éviter. La situation politique très instable a engendré beaucoup d’insécurité pour les plaisanciers. Ce sera entre les Antilles néerlandaises, la Colombie et Panama que nous passerons ces quelques mois avant le grand saut en Pacifique prévu pour … ? ça reste encore à définir !

 

Nous quittons Santo Domingo le 5 mai. Direction Curaçao, l’une des trois îles faisant partie des anciennes Antilles néerlandaises. Avec Bonaire et Aruba, les ABC sont maintenant indépendantes de la Hollande. C’est parti pour 400 milles au pré serré. Et là, ça devient dur, dur !

Naviguer au pré plusieurs jours d’affilée est une première pour l’équipage. Nous vivons trois jours inclinés entre 15° et 25°. Ajoutons à cela, un mouvement d’avant-arrière au gré des vagues et le tout est réuni pour nous mener la vie dure ! On dort penché, on cuisine penché, on mange penché, on se déplace penché. Tout doit se faire agrippé ou calé pour éviter de perdre l’équilibre. A chaque brossage de dents, je menace de perforer le palet de Louis. Je fais la cuisine avec les lunettes de mal de mer sur le nez et termine bien souvent l’affaire avec l’estomac dans les talons. Pour un régime, c’est le top ! Le pont est balayé par les vagues qui nous arrosent bien souvent jusqu’au cockpit et pénètre dans le bateau par l’entrée. Le sol est rendu poisseux et glissant, ce qui facilite encore un peu plus nos déplacements dans Wave Dancer. A cause des vagues, tous les hublots doivent être fermés. Il règne une chaleur étouffante dans le bateau. Nous passons le plus clair de la journée dans le cockpit ! Nous avons le bonheur de constater que le hublot de la cabine avant n’est pas étanche. A chaque vague qui déferle sur le pont, c’est une petite cascade d’eau salée qui inonde la cabine.

Nous penchons sur tribord, ce qui implique que l’évier de la cuisine ne se vide pas et est inutilisable. La vaisselle se fait dans un sceau que nous vidons par-dessus bord. Vraiment pratique !

Après avoir bien cherché et pour me remonter un peu le moral, j’ai trouvé deux avantages à cette allure au pré. D’abord, notre éolienne produit du courant. Cela nous évite de devoir allumer le moteur deux heures chaque jour. Enfin, une fois que l’on s’est bien calé sous le vent pour dormir, on ne risque pas de traverser toute la couchette à chaque vague. Maigre consolation, j’avoue !

Vous l’avez compris. A bord, tout le monde est bien d’accord pour dire que c’est assez insupportable ! Nous n’aspirons qu’à l’arrivée en passant le temps comme on peut !

 

Du 2 avril au  5 mai 2019

 

Départ le 2 avril de St-Martin pour 375 milles jusqu’en République Dominicaine. Nous avons prévu de faire ça en 4 jours. Nous serons au portant avec un vent entre 15 et 20 nœuds. Ça s’annonce sympa ! Dès le départ, nous installons trois lignes de pêche. Les enfants remontent les lignes à tour de rôle pour les débarrasser des sargasses toujours omniprésentes. Nous sommes tous plein d’espoir face à nos nouveaux leurres. Nous serons récompensés par la prise d’un thon blanc qui finira en sushis ! Miam !

Les deux premiers jours sont très calmes. Un vent entre 10 et 15 nœuds, une mer peu agitée. Nous atteignons juste 5 nœuds avec nos voiles en papillon et notre génois tangonné. Pour moi, 5 nœuds au portant, c’est du pur bonheur. Pour mon Capitaine, c’est un peu lent ! La fin du parcours sera à son goût car le vent se lève à 20-25 nœuds et notre vitesse moyenne s’élève à 6 noeuds.

Après quatre mois à paresser au soleil, à remonter à la vitesse d’un escargot les multiples îles des Caraïbes, à se débaucher en apéros avec les batocopains, cette navigation de quelques jours est la bienvenue. C’est comme un retour à l’essentiel. Prendre le temps de vivre, d’admirer le jeu des vagues le long de la coque, les étoiles dans le ciel, de méditer, de lire, de jouer avec les enfants. Pas d’expéditions ravitaillement, lessive, clearance. Rien à faire si ce n’est être ensemble et s’aimer ! On est certes un peu crevés par les quarts et les nuits entrecoupées par les mouvements anarchiques du bateau, mais le moral est au beau fixe.

 

A peine ancré dans la baie de Samana que nous recevons la visite des officiels à bord. Pour nous, c’est une première ! Nous étions avertis de cette pratique en République Dominicaine et des pots de vin souvent demandés. Nous serons surpris en bien car toutes les démarches se passent facilement et dans la bonne humeur. Maitriser l’espagnol et avoir quatre enfants qui s’ébattent joyeusement à bord ajoutent, sans aucun doute, une touche de sympathie.

Nous sommes rejoint par nos amis belges du MnM’s en route pour les Bahamas. Ils sont venus passés une journée avec nous et nous dire au revoir. Pour eux, voici bientôt le temps de traverser l’Atlantique et retrouver maison et boulot en Belgique.

Nous partons tous les 11 à la découverte de la ville. L’ambiance est totalement différente des petites Antilles. Ici, la musique latino a remplacé les rythmes reggae. Sur les routes défilent toutes sortes de véhicules bien souvent pleins à craquer. Nous en testerons d’ailleurs quelques-uns. Le taxi-moto pour Véronique après une expédition ravitaillement. Le guagua, sorte de camionnette ouverte à l’arrière et, enfin, le minibus à 21 entassés sur les 12 places prévues initialement. Heureusement que nous ne sommes pas trop épais ! Ici, plus de supermarchés, pour les courses, tout se passe au marché. Les poulets sont alignés dans la rue sur une table, le bœuf est suspendu en quartier dans des cahutes de bois. Les étals de fruits et légumes sont bien fournis. La République dominicaine est riche en sources d’eau et en cultures.

Nos amis belges nous quittent pour de bon et nous retrouvons aussitôt mon oncle, Pierre et ma cousine, Marie. Marie, grande voyageuse, s’est installée en République dominicaine depuis un peu plus de deux ans.  Nous passons quelques jours en leur compagnie. D’abord sur terre où mon oncle nous promène en voiture à la découverte de cascades et jolies plages. Comme souvent, nous sommes tous bien gâtés. Les enfants reçoivent chacun un beau collier avec une pierre de Larimar, une pierre bleue semi-précieuse que l’on ne trouve qu’ici.  Nous sommes, du coup, bien heureux de pouvoir les inviter à notre tour, à bord de Wave Dancer pour trois jours. Direction le parc des Haïtises, une réserve naturelle au cœur de la mangrove. Nous en avons vu des endroits magnifiques depuis notre départ, mais, pour moi, c’est le plus beau paysage que nous ayons pu admirer. Pour ceux qui connaissent, cela rappelle la baie d’Along au Vietnam. Des îlots couverts de végétation tropicale dispersés dans un lagon où vit une population de dauphins sédentaires. Des méandres au milieu des forêts de palétuviers aux racines qui plongent dans l’eau saumâtre. Des grottes aux peintures rupestres réalisées par les Indiens Taïnos au 16ème siècle. Une variété d’oiseaux rare : pélicans, frégates, sternes, pic, … Tout y est pour passer quelques jours inoubliables. Nous aurons, en plus la chance de découvrir, niché au milieu de la mangrove, un hôtel avec piscines d’eau douce et voies de grimpe. Je m’épanche un peu, mais vraiment… j’aime profondément cet endroit  ! Peu après avoir ramené Pierre et Marie à Samana, nous décidons, à l’unanimité, de retourner dans ce superbe endroit pour fêter l’anniversaire de Karim.

 

 

Après quelques jours dans le parc des Haïtises, retour à Samana où nous laissons Wave Dancer à l’ancre pour trois jours. Nous partons pour Cabarete où habite ma cousine Marie. Nous laissons notre bateau affourché sur 2 ancres et 100mètres de chaine. A bord, tout est bien cadenassé. Les autorités du port sont au courant de notre départ et jetteront un œil sur le bateau pendant notre absence. Nous partons l’esprit tranquille !

Cabarete est à 4 heures de bus de Samana. Nous montons à 8h30 dans un guagua bondé. Pas de place assise, le voyage se passera debout pour toute la tribu. Question confort, on a connu mieux ! Nous terminerons cinquante dans un bus de 20 places. Ici, la promiscuité ne gène personne. Les enfants apprennent à se coller à des inconnus et à ne pas perdre le peu de place qu’ils ont. Ils repensent à leur bus d’école où chacun devait mettre la ceinture. La quoi ? Cela semble maintenant bien loin de leur quotidien.

Notre séjour à Cabarete a vite fait de nous faire oublier ces désagréments du transport. Marie nous fait découvrir le surf, nous emmène dans de jolies piscines et restaurants. Cabarete est très différente de Samana. C’est une petite ville tournée vers le surf et le kite-surf. L’ambiance est résolument jeune et fêtarde. Beaucoup de gringos sont installés là pour quelques semaines ou quelques années. Courts de yoga ou de salsa, restaurants indien, italien, suisse ! Tout cela mêlé à la vie locale donne à Cabarete un sympathique métissage.

 

Le retour en bus est bien plus agréable car nous sommes tous assis cette fois-ci. Nous revenons avec dans nos bagages, la valve pour notre dessalinisateur. Enfin ! Que de péripéties pour  recevoir cette pièce.

Nous retrouvons notre cher Wave Dancer comme nous l’avions laissé et partons sans tarder direction le Sud de l’ile. Il nous faut nous hâter un peu car notre autorisation de séjour touche bientôt à sa fin et nous aimerions découvrir d’autres endroits de la République dominicaine.

Nous levons l’ancre direction l’Isla Saona au sud-est de l’ile à quelques 120  milles de là. Selon les prévisions météo, l’arrivée est prévue  dans 24 heures. En réalité, nous mettons 40 heures pour rejoindre cette île. Nous nous trainons durant les trois quart du trajet à 10 nœuds de vent, au pré avec des bords à tirer ! Petit réconfort, c’est calme ! On lit, on pêche, on joue, on dort !

 

Isla Saona est une petite île de 110km2 habitée par quelques familles de pêcheurs. De 16h à 9h, la vie s’écoule paisiblement. Les quelques habitants flânent dans des hamacs, jouent aux dominos, réparent leur filet de pêche ou étendent le linge. Dès 9h, des flots de touristes en maillots débarquent. De quoi occuper les centaines de chaises longues, les tables de massage et les bars à cocktails installés sur les plages tout exprès. L’ile perd beaucoup de son charme et c’est donc après la sieste de Louis que nous l’arpentons. Les touristes ont disparu, mais les yinyins, ces moucherons piqueurs, sévissent.

 

Après deux jours sur Saona, nous partons pour Santo Domingo. Départ à 2h du matin, 65 milles à faire. Toujours des longues distances !

Santo Domingo et ses buildings s’aperçoivent de loin. La capitale est construite sur les rives du Rio Ozama. Nous nous enfonçons dans le fleuve pour trouver un mouillage abrité de la houle. Rien n’est indiqué sur nos cartes et nous décidons de jeter l’ancre proche du quai des militaires pour la nuit. Autour du bateau, l’eau est brunâtre et jonchée de déchets plastiques. Quelques heures s’écoulent avant qu’une vedette de l’armée ne vienne nous accoster. A bord, deux jeunes hommes relax qui nous informent que nous ne pouvons rester là du fait du passage des cargos. Ils passent une bonne heure au téléphone avec leurs supérieurs pour nous trouver une solution pour la nuit. Finalement, c’est au quai des militaires que nous nous déplaçons avec interdiction formelle de mettre pieds à terre. La manœuvre est délicate car nous touchons au fond avec la quille. Heureusement, le fond est vaseux et un bon nombre de militaires sont là pour nous prêter main forte. Le lendemain, le départ est tout aussi épique. Notre quille est enfoncée de 20cm dans la vase et nous peinons à éloigner Wave Dancer du ponton. Après bien des efforts et des coups d’hélice d’étrave, nous parvenons à nous dégager. Direction la marina de Santo Domingo un peu plus haut sur le fleuve. Une fois n’est pas coutume, nous passerons quelques jours au port. Là encore, arrivée en fanfare. Nous touchons à nouveau le fond et ne parvenons pas à nous avancer dans notre place. Cette fois-ci, c’est un canot moteur de la marina qui vient nous tirer dans notre place. Ouf ! Que d’aventures pour s’amarrer à Santo Domingo. Enfin! Trois jours en marina ne sera pas un luxe ! Voilà six mois que nous sommes à l’ancre. Un bon lavage du pont (et de l’équipage) s’impose !

Tous beaux, tous propres, à nous la visite de la ville coloniale séparée du reste de la ville par les vestiges des remparts ! Première ville du Nouveau Monde, construite en 1502, Santo Domingo a conservé de nombreux bâtiments de l’époque coloniale. Malheureusement pour nous, nous tombons en plein Salon du livre. Toutes les écoles de Santo Domingo sont en sortie. La vieille ville est envahie de jeunes et des multiples stands des libraires, auteurs et éditeurs. Pas facile, dans ces conditions, d’apprécier le charme de ce site d’exception.

Nous nous rendons aussi au Faro a Colòn. Bâtiment érigé en 1992 en l’honneur du célèbre navigateur. Beaucoup de pays chrétiens ont participé à sa construction. Il est dit que les restes de Christophe Coomb y sont entreposés. Entre l’Espagne et la République dominicaine, la lutte se poursuit pour savoir qui a les vraies reliques de ce grand homme.

 

Nous partons le 5 mai de Santo Domingo. Le charme de cette ville est malheureusement altéré par les quantités de déchets qui s’accumulent partout. Dans tout le pays d’ailleurs, les poubelles sont rares et l’éducation à la gestion des déchets fait défaut. Les sachets plastiques sont distribués en toute occasion et finissent trop souvent à la mer. Quel dommage !

 

 

Manifestation du 1er mai à bord de Wave Dancer:

 

Du 25 mars au 2 avril 2019

 

Voilà longtemps que nous n’avions pas fait de navigation de nuit. Nous serons au pré pour cette étape de 80 milles jusqu’à Barbuda. Ça s’annonce assez mouvementé. Pas de quart pour Noé et Karim. Jean, notre bateau-stoppeur prendra leur place. Pour une fois, je prends le premier quart. C’est sans aucun doute le plus agréable de tous. En plus, Karim me tient compagnie un moment et nous admirons ensemble les étoiles. Vers 1 heure du matin, place à Dominique, puis ce sera Jean qui terminera la nuit. Pas facile de dormir alors que le bateau prend les vagues de face. Heureusement, nous avançons à bonne allure et Barbuda est atteinte vers 8 heures.

Barbuda est une île toute plate, très peu habitée, aux plages de sable blanc qui s’étalent sur des kilomètres. Nous jetons l’ancre dans une baie aux eaux claires au milieu de deux ou trois voiliers attirés, comme nous, par la solitude du lieu. La plage est déserte si ce n’est la présence d’un hôtel à quelques centaines de mètres de là. Ici, la clientèle arrive en hydravion. Chouette spectacle de voir atterrir un avion au milieu des voiliers. Nous comprendrons qu’il s’agit d’une clientèle assez aisée lorsque nous apprendrons que Lady Diana y venait auparavant. Nous passons une belle journée à profiter de la plage tous les six. Baignades et châteaux de sable. Même Dominique s’y met, c’est dire si la plage est belle ! Cet arrêt a vraiment un petit goût de paradis.

 

 

Le lendemain, nous partons pour St-Barthélémy à 65 milles de là. A nouveau, une belle navigation qui s’annonce. Départ à 4 heures cette fois-ci. Jean et Dominique ont gentiment proposé de se débrouiller pour le départ et de nous laisser dormir. Au cours de la journée, Jean se met à la pêche avec ardeur et ses efforts sont récompensés par la prise d’un petit barracuda. Les barracudas font partie des poissons touchés par la ciguaterra. La ciguaterra, appelée aussi gratte, est une maladie qui s’attrape en consommant certains poissons devenus toxiques. Parmi ceux-ci, les barracudas, carangues et mérous sont en tête de liste. Chez l’humain, la consommation régulière de ces poissons entraine des troubles allant des démangeaisons aux troubles nerveux, cardiaques et respiratoires. Que faire face à ce barracuda ? Vu sa taille modeste, nous décidons de le garder.

Nous arrivons à St-Barthélémy à 18 heures. Le lendemain, nous partons à la découverte de la ville de Gustavia aux allures de St-Tropez. Yachts de luxe, magasins de marque et un coût de vie à faire peur. Un bref arrêt pour nous permettre de dire : « On a vu ! »  Nous retrouvons le Manua, rencontré à La Barbade. Un catamaran avec à bord David, marin-pêcheur en Bretagne, sa femme Nathalie et leur fille Jeanne. Ils nous invitent à partager leur repas, un tazard de 1m40 (ou tout du moins une partie). Nous tentons de percer les secrets de David en matière de pêche car, de notre côté, c’est plutôt chou blanc ! Nous apprendrons qu’il installe 8 lignes de pêche derrière son catamaran avec, à peu près, toute la variété de leurres différents disponibles sur le marché. On comprend un peu mieux maintenant ! Les enfants se montrent très curieux. Pour les motiver, David leur offre une jolie boîte remplie de matériel de pêche et deux lignes toutes préparées. Merci Tonton David !

La générosité et la gentillesse des gens rencontrés en voyage me laissent sans voix. Les relations se tissent si simplement, tous unis par le même rêve, peu importe l’âge, le métier, les moyens. Ces rencontres sont vraiment une grande richesse ! Nous découvrons d’autres cultures, d’autres manières de vivre. Je suis heureuse de partager ça avec mes enfants. De leur montrer que la vie est ce qu’on en fait et qu’il y a mille opportunités à qui sait les saisir !

 

 

Notre périple en compagnie de Jean touche à sa fin. Nous rejoignons St-Martin où nous le déposons. Le bilan de cette expérience est plutôt positif pour tous. Nous avons pu constater que c’est une aide précieuse pour la navigation d’avoir un adulte de plus à bord. Par ailleurs, il était toujours plein d’anecdotes et d’aventures à partager. Un nouveau souffle sur Wave Dancer. Expérience à refaire !

 

St-Martin, comme beaucoup d’iles du Nord de l’arc antillais a été touché par un ouragan récemment. Nous avions découvert Barbuda où tous les palmiers de l’ile avaient été couchés, St-Martin a aussi subi de nombreux dégâts : marinas dévastées, carcasses de bateaux, immeubles en ruines. Sur cette île très peu d’arbres ont le temps de pousser car la fréquence des ouragans est trop soutenue. Le paysage est sec, la végétation est basse. Aucune rivière, aucune culture, St-Martin vit du tourisme (de luxe). Le bal des avions internationaux nous le montre bien. Toute la nourriture est importée de République Dominicaine au mieux, d’Europe dans la plupart des cas. Etrange paradoxe, la salade (importée par avion de France) coûte aussi cher que la bouteille de pastis (aussi importée de France, mais probablement pas par avion !) L’ile de St-Martin est séparée en deux, une partie est hollandaise, l’autre française. Dans les rues, ça parle aussi bien néerlandais, français que anglais, les euros ont le même cours que les dollars américains. St-Martin est vraiment internationale !

Trois jours d’arrêt avant de rejoindre la République Dominicaine : ravitaillement, lessive, shipchandler détaxé. Ces trois jours sont bien occupés. Il faut dire que nous sommes un peu pressés. Mon oncle sera en République Dominicaine jusqu’au 15 avril et nous souhaitons tous le retrouver pour quelques jours. Après 4 mois passé à se la couler douce au soleil des Caraïbes, il est temps pour l’équipage de se rappeler aux joies de la navigation. 375 milles au programme de St-Martin en République Dominicaine. Trois nuits et quatre jours de nav, voilà qui redevient sérieux !

 

 

Du 10 au 23 mars 2019

Nous quittons Marie Galante en compagnie du Névé et du Borea. Nos trois Capitaines ont décidé de faire une petite régate pour cette traversée jusqu’à Grande Terre et sa capitale, Pointe-à-Pitre. Nous partons avec un certain avantage, nous avons le plus grand bateau. Rapidement, le Borea est distancé. Il est parti avec un ris dans sa grande voile. Dominique et Gabriel ont direct envoyé toute la toile. Nous resterons côte à côte avec le Névé tout au long de la traversée. Nous remportons la course de peu car notre cap était meilleur. (Et notre Capitaine aussi !)

 

Pointe-à-Pitre est bâtie le long d’un bras de mer qui partage la Guadeloupe en deux îles. Grande Terre, toute plate à l’est et Basse Terre, montagneuse à l’ouest. L’eau, tout autour de Wave Dancer, a une couleur bleu-marron qui indique sa propreté. Un peu plus tard, nous verrons les égouts des hôtels environnants sortir directement dans le port. Bêêrk ! Pas de baignade ici, mais un arrêt technique. Au programme, Decathlon, supermarchés et magasins d’accastillage. Notre tourmentin est déchiré et notre dessalinisateur a une valve endommagée.

La ville de Pointe-à-Pitre semble très pauvre et peu entretenue. Les maisons, faites bien souvent en bois avec un simple toit de tôle, rappellent la Dominique. Sauf qu’ici, il n’y a pas eu d’ouragans il y a moins de deux ans. Le contraste est étonnant avec les abords de la marina où nous laissons notre annexe. Là, tout est tourné vers l’accueil des touristes et des plaisanciers. C’est quand même ici qu’arrive la Route du Rhum et ils nous le rappellent bien avec des grandes  affiches de tous les vainqueurs des dernières éditions.

 

Nous retrouvons nos amis du Lambarena, ce couple avec qui nous avions visité la Dominique. Ils organisent une soirée crêpes dans la zone du carénage. Un vieux panneau solaire comme table, trois assiettes et quelques services et c’est parti pour nourrir 25 personnes. L’occasion de rencontrer de nouveaux voyageurs et de passer un chouette moment. Notre voyage est ainsi fait, pleins de rencontres et d’adieux. Ce sont nos amis du Névé que nous quittons le lendemain. Il est temps pour eux de redescendre tranquillement jusqu’à Trinidad où ils laisseront leur bateau pendant la saison cyclonique. Ils retourneront en France et en Australie avant de reprendre leur voyage l’automne prochain.

De notre côté, nous attendons avec impatience notre valve pour notre dessalinisateur. Nous l’avons commandée en France et espérons que le délai de 10 jours de livraison annoncé sera respecté. Nous n’avons pas tant envie de nous attarder par ici. Nous profitons de ces quelques jours d’attente pour changer de mouillage, un peu plus loin de Pointe-à-Pitre se trouve un joli îlet où nous passerons deux nuits et retrouverons les joies de la baignade et du snorkeling.

Une douzaine de jours après la commande, notre valve est arrivée. Mauvaise surprise ! La facture est 5x plus élevée que le prix en Suisse et pas moyen de négocier avec le fournisseur. Dominique refuse de prendre cette pièce et la commande en Suisse. Mon oncle que nous retrouverons en République dominicaine d’ici 15 jours nous l’apportera. En attendant, nous nous passerons de dessalinisateur. Ici, il n’est pas trop difficile de refaire les pleins d’eau.

Nous sommes un peu contrarié par le temps perdu dans ce coin plutôt moche. Pour nous redonner le sourire, Thierry et Catherine du Lambarena nous propose une soirée baby-sitting à bord de notre bateau. Ils nous gardent nos quatre lutins pendant que nous nous offrons un resto en amoureux. Nous sommes bien gâtés et entourés ! Merci les amis !

 

Il est temps de repartir pour Basse-Terre. La voilerie nous a proposé de prendre un bateau-stoppeur jusqu’à St-Martin, une île française à 200 milles plus au Nord. Nous étions tous attirés par l’expérience d’avoir une nouvelle tête à bord et avons accepté. Jean embarque avec nous à Basse-Terre. C’est un gars tout simple et bien sympathique qui débarque sur Wave Dancer. Jeune trentenaire, il va s’installer à St-Martin pour travailler. Voilà quatre ans qu’il oscille entre la Guadeloupe et la métropole, de petits boulots en petits boulots. Il a un peu d’expérience en navigation ce qui nous soulagera pour les quarts. Nous prévoyons de rejoindre St-Martin en une petite semaine et de visiter au passage quelques îles sur le chemin.

Coincé à Pointe-à-Pitre, nous n’avons pas pu découvrir la Guadeloupe. Nous remontons la côte sous le vent de Basse-Terre en trois jours avec quelques arrêts sympas. Bouillante, une anse avec une source d’eau chaude en bord de mer. La Réserve Cousteau, réputée pour le snorkeling. Sous l’eau, la variété de poissons est impressionnante : poissons-perroquets, coffres, bourses, demoiselles, … Et enfin, Deshaies, tout au nord de la Guadeloupe. Une marche d’une heure nous amène à une immense plage au sable doré. Pour le retour, nous prenons la route carrossable et tentons le stop. ça marche du tonnerre et nous embarquons tous dans la première voiture qui passe.

Le lendemain, nous partons pour Barbuda à 80 milles de là. Départ à 18h pour une navigation de nuit.

 

 

Du 26 février au 10 mars 2019

 

Saviez-vous que la Guadeloupe est un archipel ? Nous, non en tout cas!  En plus des deux grandes iles principales, Grande Terre et Basse Terre assez connues, de nombreux autres îlots font partie de ce département français : Les Saintes, Marie-Galante, la Désirade et Petite Terre.

 

Nous commençons notre découverte par les Saintes, cinq petites iles les plus au sud de l’archipel. Nous nous ancrons dans une baie venteuse et rouleuse. Nous n’avons pas trop le choix des mouillages. Ici, les fonds sont très profonds et des bouées ont été installées un peu partout pour les plaisanciers. Arrivant en fin de journée après une traversée depuis la Dominique, tout est déjà pris. Le lendemain, nous partons à terre à la découverte de Terre-de-Haut. Nous débarquons dans un petit village tout propret qui fleure bon le tourisme. Ruelles pavées, boutiques d’habits et marchands de glace. Les voitures sont rares, les déplacements se faisant en scooters ou en véhicules électriques. Nous profitons de la modeste taille de cette île pour la visiter à pieds. Nos pas nous mènent à de beaux points de vue ou de jolies plages nichées.

Après deux mauvaises nuits à se faire balloter à l’ancre, nous nous hâtons un matin pour un mouillage plus abrité et une bouée de libre. C’est vers l’Ilet à cabris que nous allons nous amarrer. La prise de bouée a été peu exercée sur Wave Dancer et cela se transforme en une belle prise de bec à bord. Dominique, depuis sa barre, ne voit rien du tout. Nous le dirigeons sur la bouée à grands cris pour couvrir le bruit du moteur. L’approche de la bouée est réussie, mais saisir la bouée pour y passer une amarre est une autre affaire. A notre première tentative, la gaffe (une sorte de crochet fixée sur un manche réglable) s’allonge dangereusement, puis se casse en deux. Nous voyons la moitié de notre gaffe flotter de plus en plus loin. Nous tentons un, puis deux nouveaux passages. Une fois, la bouée passe du mauvais côté, l’autre fois, nous sommes trop loin. Enfin, après quatre essais et beaucoup d’engueulades, nous sommes amarrés correctement. La découverte de l’Ilet à cabris a vite fait de faire baisser la tension parmi l’équipage. C’est une toute petite île sauvage de moins de cinq kilomètres carrés. Les seuls habitants de l’ile sont des volailles et des chèvres. L’ile est recouverte de mancenilliers. Des arbres dont nous avons appris à nous méfier et qui sont souvent signalés dans toutes les Antilles par une marque de peinture rouge autour de leur tronc. Toucher les feuilles ou les fruits du mancenillier peut provoquer de vives brûlures. Il est aussi dangereux de s’abriter dessous son feuillage lorsqu’il pleut. Nous étions partis avec les garçons explorés l’ile lorsque l’averse nous a surpris. Nous avons été bons pour attendre sous la pluie le retour du beau temps avant de pouvoir rejoindre la plage et le bateau. L’endroit est idéal pour organiser une grillade avec nos potes du Névé et du Boréa, une famille norvégienne.

 

 

Après les Saintes, nous partons à petite Terre, une île classée réserve naturelle située à l’est de l’archipel à 25 milles de là. Le Névé a réservé depuis quelques jours deux bouées pour nos deux bateaux. Là-bas, il n’est pas possible de planter son ancre et les places aux bouées sont vite occupées. Nos capitaines ont prévu une approche en deux étapes. D’abord 20 milles au pré jusqu’à Marie Galante, puis 15 milles en vent de travers jusqu’à Petite Terre le lendemain. L’idée étant d’arriver le plus tôt possible sur Petite Terre pour profiter au max. Nous ne pourrons rester qu’une seule nuit. Malheureusement, les vents tournent légèrement et nous voilà à tirer des bords avec un vent dans le nez tout au long de ces 35 milles de navigation. C’est long et comme toujours, ça tape bien à bord ! Catherine du Névé et moi sommes bien d’accord pour dire que ces nav au pré n’ont vraiment rien de plaisant du tout !!

L’approche de Petite-Terre est très délicate. Pour rejoindre le lieu d’amarrage, nous devons traverser une passe qui table  moins de 3m au plus profond. Notre quille descend à 2m10, nous passons à vitesse d’escargot les yeux rivés sur les fonds et le sondeur en serrant les fesses et croisant les doigts. Ouf ! Nous serons d’ailleurs les seuls monocoques amarrés au milieu des catamarans. Pour clôturer cette navigation difficile, notre prise de bouée est à nouveau pitoyable ! Je ne m’étendrai pas sur mes exploits à la gaffe (qui a de nouveau lâché soit dit en passant!) ni sur les noms d’oiseaux dont j’ai traités mon cher et tendre derrière son dos ! Le Névé, qui s’est pris un bout dans son moteur arrive après nous et nous pouvons les aider pour leur bouée avec notre annexe. Comme quoi, « A tout chose, malheur est bon ! »

Le mouillage et le paysage sont vraiment magnifiques. Sous l’eau, les tortues sont très nombreuses. Nous apercevrons aussi une raie pastenague et un beau barracuda grand comme Dominique. Nous sommes dans une nourricière pour requins citrons. Au bord de la plage, des petits requins de moins d’un mètre côtoient les baigneurs. Noé et Dominique se sont aventurés un peu plus loin et en ont aperçu des plus gros. Brrr ! Sur terre, les iguanes antillais sont très courants. Karim en a compté une quarantaine. Notre séjour à Petite Terre touche déjà à sa fin et c’est vers Marie Galante que nous repartons.

 

Marie Galante est une île toute ronde et toute plate au sud-est de l’archipel. Peu touchée par le tourisme et les grandes chaines hôtelières, cette île a su garder toute son authenticité. La vie s’écoule tout paisiblement en cette période de Carnaval, chacun se connait et se salue, les plages désertes s’étendent sur des kilomètres. Le dénivelé modeste de l’ile nous incite à sortir les vélos. Voilà six mois qu’ils sont sur le pont de Wave Dancer à rouiller, enfin une occasion de s’en servir ! Cela nous prend bien deux heures pour regonfler, graisser, dégripper et remonter tout ça ! Malgré son allure plate, Marie Galante cache quelques belles montées. Dominique qui tire Yianis et Louis dans la charrette peine dans les côtes. Nous parcourons un bout de l’île au milieu des champs de canne à sucre, d’anciens moulins utilisés sur les plantations et de distilleries encore bien actives pour préparer le fameux rhum de Marie Galante. Nous passons une petite semaine sur l’ile avant de rejoindre la capitale de la Guadeloupe, Pointe-à-Pitre pour un arrêt technique.

 

Bisous à vous tous !

 

Du 19 au 25 février 2019

La Dominique, une petite île peu connue située entre les îles françaises de la Martinique et de la Guadeloupe. Avec un nom pareil, nous ne pouvions que nous y arrêter. La Dominique, c’est l’île la plus haute des petites Antilles avec un sommet à plus de 1400m. C’est une île qui a été ravagée par un ouragan en 2017. Tout le pays est en reconstruction, mais de nombreuses habitations sont encore en ruines ou sans toit. Les berges des rivières sont toutes à refaire. Dans les forêts qui verdissent toute l’ile, les dégâts sont moins impressionnants. La nature a vite repris le dessus. Dans notre guide, il est expliqué que la Dominique ne peut rivaliser avec les belles plages de ses voisines françaises. C’est l’intérieur de l’île avec ses vallées profondes et verdoyantes qui vaut le détour. Nous avons donc rangé les maillots et sorti les baskets pour découvrir ce pays.

Nous sommes arrivés à Roseau, la capitale tout au Sud de l’île. Nous n’avons pas le droit de mouiller, c’est donc sur une bouée que nous nous accrochons avec l’aide d’un boat boy très souriant qui nous salue avec un « Welcome to paradise ! » Nous payons notre bouée et partons à la découverte de la ville de Roseau. Pas de doute, nous voilà à nouveau dans une île anglophone ; de la musique reagge à fond un peu partout, des rastas de toutes âges qui nous saluent, du pain tout mou et sucré et des voitures qui roulent à gauche. La ville de Roseau est, comme le reste du pays, en reconstruction. Nous découvrons des supermarchés tous neufs et gigantesques, les maisons sont souvent fraichement repeintes et pleines de couleurs. Nous passons à côté de la maison du Premier Ministre qui éclate de blancheur et de neuf. Un peu plus loin, nous apercevons une église anglicane qui a encore son toit en moins ou une école dont toute une partie est détruite. L’aide du gouvernement semble se distribuer de manière bien inégale !

De retour au bateau, nous sommes abordés par un dénommé Marcus, qui assure la sécurité du mouillage et cherche à nous faire payer ses services. Ayant déjà payé pour notre bouée et un peu perplexes face à l’officialité de cette démarche, nous refusons de payer et lui expliquons que nous n’avons pas besoin de son aide. Il repart furieux. Nous l’apercevrons ensuite balayer le mouillage de son faisceau de lampe de poche durant une demi-heure avant de rentrer chez lui pour le reste de la nuit. Un peu plus tard dans la soirée, nos voisins de mouillage se rapprochent soudain beaucoup de nous. Nous constatons que la bouée sur laquelle ils se sont accrochés à lâcher et qu’ils dérivent gentiment. Heureusement, ils sont à bord et peuvent intervenir rapidement pour s’amarrer à nouveau sur une autre bouée (plus solide, on espère). De notre côté, systématiquement, nous enclenchons notre alarme de mouillage qui nous signale si l’on se met à dériver et nous allons contrôler les cordages des bouées. Ce n’est pas la première fois que l’on voit une bouée qui lâche !

Nous décidons de nous offrir une virée à l’intérieur des terres et louons un minibus avec un chauffeur-guide pour une journée. Nous avons fait la connaissance d’un couple de jeunes retraités qui passe six mois à naviguer aux Antilles et six mois en France et leur proposons de nous accompagner pour la journée. Notre guide est un Dominicain d’une cinquantaine d’années. Très sympathique, il nous parle de son pays, du gouvernement, de la reconstruction après l’ouragan, il nous fait découvrir quelques plantes médicinales et culinaires. Il nous emmène dans l’intérieur des terres à la découverte des beaux sites de la Dominique. Malheureusement, nous constatons très vite que tout est payant ! Pas moyen de faire une simple balade en forêt. Toute l’île est classée comme parc naturel avec entrée payante en US Dollars pour chaque site. La moindre gouille d’eau chaude, chaque cascade et même les quelques sommets avec vue sont soigneusement barricadés pour en contrôler l’accès. Nous qui surveillons de près notre budget, nous ne pouvons découvrir la beauté de cette île. Notre guide, habitués à emmener les touristes aux poches pleines ne sait pas quoi nous faire découvrir du coup. Nous rentrons très déçus de cette journée.

Nous partons bien vite pour le Nord de l’île et la ville de Porthmouth nichée au fond d’une grande baie assez abritée. Ici, ce sont les épaves de voiliers et bateaux de pêche qui bordent les plages. L’ouragan aussi a laissé des traces dans cette partie de l’île. Porthmouth est connue pour sa Rivière Indienne qui peut se remonter sur quelques milles. Nous nous lançons avec notre annexe. A peine arrivés à l’embouchure que nous sommes arrêtés. L’accès à la rivière nous est interdit avec notre annexe. Seuls les guides locaux ont le droit de s’y rendre et d’emmener les touristes. Si nous voulons remonter la rivière, il nous faut …payer ! On commence à le savoir !

Nous quittons la Dominique le plus tôt possible, dès que les conditions météo nous le permettent et une chose est sûre, nous n’y reviendrons pas !

 

 


Du 12 au 22 décembre 2018

C'est à Carriacou que nous nous rendons, une île au Nord de Grenade ou nous pourrons commander un nouvel étai. Les formalités douanières sont vite expédiées sous le regard d'un sympathique employé.

Nous nous ancrons dans une baie pleine de voiliers. Beaucoup sont inoccupés, laissés là par leurs propriétaires quelques mois hors des zones cyclonique le temps de renflouer la caisse de bord pour repartir à nouveau. D'autres se plaisent et s’attardent parmi ces îles vertes aux eaux turquoises et poissonneuses.


La commande de notre nouvel étai est assez facile. Quelques français bossent avec les locaux et nous servent d’intermédiaires. En deux jours, notre câble est là. Moi, qui avait potassé mon voc anglais, ce sera pour une prochaine fois ! Dans ce petit paradis, nous ne profitons pas tellement du farniente et des plages. Nous journées sont bien remplies. Il nous faut descendre l'ancien étai et l'enrouleur, démonter l'enrouleur et profiter de le réviser, hisser le nouvel étai, le fixer, puis remonter le génois. Dominique est monté 6 fois en tête de mât et mes pauvres bras souffrent encore d'avoir tant manipulé le winch pour le monter ! Enfin ! Nous voilà à nouveau avec un génois opérationnel !


On souffle un peu et on profite de ces beaux paysages. Ici, les maisons sont très colorées, les rues sont en terre battue avec des petites cahutes en guise de magasins. Tous nous saluent et sourient au passage de Louis qui arpente les rues au volant de sa draisine. Le reggae retentit un peu partout et apporte une note de bonne humeur. En un mot, sympa !
L'ile est très verte, recouverte de forêts où se cultivent la banane, les pommes-de-terre, le gingembre ou la cannelle. Le fléau national est un gros lézard vert appelé bissaya qui dévore les cultures. Nous croisons à plusieurs reprises des jeunes hommes fusils sur l’épaule avec trois ou quatre de ces lézards tués.
Le coût de la vie est un peu moins élevé qu' à La Barbade, mais nous demeurons dans une ile pu la production locale est peu nombreuse et beaucoup de produits importés. Nous commençons à comprendre que ce sera partout comme ça aux Caraïbes.


Après cet arrêt plutôt technique, nous jetons l'ancre proche d’une ile déserte en compagnie d'une autre famille française. Le snorkeling parmi les coraux est superbe : poissons de toutes les couleurs, étoiles de mer et oursins. Les plus chanceux ont aperçu une langouste. Les enfants se réjouissaient de construire une cabane sur l'ile. Ils sont accueillis par un panneau rempli d’interdiction. Ici, les paysages sont très protégés et il est interdit de déplacer du sable ou des rochers. Ce n'est pas encore là que nous nous prendrons pour Robinson Crusoé. Nous partageons néanmoins un chouette pique-nique avec nos amis.


Départ pour St-Vincent et les Grenadines !!

 

  

Du 8 au 12 décembre 2018

La Barbade est l'ile des Caraïbes la plus proche du Cap Vert. Nous en avions entendu beaucoup de bien, du coup nous l'avons choisie comme point de chute après notre traversée de l’Atlantique.

Avant de pouvoir nous ancrer à La Barbade et nous reposer de notre traversée, nous devons faire notre clearance d’entrée. Pour cela, nous devons contacter les douanes par VHF afin d’obtenir l'autorisation de nous amarrer. Avec les grésillements de la radio et notre anglais plus qu'approximatif, c'est un vrai calvaire de comprendre les instructions. En désespoir de cause, nos interlocuteurs, après avoir répété les instructions quatre fois de suite, nous envoie un gars pour nous faire signe et nous aider pour l’amarrage. Les formalités douanières se déroulent ensuite assez bien, mais l'anglais mâtiné de créole des Barbadiens nous laisse bien souvent perplexes ! Il va falloir améliorer tout ça !


Au bout de deux heures et trois bureaux différents, après une dizaine de pages de formulaires à remplir, nous voilà amarrés dans une superbe baie proche de la capitale, Bridgetown. L’eau est turquoise et affiche une température parfaite de 27°C. Une tortue vient nous souhaiter la bienvenue. Tous à l'eau !! À nos côtés, un équipage français avec deux enfants. Quelle joie pour nos trois grands qui ont passé deux semaines à se supporter tant bien que mal.


La visite de la ville de Bridgetown nous laisse soufflés. Ici, le coût de la vie est encore plus élevé qu'en Suisse. Les inégalités sociales sont frappantes. Dans les rues, de nombreux vagabonds dorment à côté de magasins luxueux proposant bijoux et vêtements de marque. Il est très difficile de trouver des fruits et légumes. Quasi tout est importé et hors de prix. Notre budget va en prendre un sacré coût. Nous limitons les dépenses au maximum, prenant juste un peu de frais bienvenu après notre périple en Atlantique. Pour la bière fraîche en terrasse, ca attendra encore un peu ! Autant dire que la lessive est hyper chère : mes 20kg de linge sale me coûterait 80.-. Je fais tout à la main en pensant bien à nos grands-mères !


La montée en haut du mât révèle une mauvaise surprise : l’étai a lâché. Pour les novices, l’étai est un câble qui tient notre voile à l'avant. Impossible de faire réparer à La Barbade où rien n'est prévu pour les plaisanciers. (Mais qu'est-ce qu'on fait là !) Dominique effectue une réparation de fortune à l'aide d'un serre-câble et d' un bout. Le mât est à nouveau correctement maintenu, mais le génois est inutilisable.


Vous l'aurez deviné, nous ne nous attardons pas trop à La Barbade du fait du coût de la vie et de cette réparation à faire. C'est direction Grenade et son chapelet de petites iles aux nombreux mouillages que nous nous dirigeons.

 


See you later !

 

  

 

 

 

Du 24 novembre au 8 décembre 2018

 

Samedi matin, 24 novembre, nous levons l’ancre de la baie de Mindelo, laissant le Cap vert derrière nous. La traversée de l‘Atlantique commence ! 2’085 milles jusqu’à La Barbade, l’île la plus proche des Caraïbes. A bord, tout est paré au mieux pour ce voyage de 15-20 jours.

 

Parmi l’équipage, chacun se réjouit et appréhende un peu à la fois. J’entends les enfants chantonner : « On va aux Caraïbes ! On va aux Caraïbes ! » Ils ont hâte de découvrir ces îles qui semblent si belles et vertes sur les photos. Les Caraïbes, c’est des repères de pirates, des trésors enfouis, c’est l’inconnu, c’est l’exotisme ! En même temps, à tout moment, une petite voix me demande : « Combien de jours ça va prendre pour traverser ? Tu crois qu’il y aura beaucoup de vagues ? » J’espère, tout comme eux, que cette traversée sera agréable.

 

Du côté des préparatifs, nous partons avec 750L d’eau répartis entre nos deux réservoirs et des jerricans. En faisant gaffe, nous consommons environ 20 L d’eau par jour, cela nous laisse une jolie marge. Le moindre recoin du bateau a été rempli de nourriture. Le hamac est plein à ras bord de fruits et légumes (et solidement renforcé cette fois-ci !). La situation météo pour ces prochains jours a été contrôlée par Dominique : alizés stables de 15-20 nœuds, houle du NW faiblissante. Départ !!

 

Lever les ancres de la baie de Mindelo est  assez sportif  avec 20 nœuds de vent. Heureusement que c’est une manœuvre que tout l’équipage maitrise bien. Dominique à la barre et Noé et moi à l’avant pour monter notre mouillage. La navigation devient vite difficile entre les îles où nous devons nous faufiler. Le vent forcit à 30 nœuds, la mer est blanche d’écume. Puis rapidement, nous passons dans la dévente des îles. Le vent devient irrégulier passant de 5 à 20 nœuds, changeant de 90° à plusieurs reprises. Alors que Dom se repose, je tente un empannage que je rate lamentablement. L’écoute du génois se coince sur le pont. Le temps de la décrocher et de retourner à la barre, le génois s’est enroulé sur lui-même. Je ne parviens pas à reprendre mon cap ni à dérouler le génois qui ressemble maintenant à une grosse boule à l’avant du bateau. Dominique, alerté par mes manœuvres, s’acharne un moment pour reprendre la situation en main en poussant quelques hurlées. Et moi, je me fais toute petite et rouge de honte. Qu’ils sont loin mes cours de voile sur un lac lisse comme un miroir avec un petit thermique d’à peine 5 nœuds ! Aïe ! Après trois mois en mer, mes heures de barre se comptent sur les doigts des mains. Je laisse volontiers cette tâche ardue pour me consacrer à mon rôle de maman - cuisinière – maitresse (ce qui n’est pas sans difficulté  non plus avec mes 4 moustiques). Bien que cette vie sur l’eau me plaise beaucoup, la mer et le vent parlent une langue que je ne maitrise pas encore!

Après 10 jours bien tranquilles au mouillage, nos corps n’ont plus l’habitude des mouvements du bateau. Les premiers jours de mer sont très difficiles pour Dom et moi. Notre sommeil est léger et peu réparateur. Le mal de mer me guette et frappe notre Capitaine durant 2-3 jours. Dominique passe la journée à dormir et ne mange quasi rien. Heureusement que le bateau demande très peu de réglage. Au portant avec le génois seul et le pilote enclenché, Wave Dancer trace sa route sans sourciller. Je laisse Dominique en paix deux jours avant de râler. Après tout, cette navigation est pénible pour tout le monde et j’en ai marre de m’occuper seule des gosses, de la cuisine, de la vigilance bateau tout en assumant mes quarts. Où est donc ce capitaine qui navigue depuis l’enfance sensé nous emmener tout autour du monde ? Le message est reçu et voilà mon homme à nouveau d’aplomb. Néanmoins, après ces quelques jours, la poursuite dans le Pacifique est, pour l’instant, remise en doute.

Pour les enfants, cette navigation est bien moins pénible. Ils ne souffrent pas du mal de mer et s’adaptent super bien aux mouvements du bateau. A bord, ce sont de vrais soleils, puisant leur bonheur dans la moindre occasion : un jeu, une lecture que je leur fais, un bon petit plat, un poisson volant, … Ils sont époustouflants nos matelots ! Noé et Karim assument avec beaucoup de sérieux leur quart de 21h à minuit. Yianis meurt d’envie de les rejoindre et nous le laissons à deux reprises de quart avec ses frères. Les deux grands sont tout fiers de lui expliquer ce qu’il faut contrôler. Louis vaque à ses petites occupations : une sangle, un mousqueton, un sous-plat en liège sont des jouets parfaits !

Au bout de cinq jours, nous trouvons enfin nos marques. Le mal de mer est pour tous un lointain souvenir. La maitresse retrouve assez d’énergie pour reprendre l’école au grand dam de ses élèves. Mise à part le programme scolaire, nous passons le temps avec des bricolages, des histoires, des jeux, de la cuisine, de la gymnastique, …

Nous fêtons l’anniversaire de Dominique le 30 novembre. La mer, lui a fait un chouette cadeau. Un beau poisson de 2,7kg! Nous avons un peu de peine à savoir ce que c’est, mais ça a l’air mangeable selon nos critères assez peu exigeants. C’est plutôt gris, avec une forme de poisson classique ? Oui, alors à table ! Après moultes recherches, nous pensons à une sériole ! Durant presque toute la traversée, la pêche est rendue impossible par des tonnes d’algues qui flottent à la surface et se prennent dans nos hameçons sans arrêt. Grrr !

 

Après 14 jours de navigation, La Barbade est en vue. Alors qu’il ne nous reste que 5 milles à parcourir, un claquement sec retentit dans le gréement. Quelque chose a lâché en tête de mât et notre génois n’est plus correctement maintenu. Drisse ou étai ? Difficile à dire depuis le pont. Pour maintenir le mât sur l’avant, nous fixons notre étai volant et la drisse de spi. Nous enroulons génois et grande voile pour limiter les forces sur le mât, puis terminons au moteur. L’arrivée à la Barbade sera saluée d’une petite montée en tête de mât par notre Capitaine.

 

Après ces deux semaines passées en mer, nous sommes tous assez fiers de ce que nous sommes parvenus à faire. Nous, des petits Suisses lacustres ! L’heure est maintenant au repos et à la baignade !!

 

  

 

 

Du 11 au 22 novembre 2018

 

Que d’échos négatifs sur le Cap Vert nous avons entendus auprès des plaisanciers croisés en chemin. Pays très pauvre, grande insécurité : les vols sur les bateaux et les vols d’annexe sont très courants, ravitaillement difficile : pas de viande, les légumes sont secs et peu nombreux, pas de gaz, … Tellement de négatif, qu’au départ des Canaries, nous avions presque envie de continuer directement sur les Caraïbes. Et pourtant, nous aurions dû écouter Cesaria Evora lorsqu’elle chantait :

Oi Cabo Verde terra estimada
Terra di paz terra di gozo

L’arrivée dans la baie de Mindelo sur l’île de Sao Vicente est assez sportive : 30 nœuds de vent, des épaves disséminées un peu partout dont certaines sont juste à fleur d’eau. C’est jumelles en main pour moi et l’œil rivé à sa carte Navionics pour le Capitaine que nous jetons l’ancre dans cette grande baie abritée de la houle. Wave Dancer aborde le drapeau du Cap Vert fait maison et le drapeau jaune indiquant que nous n’avons pas encore fait les formalités douanières. Nous sommes dimanche, les douanes sont fermées. Repos pour tout l’équipage !

Lundi matin, j’emmène Dominique en annexe pour qu’il puisse faire les formalités d’entrée au Cap Vert. A peine quitté Wave Dancer que le moteur tombe en panne. Impossible de le redémarrer, le vent souffle à 35 nœuds et nous pousse loin du bateau. Autant dire que le retour en rames est impossible. Heureusement, deux barques de pêcheurs locaux nous viennent en aide et nous voilà vite à nouveau à bord de notre voilier. Ce premier contact avec les Cap Verdiens nous fait bonne impression ! Pour les formalités douanières, par contre, il va falloir attendre la révision du moteur de l’annexe par notre Capitaine adoré. Ce n’est que mardi matin, nos passeports tamponnés, que tout l’équipage peut enfin débarquer sur le sol du Cap Vert.

Mindelo ! Les rumeurs ont bien été démenties. L’envie de bouger à la découverte du reste de l’archipel ne se fait pas sentir tant nous nous sentons bien ici.

Nous avons découvert une petite ville aux avenues propres et pleines de vie. Les gens sont soignés et souriants. Il est vrai que nous avons la chance de voyager avec des enfants. Cela attire la sympathie et la curiosité. Dom et moi déambulons dans les rues sans nous lasser, tout est si différent ! Des vendeurs de rues qui proposent légumes, poissons ou bonbons, un marché aux poissons qui retentit de cris et de rires, des barques de pêche colorées emplies de jeunes qui nous saluent en passant, de nombreuses petites boutiques qui vendent tout un bric-à-brac indescriptible. Côté ravitaillement, nous trouvons de tout, mais les prix sont assez élevés car beaucoup de choses sont importées du Portugal principalement. Les enfants râlent un peu devant cette exploration citadine. Heureusement, nous avons rapidement découvert une superbe plage aux abords de la ville : sable blanc et eaux turquoises… J’ai fait quelques photos pour vous donner envie !!

La seule chose qui nous manque, c’est un magasin nautique pour réparer notre spi. Il y a bien quelques quincailleries par ci par là, mais pas de poulies en vue ! Un jour avant notre départ, alors que nous pensions nous passer du spi pour la traversée, Dom tombe sur une poulie vendue dans la rue entre des colliers de coquillages et des bidons d’eau. Voilà notre Capitaine  tout content, il pourra monter sa belle voile colorée !

Bisous !

 

  

 

 

 

 

Du 5 au 11 novembre 2018

Dimanche 11 novembre, 4h

Après six jours passés en mer, les côtes du Cap Vert sont en vue. Pour éviter une arrivée nocturne, nous passons le reste de la nuit à la cap à 15 milles de Mindelo, notre point d’arrivée. Dominique me réveille pour prendre quelques heures de repos. Je repense à ce que nous venons de vivre…

Six jours, 800 milles parcourus, ce fut une vraie épreuve pour tous dans le bateau.


Nous avons quitté l’île de El Hierro avec en tête une arrivée à Praia, la capitale du Cap Vert dans le Sud de l’archipel. De la casse au niveau du spi a modifié notre cap. Ce sera Mindelo, ville bien connue des plaisanciers car c’est le seul endroit de l’archipel prévu pour l’accueil des voiliers au long cours : une marina, des magasins nautiques (du moins, c’est ce qu’on croyait) et un ravitaillement correct. De tous les bateaux croisés en chemin, tous s’y arrêtent. Nous qui aimons sortir des sentiers battus, nous avions décidé de laisser Mindelo de côté pour aller visiter les petites îles du Sud, moins touristiques et plus sauvages. Tant pis ! La faute a un grain qui nous est arrivé dessus la première nuit alors que nous naviguions sous spi. Les airs tournent rapidement et notre pilote automatique perd le cap. Le spi se met complétement sur tribord et nous fait pencher fortement. Dominique reprend la barre et place à nouveau le bateau vent arrière. Il largue le spi du tangon. L’écoute part avec une telle force qu’une poulie éclate en morceaux. Le spi est ensuite rapidement descendu, manœuvre délicate par nuit noire et sans chaussette. Ouf ! Le calme est vite retrouvé à bord, mais le spi ne peut plus être monté. Le reste de la navigation se fera sous grande voile et génois.

 

Cette traversée est un peu plus éprouvante que la précédente. Partie avec angine et fièvre, je parviens à assumer mes quarts et les repas, mais les enfants sont un peu livrés à eux-mêmes. Heureusement, grâce à ma trousse de pharmacie (homéopathie, aromathérapie et phytothérapie, j’ai tout pris !) me voilà rapidement à nouveau en forme. C’est au tour de Dominique de se coincer la nuque. Ça monte en migraine durant deux jours. Il assume ses quarts et s’occupe de la navigation bravement. Une houle courte et désordonnée, rappelant la Méditerranée, nous balance de bâbord à tribord. Bien souvent, lors des repas, assiettes et services traversent la table d’un bout à l’autre. Nous mangeons penchés en avant à retenir d’une main nos couverts et manger de l’autre. Les verres ont été abandonnés au profit de la bouteille directement. Les bonnes manières seront à revoir ! Préparer les repas demande beaucoup d’organisation car rien ne peut être laissé sur le plan de travail. Cette fois-ci pas de pâtisseries maison, mais des tambouilles à la marmite à vapeur. On trouve quand même le courage de faire des raviolis maison avec Yianis. Miam !

A bord, l’ambiance est électrique. Le roulis et la fatigue sapent le moral de mes matelots. Louis pleure à la moindre contrariété. Noé réclame de rentrer à la maison pour retrouver ses copains. Karim affiche une mine boudeuse du matin au soir. Quant à Yianis, qui a bon caractère, il se retrouve au milieu de cette mauvaise humeur bien malgré lui. C’est dans ces moments-là que je me demande bien pour quelles raisons nous nous infligeons un tel supplice. Heureusement ces pensées négatives ne durent jamais bien longtemps. Mais quand même, vous qui rêvez peut-être en lisant nos récits. Eh bien ! C’est à notre tour de rêver d’un lit et d’une cuisinière qui ne bougent pas ou de passer un repas sans recevoir l’assiette de notre voisin de table sur les genoux ! Pour motiver ma petite troupe, j’impose une demi-heure de jeux pour se défouler chaque jour (bataille de chatouilles ou de peluches, cache-cache, chansons à gestes,…). Je prépare aussi une playlist de musique bonne humeur que je lance au moindre coup de cafard à bord !

 

Durant toute la traversée, nous ne croisons qu’un seul bateau. Un gros chalutier qui remonte en sens inverse. La surveillance de nuit se relâche un peu et c’est chaque demi-heure que nous effectuons un contrôle : pas de bateau, ciel étoilé (pas de grain en vue, on retient la leçon !), le cap c’est bon, vitesse du vent stable, AIS rien à signaler! Pendant les quarts, chacun s’occupe à sa manière. Les garçons jouent aux cartes ou aux échecs. Dominique opte pour les turbo-siestes. Et moi, motivée les premières nuits par l’astronomie, j’ai ensuite rapidement adopté la technique de Dominique car la fatigue s’installe peu à peu.

De jour, de nombreux poissons volants quittent en banc le sillage de Wave Dancer. On en retrouve souvent sur le pont et les enfants ont eu la surprise d’en voir un tomber dans le carré lors de leur quart. Autant dire que tout le monde était réveillé dans le bateau par leurs cris enthousiastes ! Nous rentrons dans des zones très poissonneuses et le nombre d’oiseaux marins en chasse nous le prouvent. Par contre, côté pêche, c’est chou blanc depuis que nous sommes en Atlantique ! Je ne compte plus les leurres perdus au fond de l’eau car la ligne s’est cassée. Notre capitaine Papa monte alors une ligne spécial thon : sandow, câble en acier et hameçon triple avec des bouts de nylon bien brillants en guise de leurre. Affaire à suivre !

  

Du 31 octobre au 4 novembre

Dernière île de l’archipel des Canaries, El Hierro et son petit port de pêche La Restinga comme point de chute. Depuis qu’un bateau-copain nous a dit que l’on pouvait voir des tortues dans le port, les enfants ont décidé qu’il fallait nous y arrêter. Nous les avons écoutés et nous avons bien fait ! Les petits ont pu voir une tortue nager autour du bateau et les grands ont découvert un endroit plein de charme. La Restinga, c’est un petit village au Sud d’El Hierro réputé pour ses beaux spots de plongée. Les quelques touristes que l’on croise sont en combi de plongée, ça nous change des écrevisses en maillots ! Malgré cet attrait touristique, le village n’a rien perdu de son authenticité. Les gens sont chaleureux, souriants et aidants. Ici, tout le monde se connait, ça papote à chaque coin de rue. En plus, le paysage est vraiment superbe. Des coulées de lave descendent jusqu’à la mer. C’est à moins d’un milles de La Restinga qu’a eu lieu la dernière éruption volcanique des Canaries. C’était en 2012, une éruption sous-marine qui a nécessité l’évacuation préventive du village. Pas de dégâts visibles, mais la faune marine a été décimée aux alentours. Parmi ces roches noires, semblables à des coussins, Karim a découvert un trou souffleur comme celui visible aux Calanques de Cassis. Il était très fier de sa trouvaille !

Au port, comme souvent, les voiliers français sont les plus nombreux. Nous rencontrons deux vieux solitaires pleins d’astuces et de conseils pour la suite de notre voyage. Nous repartons avec notamment 9’000 e-books sur notre disque externe. Côté lecture, je crois que c’est bon ! Un jour avant notre départ, un équipage familial vient s’amarrer à côté de nous avec à bord un garçon de 11 ans prénommé Noé… Sacrée coïncidence !

Le temps fraichit, nous avons sortis pulls et duvets. Déjà début novembre ! Il est l’heure de diriger l’étrave de Wave Dancer sur le Cap Vert. Il n’est pas facile pour les garçons de quitter les copains sitôt les liens noués. Pour nous aussi, les liens se font et se défont, le carnet d’adresse se remplit, on espère se recroiser en route… La vie des voyageurs est ainsi faite. Emplie de mille rencontres et mille départs !

Prochaines nouvelles du Cap Vert !

 

  

 

 

 

Du  22 au  31 octobre 2018

La Palma, Isla Bonita, l’île la plus verte des Canaries. Des volcans au Sud, des sommets qui culminent à 2400m, des vallées couvertes de forêts et des cultures de bananiers et de vignes. Avec la mer en toile de fond, quel joli cadre pour accueillir ma maman !

L’arrivée au port de Santa Cruz a de quoi surprendre. C’est devant une porte fermée avec feu rouge que nous nous retrouvons. Appel à la marina : le port est en travaux, nous devons attendre une heure avant de pouvoir entrer ! Ça, c’est pas mal ! Et nous avions réservé en plus ! Nous nous amarrons au quai des ferrys en espérant ne pas nous faire déloger en vitesse par l’un de ces monstres marins. Nous apprendrons plus tard qu’une porte a été installée à l’entrée du port pour lutter contre le ressac. Voilà trois mois qu’elle est en place et que les travaux d’entretien ne cessent de se suivre. La porte grince à longueur de journée (et de nuit), quant au ressac … ça laisse à désirer, mais nous sommes habitués avec les mouillages !

Les retrouvailles avec ma maman sont pleines d’émotion pour nous deux qui étions habituées à nous voir très souvent. Les quelques jours que nous passons tous ensemble sont vraiment agréables. Pour l’occasion, les enfants ont droit à leurs premiers jours de vacances scolaires. Nous louons une voiture et partons à la découverte de l’île.

Le sud de l’île est sec et la terre volcanique. On peut voir de nombreuses plantations de vignes sur les pentes des volcans. Plus proche de la mer, le raisin cède sa place aux bananes. Nous nous baladons dans un décor tourmenté par d’anciens cratères.

Le lendemain, nous montons au sommet de l’île par une route tortueuse, qui donne quelques sueurs froides à ces dames. Nous quittons la mer et le soleil pour nous retrouver dans le brouillard à 2400m d’altitude. Les nuages nous gâchent un peu la vue. Entre deux trouées, nous devinons l’imposant cratère qui occupe tout le centre de l’île. La descente est moins impressionnante heureusement. Nous nous rendons à des piscines naturelles au Nord de l’île. Seul Karim, Noé et moi trouvons le courage pour nous baigner sous la pluie qui s’est invitée pour le reste de la journée.

La journée suivante est maussade et ponctuée d’averses. Nous profitons d’une accalmie pour arpenter les ruelles pavées et pleines de charme de Santa Cruz. Bientôt le départ de notre chère grand-mère s’approche. Petits et grands, nous aurons été bien gâtés. Nous nous régalerons encore quelques jours de gruyère et de tommes qui nous manquaient tant (sauf Noé, qui déteste le fromage et râle à chaque fois que j’ouvre le frigo !)

Arlette repart pour la Suisse et nous allons passer 3-4 jours à El Hierro.

 

Une bise à vous tous!

  

 

Du 16 au 21 octobre 2018

Décidément les conditions météo mènent le bal dans ces îles Canaries. Nous n’avons pu nous arrêter au Sud de Fuerteventura, le mouillage était agité par une forte houle. Après un arrêt de quelques jours à Gran Canaria et aux belles dunes de Maspalomas, nous fonçons nous abriter du prochain coup de vent au Sud de l’île de La Gomera. Nous laissons Tenerife dans notre sillage. Les navigations entre les îles sont musclées. La mer semble hachée, des vagues courtes et irrégulières arrosent le pont et nous avec. Ris dans la grande voile, génois enroulé d’un tiers, tourmentin prêt à être monté, une allure dont nous n’avons pas encore eu l’habitude avec Wave Dancer.

 

L’île de La Gomera est réputée pour ces belles ballades. Ça tombe bien ! Tout l‘équipage était un peu en manque de verdure ! Nous lâchons l’ancre au Sud de l’île, à Playa Santiago. Petite ville aux allures bien locales avec sa grande place remplie de cris d’enfants et de vieillards assis à ressasser le passé. Quelques touristes en chaussures de randonnées, une plage de sable noir et des plantations de bananiers.

Nous nous lançons à la découverte du parc de Garanjonay en guagua, le bus local. C’est un parc national qui couvre le haut de l’île et qui est réputé pour ses forêts de lauriers. Au programme, une petite marche de 5 km qui nous amène jusqu’au sommet de l’île. Quel bonheur de se dégourdir les jambes en pleine nature ! Nous nous faisons un peu surprendre par le froid qui règne à cette altitude. Nous sommes à 1500m ! La pluie s’invite pour le pique-nique et nous bouche la vue depuis le sommet. Tant pis ! Je suis si heureuse de marcher en forêt que cette averse ne change rien. D’ailleurs, ces 5 km sont avalés comme de rien par notre petit Louis. Il apprécie tout autant que nous tous ce beau paysage.

Notre séjour à Playa Santiago se prolonge d’un jour afin de nous permettre d’assister à une fête villageoise, la fiesta de la Virgen de Guadeluppe. C’est en bateaux parés et colorés que la vierge est ramenée au Port. Quelques chants traditionnels, puis musique sur la place jusqu’à 4 heures du matin. Nous avons rejoint notre voilier plus tôt, mais mouillant en face de la place, nous avons profité des rythmes latinos jusqu’aux aurores !

Les enfants ont l’occasion de pratiquer un peu d’allemand avec un copain de jeu en vacances. Dur, dur de mettre en pratique son vocabulaire pourtant révisé avec assiduité à bord ! Un peu plus tard, quelques enfants du village rejoignent les garçons. De quoi les motiver à apprendre l’espagnol ? C’était compter sans Google Translate qui leur a permis de communiquer bien mieux que tous mes cours de langue !

 

L’heure est venue pour nous de rejoindre l’île de La Palma où ma maman nous rejoint pour une petite semaine. A bord, tout le monde compte les jours !

 

 

Du 4 au 12 octobre

Afin de de nous reposer quelques jours de la traversée, nous nous ancrons dans un joli mouillage de l’ile de La Graciosa au Nord de Lanzarote, la Playa Francesa. Quel nom bien choisi pour cette baie où de nombreux voiliers au pavillon tricolore nous entourent. Le soir venu, un petit apéro entre francophones est improvisé sur la plage. Nous y rencontrons cinq autres familles de voyageurs. C’est une vingtaine d’enfants qui s’ébat joyeusement pendant que les parents discutent autour d’un verre. L’occasion pour ces messieurs les Capitaines de s’épancher sur leurs soucis de mécanique et les prouesses de leur navire. Du côté des dames, on papote lessive et école. On ne bouscule pas les clichés !

Tout comme ses grandes sœurs Lanzarote et Fuerteventura, l’ile de La Graciosa est plutôt désertique. C’est dans un décor lunaire que nous nous rendons au sommet d’un volcan éteint. Pour les enfants, cela revêt une signification spéciale car c’est la première fois qu’il marche sur un volcan. Nous n’avons du coup pas de peine à motiver notre petite troupe, habituellement bien rebelle, pour ces deux heures de marche !

Après trois jours de détente, nous nous rendons au Sud de Lanzarote. Changement de programme en cours de navigation. Le vent du Sud se lève un peu plus vite que prévu et nous nous devons de trouver un mouillage abrité. Nous relâchons finalement au Nord de Fuerteventura, proche de la ville de Corralejo. Pour ces prochains jours, la météo impose le programme car des rafales jusqu’à 40 nœuds sont prévues. Les envies de chacun et chacune sont mises entre parenthèses. Eh oui ! Nous avons aussi quelques contraintes de temps en temps ! Néanmoins, nous sommes un peu têtus et l’idée de rester trois jours à l’ancre à attendre que le temps se calme m’agace un peu. Nous nous lançons alors pour une virée d’une journée sur l’île de Lobos à moins d’une dizaine de milles. L’ancre de Wave Dancer est levée, le retour à Corralejo est prévu pour le soir. Après une rapide navigation, nous jetons l’ancre dans une baie aux eaux turquoises. Dominique préfère rester vigilant sur le bateau pendant que nous allons faire les touristes sur l’île. Après trente minutes sur les jolis sentiers de Lobos, appel du Capitaine à la VHF portable. Il nous faut rentrer, et en vitesse ! Le vent se lève sérieusement et les vagues se déchainent contre la coque de Wave Dancer. Bien protégés à l’intérieur des terres, nous flânions sans nous soucier de rien ! Je ne vous raconte pas la montée dans l’annexe projetée contre le ponton par les vagues qui déferlent ni l’arrivée sur notre bateau qui saute plus qu’il ne danse ! Nous regagnons bien vite notre petit mouillage de Corralejo avec le sentiment de rentrer à la maison. Message reçu Eole et Poséidon, j’attendrai que vous soyez de bonne humeur pour assouvir mes envies de tourisme !

Cet arrêt forcé à Corralejo est aussi l’occasion pour notre Capitaine de réviser une bonne fois le moteur de Wave Dancer. Depuis notre panne à Majorque, il cale régulièrement et baisse de régime à tout moment. C’est toujours avec un certain stress que nous arrivons au mouillage en espérant ne pas devoir finir notre approche à la voile. L’ignoble responsable de ces tracas est identifié après une matinée de boulot. Un tuyau d’alimentation s’était détérioré et bouchait l’aspiration du diesel. Pour le coup, le moteur de l’annexe est aussi passé en revue pour ma plus grande joie. Je détestais partir avec ce moteur capricieux qui calait dès que les gaz étaient baissés rendant mes arrivées aux pontons parfois (souvent) un peu chaotiques (surtout sous le regard de charmants quidams) !

 

Hasta pronto !

 

 

 

Du 29 septembre au 3 octobre 2018

Nous quittons Gibraltar le samedi 29 septembre à 9h. Les conditions météorologiques sont favorables pour passer le détroit et poursuivre en Atlantique durant les six jours prévus pour arriver aux îles Canaries : vent d’est modéré dans le détroit, alizés stables, pas de grain en vue. C’est parti pour l’océan ! Et nous devenons vraiment « une famille sur les océans ».

Le premier jour, nous sommes accompagnés par un catamaran qui a choisi la même route que nous. De nombreux paquebots, rejoignant ou quittant la Méditerranée, naviguent autour de nous. Rapidement, durant la première nuit, tous les navires changent de cap et la terre disparait à l’horizon. Nous voilà seul au monde ! Durant quatre jours et quatre nuits, nous ne croiserons aucun autre bateau. Les seuls signes de vie sont quelques rares pétrels qui planent au ras des vagues.

Nous rejoignons les alizés dès le deuxième jour. Le spi est monté et Wave Dancer file plein vent arrière à belle allure. La mer est calme et les airs restent stables.

Sur le bateau, la vie s’écoule paisiblement rythmée par les quarts et les repas. La nuit est partagée en trois quarts : Noé et Karim de 21h à minuit, Dominique de minuit à 3-4h, puis je termine la nuit. Vers 9-10h, toute la tribu est levée. Déjeuner et école occupe la matinée. Après le repas, chacun s’occupe comme il le souhaite. Une sieste pour Louis et bien souvent Dom ou moi selon notre état de fatigue. Lego, livres, jeux de société ou dessins pour les trois grands. Pêche ou matelotage pour le Capitaine. Quant à moi, je bouquine, j’écris ou je fais du yoga. La fin de l’après-midi est un moment de jeux ou de bricolage tous ensembles. Nous nous faisons aussi plaisir avec des biscuits maison ou des tresses. Mais qui conduit le bateau, vous demandez-vous peut-être ? Notre fidèle et robuste pilote automatique ! Indispensable !

Eprouvante, cette traversée ? Eh bien ! Pas tellement ! Nous avons la chance d’avoir des conditions très agréables pour la navigation. Nous avons le temps de rêver, nous nous donnons le droit de ne rien faire, nous sommes disponibles les uns pour les autres. Je crois que tous apprécient ces moments-là. Je vois le visage épanoui de mes cinq hommes. Je suis surprise par le calme et la gentillesse qui règnent à bord entre mes 4 matelots. Pour la première fois depuis notre départ, j’ose croire que ce voyage plaira à tous !

 

 

Le 29 septembre 2018

Un article un peu plus technique qui plaira peut-être aux amateurs de voile qui nous suivent.

Le passage de Gibraltar d’est en ouest est délicat. Un courant contraire vient de l’Atlantique vers la mer Méditerranée qui s’évapore plus vite qu’elle ne se remplit. De plus, les vagues sont particulières car courant et vent s’affrontent dans le détroit. Certains plaisanciers parlent de mer bouillonnante et de tourbillons. Nous n’en avons pas vu.

Nous avons réalisé la préparation de cette navigation tant bien que mal à l’aide d’instructions nautiques piochées sur Internet et de plusieurs applications de navigation et de météo comme MeteoConsul, El tiempo.es et Squid. Comme toujours avec le web, nous avons lu à peu près toutes les manières de faire entre l’heure du départ et la route à prendre. Nous avons choisi l’option qui nous semblait la plus judicieuse compte tenu des conditions prévues. Cela s’est super bien passé pour nous !

Le jour du départ a été planifié en fonction du vent. Un vent d’est modéré (20 nœuds), le Levante nous a poussés hors du détroit à toute vitesse. Wave Dancer filait à 10 nœuds. Un record !

L’heure du départ a été décidée en tenant compte de la marée qui influence les courants. Nous sommes partis 3h après la marée haute (PM+3). Cela nous a permis de lutter avec un courant contraire assez faible au niveau de Tarifa, le point le plus étroit du détroit.

Pour la route, nous avons longé la Côte Espagnole jusqu’à Tarifa, puis nous avons continué plein Ouest durant 100 milles afin de rejoindre les Alizés. Nous étions une quinzaine de voiliers à partir en même temps de Gibraltar ce matin. Nous poursuivons notre route avec un catamaran qui a fait le même choix que nous. Il s’éloignera durant la première nuit pour mettre cap plus au sud.

 

 

Après les Baléares, nous rejoignons la Côte Sud de l’Espagne un peu avant Alicante. Cette fois-ci plus le temps de s’attarder, nous devons retrouver la famille de Dominique dans quelques jours à Torrevieja. Après un mois d’ancrage, nous nous amarrons dans un port. Ce sera l’occasion de remplir les réservoirs d’eau, d’avoir de l’eau chaude, de faire les courses et quelques lessives. Nous passons quatre jours très agréables avec nos proches. Les enfants sont vraiment contents de retrouver leur grand-père qu’ils n’avaient pas vu depuis un an. Nous sommes gâtés comme des rois entre restaurants et glaces pour les jeunes. Nous pouvons même transporter nos commissions en voiture. Moi, qui me chargeait de cette tâche à vélo depuis plus d’un mois, quel luxe !

 

Après cette petite pause, nous reprenons nos navigations. Le Capitaine a fait ses calculs. Afin d’atteindre Gibraltar avant la fin du mois, nous devons parcourir entre 35 et 45 milles chaque jour. Cela représente entre 8 et 10 heures de navigation quotidienne. Eh oui ! On avance pas très vite en voilier ! C’est avec un petit pincement au cœur que je vois s’éloigner Carthagène où j’aurais bien aimé m’attarder un peu.

Pour nous redonner le sourire, nous avons la chance de voir des dauphins tous les jours. Ils restent pour le moment assez loin du bateau. Quel plaisir néanmoins pour chacun ! La pêche, qui marche toujours autant, nous régale d’une petite dorade coryphène. Au menu de ce soir, tartare de maquereaux et dorades avec toast maison !

Quelques jours plus tard, la ligne de pêche se déroule soudainement. « C’est un gros ! » s’exclame Dominique. Nous sortons tous pour l’aider armés du filet et de la gaffe de pêche, nous réjouissant déjà à l’idée du thon ou de la coryphène… C’est un sac en plastique à moitié rempli d’eau qui pend au bout de la ligne ! Pollution, pollution ! A tout moment, bouteilles en PET, morceaux de sagex et autres débris de plastique nous passent à côté. Du côté de la palme d’or du plus original objet flottant, j’hésite entre le coussin ou la porte en bois !

 

 

Nous poursuivons notre trajet et rejoignons la mer d’Alboran, la partie la plus à l’ouest de la Méditerranée. Nous longeons les côtes de l’Andalousie. Le paysage est blanc, entièrement  recouvert de bâches. La surface est impressionnante ! C’est ici que les fraises et tomates d’Espagne, que l’on retrouve sur nos étalages tout au long de l’année, sont produites.

Chaque jour, des messages d’alerte retentissent à la VHF. On nous signale des petites embarcations à la dérive ayant quitté les côtes marocaines. Un jour, c’est 15 personnes, le lendemain 50, … Cela nous rappelle que la migration est bien réelle. Bien protégés en Suisse, nous étions un peu détachés de ce problème.

 

Après quelques jours où le vent nous a fait languir, nous arrivons à Gibraltar. Cela marque la fin de notre navigation en Méditerranée. C’est avec une certaine émotion que je vois se dessiner à l’horizon ce rocher. Une page se tourne. La suite, c’est l’Atlantique ! A bord, nos matelots sentent eux aussi que ce moment est particulier. L’excitation règne à bord. Tous les quatre sont pleins de vie et passent sans arrêt de bâbord à tribord pour admirer les gros paquebots ancrés dans la baie. De quoi donner des sueurs froides à votre navigatrice.

Nous passons cinq jours au mouillage près de Gibraltar dans l’attente de conditions favorables pour traverser le fameux détroit. Nous en profitons pour aller faire un tour en Angleterre. Pour nous tous, c’est une première ! Passage de la frontière, puis traversée de la piste d’aéroport. Le tout à pied !

Gibraltar, c’est un grand rocher entouré de mer. Les nuages se forment en permanence sur les hauteurs de la presqu’île. Ce qui plonge tout Gibraltar dans la grisaille. Nous sommes bien en Angleterre ! Passé la frontière espagnole, le soleil refait son apparition. Au pied du rocher, désigné comme réserve naturelle, s’étend la ville à l’ouest et quelques plages à l’est. Nous souhaitons visiter la réserve et c’est donc vers les hauteurs de la presqu’île que nous nous rendons. Il s’agit bien d’une réserve : barrière à l’entrée et permis à acheter pour y accéder. Pour ce qui est de la nature, par contre, on cherche encore ! Nous marchons sur une route goudronnée où bus et voitures nous passent à tout moment à côté. Les talus sont jonchés de déchets. Le long du chemin, nous pouvons apercevoir des canons et des fortifications datant du siège de Gibraltar à la fin des années 1700. Et enfin, le moment tant attendu par les enfants, les Macaques berbères importés par les Anglais qui vivent en liberté sur le rocher.

Prochaine étape et non des moindres le passage du détroit de Gibraltar, puis l’Atlantique.

Une bise à vous tous !

 

 

Ibiza

En préparant notre périple aux Baléares, je ne pensais pas m’arrêter à l’île d’Ibiza. Elle était synonyme pour moi de fiestas et discothèques, idéale pour des jeunes branchés. Une étape qui ne me semblait pas adaptée à notre équipage familial à petit budget. Nous avons finalement décidé de nous y arrêter après en avoir entendu beaucoup de bien de la part de quelques proches et de notre guide de voyage.

C’est aux abords de la ville d’Ibiza, dans une baie cernée de constructions avec en toile de fond des paquebots illuminés que nous plantons notre ancre. Nous partons à la découverte de la ville et, surtout, de son centre historique appelé Dalt Vila. La visite de la vieille ville entourée de remparts se mérite. Elle est située dans le haut de la ville et c’est à pied que nous nous y rendons. Nos moussaillons rouspètent tout au long de la marche et de cet interminable moment culturel. Quelles idées parfois, ces parents ! Seul Louis, une petite main fermement accrochée à celle de son papa, parcourt ces quelques kilomètres sans broncher.

Dalt Vila est très dépaysant. Ses maisons blanchies à la chaux et son labyrinthe de ruelles rendent cette vieille ville bien particulière. Nous nous y attardons quelques heures, puis rejoignons la ville basse plus branchée. Ici, tout est jeune et beau ! Les restos veggies côtoient d’innombrables boutiques de vêtements. On se prend en photos dans des tenues et des poses les plus valorisantes. Ibiza demeure fidèle à sa réputation !

 

Malgré tout, l’île d’Ibiza demeure très belle. L’intérieur des terres est couvert de forêt de pins dans lequel le chant des cigales résonne. Les côtes sont très découpées avec de nombreux petits îlots.

Après notre arrêt citadin, nous mouillons un peu plus loin dans une jolie crique bordée de falaises rouges. Au fond, une petite plage de galets où s’entassent de nombreux morceaux de bois. Ce soir, ce sera grillades sur la plage ! Les enfants s’adonnent même à la poterie avec la terre rouge qu’ils cuisent dans le feu. Un porte-crayon pour Karim et un verre pour Noé. La construction de Yianis n’a malheureusement pas résisté.

Si l’endroit est très beau, le voisinage au mouillage est plutôt « m’as-tu vu » ! C’est à qui aura le plus gros bateau moteur et le plus illuminé le soir venu. Dans tous les sens, c’est un bal de jets-skis, skis nautiques et annexes !

 

Aventures à Formentera

Après une courte navigation entre Ibiza et Formentera, nous mouillons en face d’une jolie plage de sable blanc. L’ancre a de la peine à crocher car le sol est une fine couche de sable sur des rochers. Nous nous y reprenons à deux fois. Un moment d’école, une sieste pour Louis, puis tout l’équipage s’embarque dans l’annexe pour découvrir cette belle plage.

Quelques heures plus tard, de retour au bateau, le vent forcit. Notre ancre commence à déraper et nous nous rapprochons d’un beau bateau moteur amarré derrière nous. Dominique n’a pas le temps de partir en annexe pour mettre une seconde ancre que déjà le danger d’une collision apparait. Vite ! Le moteur est enclenché et nous nous apprêtons à remonter un bout notre ancre. L’équipage du moteur, également sur le qui-vive, est plus rapide que nous. Ils démarrent leur moteur pour s’éloigner, puis décident de déplacer leur mouillage un peu plus loin.

Nous dérapons toujours ! Je rajoute 10m de chaine à l’ancre. Dom et Noé vont planter une deuxième ancre avec l’annexe. Nos aventures ne sont pas terminées ! C’est un lesté qui a décroché cette fois-ci et qui se rapproche rapidement de nous. Personne n’est à bord de ce Bavaria 36. J’alerte Dominique qui a déjà planté son ancre au loin. Je m’élance pour démarrer le moteur, mais déjà le voilier nous arrive dessus. Je rajoute encore de la chaine à notre ancre pour nous éloigner au plus vite. De son côté, Dom a amarré le 36 pieds à son ancre en alu. Le bateau nous frôle l’avant sans dégât. Peu après, son équipage rejoint le bord à la nage. Ils étaient au restaurant sur la plage. Nous sommes chaudement remerciés par ces Genevois en vacances sur un voilier de location. L’occasion de sortir une petite expression : « Le monde est vraiment petit ! » (A prononcer avec un bon accent vaudois !)

Après ces incidents, nous parvenons à nous ancrer solidement. Par 8 mètres de fond, nous sommes affourchés sur deux ancres. L’une avec 40 mètres de chaine, la deuxième avec 30 mètres de cordage plombé. Heureusement, car le vent se lève à 30 nœuds durant la soirée.

 

L’arrivée à Majorque fut un moment assez stressant. Nous avons connu notre première avarie moteur et c’est à la voile que nous rejoignons la Cala Figuera au Nord-Ouest de l’île. Heureusement, Dominique maîtrise parfaitement son voilier et l’ancre est plantée sans souci. Le charme de Minorque est absent de cette crique où de nombreux débris de plastique jonchent les eaux. Des méduses rendent la baignade difficile et un ressac désagréable nous brasse sans cesse. Cet arrêt forcé et prolongé s’annonce un peu maussade !

Notre Capitaine troque sa casquette contre celle de mécanicien et s’attaque à notre moteur. La panne semble vite être identifiée. : l’un des tuyaux d’arrivée d’essence est cuit et poreux. De l’air est arrivé dans le moteur. Remplacer le tuyau est rapidement réalisé, mais la purge du moteur est une autre affaire. Impossible de chasser l’air des tuyaux. Pour faciliter cette réparation, le mode d’emploi du moteur n’est pas le bon et aucun réseau n’est accessible dans cet endroit. Dominique passe l’après-midi, puis le lendemain les mains dans le cambouis. Sans succès ! Il finit par demander l’aide de nos voisins de mouillage. C’est un sympathique Majorquin qui débarque dans Wave Dancer. A deux, ils se rendent compte que le diesel est plein d’impuretés, ce qui bouche les filtres. Le moteur est alimenté sur un estagnon et non plus sur le réservoir et nous rejoignons la ville de Pollenso à 10 milles de là. Dominique passe encore un jour à réparer le moteur après avoir acheté le nécessaire. Le réservoir et les filtres sont nettoyés, le tuyau changé, le moteur purgé. Nous profitons de la ville à proximité pour compléter notre avitaillement, refaire le plein d’eau et quelques lessives.

Nous reprenons notre navigation par le Nord de l’île. Un vent arrière nous permet d’avancer tranquillement à 3-4 nœuds. Aujourd’hui, 35 milles sont au programme. La côte Nord de Majorque est sauvage et montagneuse. Peu de criques se découpent tout au long de notre trajet. Les falaises tombent à pic dans la mer. Nous nous rendons à Puerto de Soller, une petite ville touristique et pleine de de charme. En chemin, la ligne de pêche à la traine est installée et de nouveaux leurres sont testés. Quel succès ! En une petite heure, six maquereaux mordent aux hameçons. Le souper est pêché ! Cela redonne le sourire aux matelots et spécialement à Noé, qui est fin gourmet !

En quatre jours, nous longeons Majorque par le Nord. La pêche rencontre toujours autant de succès, maquereaux à la traine et sar au harpon ! Les mouillages sont par contre souvent rouleurs.

 

Du côté de la vie à bord, la promiscuité nous mène un peu la vie dure. Les disputes entre Noé et Karim sont assez fréquentes et toute l’ambiance dans le bateau en souffre. Pas facile tous les jours de concilier ces deux caractères si différents. Par ailleurs, sollicités de 8h00 à 21h00 sans arrêt par l’un ou l’autre, nous gaspillons notre énergie et ne parvenons plus à trouver la patience nécessaire à leur égard. J’ai donc décidé de prendre ça en main avec deux petites idées.

 D’abord, un tableau des tâches. Etant donné que l’école dure 2-3h00 par jour, le temps qui reste n’est pas uniquement à consacrer aux jeux ou à la lecture. Naïve, je comptais sur leur bonne volonté pour s’impliquer dans les tâches quotidiennes. Mes illusions ont vite été revues à la baisse ! J’espère que les « Pourquoi toujours moi ? », « Pfff ! Encore ?! » et autres soupirs du genre seront un peu moins présents ! Après une semaine de test, j’en suis assez satisfaite ! Occupés tous les deux à la navigation, nous avons eu droit à un diner préparé entièrement par Noé ! Et ça, c’est vraiment agréable !

Autre mesure pour notre bien-être à tous, un moment « zéro parent sauf cas d’urgence » pendant la sieste de Louis. Moment durant lequel aucune sollicitation ne peut être faite à Dom ou moi et où chacun s’occupe avec calme et autonomie.

L’ambiance redeviendra-t-elle un peu plus sereine à bord de Wave Dancer ? Affaire à suivre…

A bientôt!

 

 

 

L’arrivée à Minorque et notre premier mouillage au Nord-Est de l’île est un réel bonheur. Enfin, le bateau bouge un peu moins ! On parvient à se déplacer sans manquer de se faire projeter de gauche à droite.

Nous passons cinq jours sur l’île de mouillage en mouillage en passant  par le Sud. De nombreuses criques appelées « cala » se découpent tout au long de la côte et nous offrent un abri sûr. Le paysage est superbe et sauvage. La mer est bordée de falaises calcaires que l’eau a sculptées creusant de nombreuses grottes.

Durant la matinée, nous nous déplaçons et parcourons environ 15 milles chaque jour. Les airs ne sont pas toujours présents et c’est parfois au moteur que nous devons parcourir cette courte distance. Une fois à l’ancre, le temps s’écoule entre baignades, plages et petites marches à la découverte de l’île. Nous avons même pu faire un peu d’escalade dans la magnifique Cala Coves. Un parfum de vacances !

Pourtant, l’école a déjà commencé sur le Wave Dancer. Mes élèves s’ennuyant quelques peu étaient avides de commencer. C’est donc une petite équipe très motivée qui s’attelle à son travail scolaire chaque matin. Nous débutons à 9h et terminons au plus tard vers 11h30 pour les plus grands. De quoi rendre jaloux tous les copains qui regagnent les bancs d’école ce lundi.

Sur le bateau, le quotidien s’organise. Nous mettons en pratique de nombreux gestes afin d’économiser l’eau douce et sommes assez fiers d’être autonomes en eau et électricité depuis une semaine maintenant. La vaisselle et la douche se font principalement à l’eau de mer avec juste un petit rinçage à l’eau douce pour terminer.

Du côté de la pêche, le succès est modeste. Le Capitaine s’y adonne pourtant régulièrement. Comme il me l’a dit un soir : «  Je parviens à pêcher ma portion, il faut vous y mettre aussi maintenant ! ». Moi, la pêche, j’ai essayé ! On passe plus de temps à démêler des nœuds qu’à pêcher ! Bof, je lui laisse volontiers cette tâche !

 

Prochaines nouvelles de Majorque ! A bientôt !

 

Dimanche 19 août, 7h00 :

Après une nuit reposante, je me réveille tôt. Aujourd’hui, on part ! Je suis à la fois impatiente et pleine d’appréhension. La haute mer, la houle, les quarts, la terre qui s’éloigne, … Que de nouveautés. Dom a l’air confiant en mes capacités à le seconder. J’admire son courage de se lancer avec un tel équipage. Il en prend des responsabilités !

Je me dis parfois que nous sommes un peu fous de ne pas avoir testé une première petite traversée avant de nous lancer pour de bon. Mais j’aime aussi l’idée que tout n’est pas totalement maitrisé, qu’il y a une part d’inconnu dans ce que nous entreprenons. Ces étapes de vie si riches en intensité sont rares et précieuses. Elles doivent être vécues dans l’instant présent, sans préjugés.

Toute la tribu dort encore. L’appréhension n’a pas gagné le reste de l’équipage. Au contraire, chacun se réjouit du départ. Ces 20 jours à Port-Camargue ont été longs. Noé, particulièrement, a hâte de partir. L’inactivité du port lui a pesé. Je l’ai entendu dire à son papa hier soir : « Papa ! Si tu as besoin de moi pour les manœuvres, tu me demandes ! » Je suis si fière de mon ainé plein de sollicitude ! Lui qui a tant redouté ce départ et l’éloignement avec ses camarades.

Voilà, dans quelques heures, nous quitterons ce port qui nous a abrité durant plus d’une année. Le rêve commence…

 

Mardi 21 août, 3h30 :

Je prends mon quart après les deux grands de 21h à minuit et Dom de minuit à 3h00. 6 heures de sommeil d’affilée, quel luxe !

Bientôt 40 heures que nous sommes en mer. La nuit est calme. Le bateau avance à 3 nœuds en vent arrière. Le ciel est plein d’étoiles et les lueurs de Minorque se dessinent au loin.

Cette courte traversée a été éprouvante pour tous. Partis sur une mer « belle » avec un vent de 10 nœuds, les airs ont forci durant la nuit de dimanche à lundi passant à 20 nœuds. La mer est devenue « agitée » avec de nombreuses vagues et creux de 2 mètres nous ballotant dans tous les sens. A son réveil, notre Karim d’habitude si plein d’entrain se retrouve vite sans voix. Peu après, le sceau se remplit une première fois. Noé, puis Louis se trouvent mal eux aussi. Je tiens bon derrière la barre, mais peu s’en faut ! C’est l’occasion idéale pour tester quelques-uns de mes remèdes anti mal de mer. J’ai tout pris ! Homéopathie, acupuncture, médicaments plus ou moins costauds pour petits et grands et même des lunettes anti mal de mer qui remettent Karim d’aplomb en quelques heures.

Après avoir laborieusement réussi à préparer le déjeuner de mes moussaillons  (la boîte de flocons d’avoine ne s’est renversée qu’une fois !), notre hamac à fruits lâche sans prévenir. Tomates écrasées, avocats aplatis, concombre en morceaux. Trop chargé, c’est sûr !

Les vagues nous mènent la vie dure durant toute la journée. Mouvements du bateau, grincements divers et variés, fatigue, mal de mer, les nerfs de l’équipage sont mis à rude épreuve. Le bel enthousiasme de Noé a laissé place à une moue boudeuse. Louis nous dit qu’il veut rentrer à la maison. Ce n’est pas facile de lui expliquer que désormais la maison, c’est notre bateau ! Comme une récompense à tous ces efforts, nos premiers dauphins surgissent au cours de l’après-midi. Nous en profitions Noé, Karim et moi à la barre. Le reste de l’équipage est à la sieste. Quel moment magique !

Les airs et la mer se calment en fin de journée et je retrouve un peu de motivation à rejoindre la cambuse pour préparer un bon souper. La nuit sera agréable et reposante pour tous.

Dès 6h30, les côtes de Minorque apparaissent à l’horizon. Vivement le mouillage !

 

Une bise à vous tous !

Octobre 2016, un jour de brouillard probablement :

Les jours s’enchainent et se ressemblent : boulot, ménage, devoirs, activités extrascolaires, boulot, ménage, …

Et soudain, une idée enfouie depuis plusieurs années refait surface et s’impose comme tellement vraie. Il nous faut partir, vivre cette grande aventure dont nous avons tant rêvé.


Nous avons construit ce projet à deux. Chacun avec nos envies, nos espoirs et notre manière de l’exprimer. Voilà pourquoi chacun de nous deux a souhaité vivre cette aventure :

Dominique :

Depuis tout jeune, je côtoie le milieu de la voile.

D’abord, avec envie, je regardais ma mère et mon beau-père régater sur un HobbyCat18 pendant que j’arpentais les bords des lacs sur mon vélo.

Puis, dès l’âge de 9 ans, à la naissance de mon petit frère, je prends la place de ma mère et participe aux Championnats Suisses d’HobbyCat18 durant plusieurs années.

Je me souviens des nombreuses soirées passées à écouter les récits des plus vieux revenant de voyage. Cela m’a toujours attiré. Découvrir le monde et ses beautés à bord de mon voilier est un rêve qui m’a accompagné depuis tout gamin !

Véronique :

Je crois que depuis l’adolescence, en lisant les récits de famille voyageuse, je me suis toujours dit : « Un jour, moi aussi ! » Sans vraiment pouvoir expliquer ce qui m’attirait. Ce jour est arrivé et mes motivations sont désormais bien claires.

Ce voyage ...

c’est l’envie d’avoir une vie plus libre où les contraintes du quotidien sont celles que je me pose.

c’est l’envie de vivre à l’écoute de la nature et plus simplement. Une vie où chaque goutte d’eau douce compte, où chaque objet a son utilité.

c’est l’envie de vivre ensemble avec mon homme et mes enfants, de partager et de bouleverser les rôles de chacun.

c’est l’envie de découvrir de nouvelles cultures et paysages afin de s’ouvrir l’esprit et de se sentir libre d’être soi.

c’est l’espoir d’avoir du temps …

Et les enfants… ?

Embarqués dans cette aventure, ce n’est pas toujours facile de se réjouir de quitter ses repères et ses copains. A mes questions insistantes, ils ont finalement tous trouvé une chose dont ils se réjouissent.

Noé espère découvrir de nouveaux animaux

Karim est content de visiter de nouveaux pays

Yianis a très envie de voir un dauphin

Louis aime bien jouer avec l’eau, mais il a encore un peu peur des poissons.

Leur langue se déliera au fil des jours…